juin 01, 2009

La campagne promotionnelle, la vie privée et le harcèlement

Une campagne promotionnelle a pour objet rejoindre les gens et souhaite se faire entendre. Or, un jugement de la Cour du Québec (Division des petites créances) en date du 20 mars 2009, vient souligner le principe fondamental de vie privée, protégée par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Les faits sont relativement simples. Dans l’arrêt Pépin c. Sélection du Reader's Digest, 2009 QCCQ 2317, M. Pépin poursuit Sélection du Reader's Digest en dommages suite au harcèlement dont il a été victime du 6 juin au 16 novembre 2007 à l'occasion d'une promotion offerte par la cette dernière dans les circonstances suivantes.

Suite à une offre publicitaire de Sélection du Reader's Digest, le M. Pépin a souscrit et payé un abonnement à la publication Sélection du Reader's Digest pour la période d'une année. Il reçut alors un livre gratuit comme cadeau. Il reçut également un autre livre non désiré et non commandé accompagné d'une facture de 36 $ et décida, le 2 juin 2007, de se retirer de la liste d'envoi comme il était en droit de le faire et lui demanda à quelle adresse il pouvait lui retourner le livre non requis. Le 14 juillet 2007, Sélection du Reader's Digest lui envoie une facture de rappel. Le 25 juillet 2007, M. Pépin écrit de nouveau à Sélection du Reader’s Digest pour lui rappeler son message du 6 juin précédent. Il recoit, malgré tout, le 18 août 2007, un avis de compte en souffrance ainsi qu’un rappel urgent que son compte est échu depuis trois (3) mois en date du 22 septembre 2007. Durant le mois d’octoble M. Pépin écrit à Sélection du Reader's Digest pour lui réitérer ses propos des 6 juin et 25 juillet 2007 et la mettre en demeure de cesser son acharnement à défaut de quoi il s'adressera à la cour des petites créances. Il recoit, 2 semaines plus tard, un avis que son compte sera remis au service du crédit. M. Pépin dépose une réclamation aux petites créances le 16 novembre 2007. En réponse, Sélection du Reader’s Digest dépose à la poste une lettre informant M. Pépin qu'elle a rayé son nom de sa liste d'envoi. Elle ajoute cependant le message suivant : « Veuillez noter que nous adressons une partie de notre courrier d'avance et il est possible que vous receviez encore quelques envois. Ceux-ci cesseront d'ici un mois environ et nous vous remercions d'être patient. »

À la lumière des faits précédemment exposés, la Cour conclut qu'il y a eu un acharnement constant de la part de Sélection du Reader’s Digest en dépit des demandes répétées M. Pépin de mettre fin à ce harcèlement. La Cour indique également que la dernière lettre de Sélection du Reader’s Digest démontre que son acharnement n'est pas un geste isolé mais constitue plutôt un plan érigé en système de nature à porter atteinte à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne qui accorde à toute personne le droit au respect de sa vie privée.

La Cour fait alors un rappel de l’arrêt The Gazette c. Valiquette, C.A. 500-09-000529-917 en date du 10 décembre 1996, où la Cour d'appel s'exprimait ainsi :
« Qualifié comme l'un des droits les plus fondamentaux des droits de la personnalité (Duclos c. Aubry et Éditions Vice-Versa inc.), le droit à la vie privée échappe encore à une définition formelle.

Il est possible cependant de relever les composantes du droit au respect de la vie privée, lesquelles sont relativement précises. Il s'agit du droit à l'anonymat et à l'intimité ainsi que le droit à l'autonomie dans l'aménagement de sa vie personnelle et familiale ou encore le droit au secret et à la confidentialité (voir R. c. Dyment, 1988 CanLII 10 (C.S.C.), [1988] 2 R.C.S. 417 ; R. c. Duarte, [1991] 1 R.C.S. 30 (46). On inclut le droit à l'inviolabilité du domicile, à l'utilisation de son nom, les éléments relatifs à l'état de santé, la vie familiale et amoureuse, l'orientation sexuelle.

En fait, la vie privée représente une «constellation de valeurs concordantes et opposées de droits solidaires et antagonistes, d'intérêts communs et contraires» évoluant avec le temps et variant d'un milieu culturel à un autre.
Le droit à la solitude et le droit à l'anonymat sont reconnus de façon constante, comme éléments essentiels de la vie privée
»

En vertu de l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne permettant à la victime de l'atteinte à son droit de demander la réparation du préjudice moral qui en résulte, la Cour lui accorda la somme de 1 000 $ puisque M. Pépin a subi l'acharnement de la défenderesse pendant cinq (5) mois.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

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