avril 13, 2012

Le droit à la réputation


L’actualité récente commentée un peu partout (et j’inclus les blogues) a donné lieu à certains débordements qui m’amènent à sortir un peu du cadre éditorial au sens strict de La pub et le droit pour aborder le sujet du droit à la réputation.
En premier lieu, il faut rappeler que toute atteinte à la réputation, atteinte verbale, écrite, publique ou privée, comprenant une injure, une affirmation ou un simple sous-entendu constitue une faute. La jurisprudence abondante mentionne qu’une personne morale, au même titre qu’une personne physique, jouit d’une réputation et a droit aux mêmes recours qu’une personne physique pour faire respecter ses droits.
Pour que la diffamation donne ouverture à une action en dommages-intérêts, l’auteur doit avoir commis une faute. Quelle est la nature de la faute? Elle peut résulter d’une attaque à la réputation dans l’intention de nuire, de ridiculiser, de l’humilier, de l’exposer à la haine au mépris du public ou d’un groupe. Même si l’intention de nuire est absente, si la réputation est atteinte par témérité, négligence ou impertinence et donne ouverture à responsabilité et droit à la réparation. Comme le souligne Jean-Louis Baudoin (La responsabilité civile). On ne peut se réfugier derrière le droit à la libre expression dans le seul but de porter préjudice à autrui.
Rappelons cependant, comme le souligne Jean-Louis Baudoin, qu’en matière d’éditorial ou de critique, si le caractère loyal et honnête, lorsqu’il s’agit d’un sujet d’intérêt public, que le traitement par le journaliste est correct et que la conclusion est raisonnable à l’égard des faits pertinents, il peut y avoir exonération.
L’appréciation de la faute est laissée à la discrétion du tribunal et repose sur une question de faits et de circonstances. La cour tiendra compte de l’effet que l’atteinte a produit, ou du moins, était destiné à produire.
Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

avril 12, 2012

Le choix du nom

L’affaire Oasis permet de mettre en lumière une certaine confusion sur le choix du nom de la société, le rôle du nom et sa protection. J’avais choisi de ne pas poursuivre la ligne éditoriale « Oasis» mais permettez-moi de récidiver une dernière fois afin d’éclaircir certains points.

En vertu de l’article 305 du Code civil du Québec (ci-après «CcQ»), la société a un nom qui lui est donné au moment de sa constitution. L’article 55 du Code prévoit, par ailleurs, que la société a droit au respect de son nom. Le nom de la société (appelé dénomination sociale au fédéral) se distingue du nom d’emprunt.

Lorsque les fondateurs choisissent le nom, ils doivent se conformer à la Loi sur la publicité légale des entreprises. L’article 17 prévoit les exigences concernant suivantes, incluant à la fois la dénomination sociale ou nom d’emprunt :

L’assujetti ne peut déclarer ni utiliser au Québec un nom:

1° qui n’est pas conforme aux dispositions de la Charte de la langue française (chapitre C-11);

2° qui comprend une expression que la loi réserve à autrui ou dont elle lui interdit l’usage;

3° qui comprend une expression qui évoque une idée immorale, obscène ou scandaleuse;

4° qui indique incorrectement sa forme juridique ou omet de l’indiquer lorsque la loi le requiert, en tenant compte des normes relatives à la composition des noms déterminées par règlement du gouvernement;

5° qui laisse faussement croire qu’il est un groupement sans but lucratif;

6° qui laisse faussement croire qu’il est une autorité publique visée au règlement du gouvernement ou qu’il est lié à celle-ci;

7° qui laisse faussement croire qu’il est lié à une autre personne, à une autre société de personnes ou à un autre groupement de personnes, dans les cas et en tenant compte des critères déterminés par règlement du gouvernement;

8° qui prête à confusion avec un nom utilisé par une autre personne, une autre société de personnes ou un autre groupement de personnes au Québec, en tenant compte des critères déterminés par règlement du gouvernement;

9° qui est de toute autre manière de nature à induire les tiers en erreur.

Les 6 premiers font l’objet d’un contrôle a priori par le registraire des entreprises. Si le nom contrevient à l’une de ces exigences, le registraire doit refuser l’immatriculation.

Or, en ce qui concerne la confusion, le Règlement d’application de l’ancienne loi, prévoit qu’ un nom laisse croire qu'un assujetti est lié à une autre personne, à une autre société ou à un autre groupement ou prête à confusion avec un nom utilisé par une autre personne, une autre société ou un autre groupement au Québec en tenant compte des critères du caractère distinctif de chaque nom et de chacun de leurs éléments, de leur ressemblance visuelle ou phonétique et de la ressemblance entre les idées évoquées par les noms. On doit aussi tenir compte aussi de la notoriété de chaque nom ainsi que de la concurrence ou de la probabilité de concurrence entre les personnes, sociétés ou groupements que ces noms désignent, quant à leurs objets ou activités, aux biens ou services qu'ils produisent ou offrent, à la quantité de ceux-ci ou aux moyens par lesquels ils sont produits ou offerts, aux territoires où ils exercent leurs activités et au nombre de personnes qu'ils desservent et la manière dont chaque nom est utilisé. Ces critères ressemblent à ceux retenus à l’article 6 de la Loi sur les marques de commerce

Rappelons, en terminant, que la marque de commerce utilisée au Québec constitue un nom utilisé au Québec en vertu de la Loi sur les sociétés par actions et la Loi sur la publicité légale des entreprises. L’existence peut donc rendre illégal, en cas d’identité ou de confusion, la dénomination sociale ou le nom d’emprunt de la société. De plus, au fédéral, la marque de commerce est considérée pour déterminer si la dénomination sociale d’une société fédérale est prohibée parce qu’elle porte à confusion

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique


avril 11, 2012

Pour en finir avec les marques de commerce

Me voilà à nouveau en train d’aborder le sujet de ce qu’on appelle désormais l’affaire Oasis. Après avoir abordé la protection du nom et l’abus de procédure ainsi que la distinction entre la dénomination sociale, la marque de commerce et le nom commercial, je constate qu’il existe encore une certaine confusion. Je me propose donc de tracer un portrait plus réaliste de la situation.

C’est le Bureau des marques de commerce, situé à Ottawa/Hull, qui gère le système d'enregistrement des marques de commerce et non le registre des entreprises. Il ne faut pas confondre la dénomination sociale, la marque de commerce et le nom commercial.

Aussi, le propriétaire d'une marque de commerce fait l’acquisition de certains droits juridiques sur sa marque de commerce par la simple utilisation de celle-ci sur le marché. Cependant, ces droits sont limités à la région géographique où la marque de commerce est employée ou annoncée. En cas de litige, une preuve de cette utilisation devra être présentée à la Cour. Si la marque de commerce est utilisée en association avec des produits ou des services, son emploi doit répondre à certains critères pour être qualifié d' «emploi» au sens de la loi.

Rappelons qu’une marque de commerce peut ne pas être enregistrable pour plusieurs raisons notamment la possibilité de créer de la confusion avec une autre marque de commerce. Il faut considérer divers critères lors de l'évaluation des risques de confusion entre marques de commerce. Les types de marque suivants ne peuvent pas être déposés :

  • les noms et les noms de famille;
  • les marques comportant une description « évidente »;
  • les descriptions « fausses et trompeuses »;
  • les mots désignant un lieu géographique connu pour être le lieu d'origine des produits ou des services offerts;
  • des mots ou des dessins pouvant créer de la confusion avec une autre marque de commerce déjà déposée ou en attente d'enregistrement; et
  • des mots ou des dessins qui ressemblent étroitement à une marque interdite.

On ne saurait insister sur l’importance, avant d’employer une marque de commerce sur le marché ou de déposer une demande, d'effectuer une recherche sur les marques de commerce déjà enregistrées ou du moins en instance d'enregistrement. Il sera alors possible de déterminer, à partir des résultats de cette recherche, si quelqu'un d'autre a déjà enregistré ou demandé d'enregistrer une marque de commerce identique ou semblable dans le même secteur d'activité, ce qui pourrait engendrer de la confusion dans le public. Si cette recherche détermine que la marque de commerce visée crée de la confusion avec une marque de commerce antérieure utilisée dans le même secteur d'activités, il serait peut-être préférable d'en choisir une autre, plutôt que d'investir dans une marque de commerce qui pourrait mener à un procès onéreux.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

avril 10, 2012

Dénomination sociale, marque de commerce et nom commercial

Il s’est dit plusieurs choses depuis ce qu’on pourrait appeler “l’affaire Oasis” et je constate qu’on nage d’une notion à l’autre sans clairement les définir ni même saisir les nuances.

Rappelons en premier ce que je répète depuis le début de ce blogue : La marque de commerce représente un atout précieux pour l’entreprise. Cette dernière a donc intérêt à la protéger afin de contrer tout risque de confusion avec la marque de commerce d’une autre entreprise.

Cependant, nous pouvons constater depuis quelques jours la tendance à confondre la dénomination sociale, la marque de commerce et le nom commercial.

La dénomination sociale est le nom sous lequel une société est constituée. Elle sert à l’identifier dans l’exercice de ses activités, qu’elle ait été constituée au provincial ou au fédéral. C’est le nom légal de l'entité.

La marque de commerce, c’est en quelque sorte, le signe particulier (un mot ou groupe de mots, un dessin, ou une combinaison de ces éléments, servant à désigner les marchandises ou les services d'une personne) qu’une personne emploie dans le but de distinguer les marchandises qu’elle fabrique, vend, loue, ou même les services qu’elle rend de ses concurrents. Son enregistrement dans le registre des marques de commerce, confère à son détenteur un droit d’utilisation exclusif, conformément à la Loi sur les marques de commerce.

Finalement, le nom commercial. C’est en quelque sorte l’appellation sous laquelle une personne physique ou morale et qui sert à identifier un fonds de commerce et à le distinguer d’un autre.

Une fois cette distinction faite, il reste la grande question à laquelle je n’arrive pas à répondre. Pourquoi réagir à ce point au fait que la marque de commerce Oasis soit enregistrée ?

Il y a plusieurs raisons qui permettent d’expliquer l’enregistrement d’une marque de commerce. L’enregistrement constitue une preuve de propriété et permet de porter plainte pour contrefaçon en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Il accorde les droits exclusifs à l'égard de la marque, partout au Canada, pendant 15 ans.

L’enregistrement peut être renouvelé. Et finalement, Il interdit que d'autres utilisent une marque de commerce similaire pouvant prêter à confusion. Notons en terminant que l'enregistrement d'une marque de commerce peut être déclaré invalide si un tiers a déjà employé, au Canada, un nom commercial ou une marque de commerce semblable.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

avril 07, 2012

La protection du nom et l'abus de procédure

La Presse relatait aujourd’hui la décision de la Cour d’appel en date du 30 mars 2012 concernant les Industries Lassonde Inc. Une décision fort contestée dans l’opinion publique. J’avais abordé ce sujet en février dernier. Depuis, un jugement a été rendu. Une mise à jour s’imposait.

Rappelons les faits. Les industries Lassonde Inc. et A. Lassonde Inc. sont détentrices de la marque de commerce « OASIS » et de nombreuses marques y associées, comme « Oasis Florida Premium », « Oasis Sélection » et « Oasis Classique », utilisées essentiellement à l’égard de jus, boissons et sorbets.

Le 2 août 2005, Olivia’s Oasis Inc. a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce OLIVIA’S OASIS & Dessin) fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les marchandises relatives aux solutions de lavage et soins pour le corps. Le 4 juillet 2006, Industries Lassonde Inc. et A. Lassonde Inc., ont produit une déclaration d’opposition dans laquelle elles ont invoqué notamment que la marque créait de la confusion avec leurs marques de commerce déposées

Par jugement rendu en août 2010, la juge rejette la procédure des appelantes d'avis qu'il n'y a aucun risque de confusion.

C’est là où l’opinion publique va un peu dans tous les sens, selon moi. Rappelons que l’appel ne porte pas sur la conclusion de la juge quant à l’absence de possible confusion entre les marques des appelantes et celle de l’intimée eu égard aux produits commercialisés. L’appel porte uniquement sur la partie du jugement où la juge conclut qu’il y a eu, en l’espèce, abus de procédure au sens des art. 54.1 et suivants C.p.c. et de la condamnation de 125 000 $. Notons qu’à la fin du procès, L’Oasis d’Olivia Inc invoque les articles 54.1 et 54.4 C.p.c. et demande à ce que ses droits soient réservés à ce sujet, elle condamne les appelantes, sur la seule foi d'une déclaration de l'intimée, à verser à cette dernière 100 000 $ en honoraires extrajudiciaires et déboursés, plus 25 000 $ en dommages punitifs. Que prévoient ces articles?

54.1 C.p.c. «Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.

L'abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics. »

54.4 C.p.c « Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d'une demande en justice ou d'un acte de procédure, ordonner, le cas échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de l'instance, condamner une partie à payer, outre les dépens, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs»

L’Oasis d’Olivia Inc alléguait que Les Industries Lassonde inc. même si elles étaient ou devaient être conscientes de la faiblesse de leur marque de commerce, ont néanmoins intentées les procédures contre elle pour la forcer à renoncer à l'utilisation du mot « oasis ». Plus précisément, pour l'intimider et l'amener à se désister de sa demande d'enregistrement de la marque « Olivia’s Oasis » et à cesser d'utiliser le mot « oasis » en association avec ses produits corporels.

Or, rien dans ce qui a été démontré, selon la Cour d’appel ne fait voir aucune preuve, par témoignage ou document, qui démontre une telle volonté des industries Lassonde.

La Cour d’appel ne voit pas dans le fait de contester l'enregistrement d'une marque et d'entreprendre en même temps des procédures pour en faire cesser l'utilisation, une manifestation d'un excès de procédure ou de moyens. Une fois la conclusion tirée par les représentants des appelantes que la marque de commerce proposée pour enregistrement par l’intimée pouvait porter à confusion, ces dernières avaient droit de s’opposer à l’enregistrement pour protéger la leur (art. 38 Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13) et en parallèle de rechercher une injonction. C’est non seulement la pratique à suivre en cette matière, mais pratiquement une obligation. La Cour retient plutôt que Les Industries Lassonde Inc. ont agi d'une manière conforme à la pratique.

Fait intéressant, la Cour rappelle que la bonne foi se présume. Pour conclure que les dirigeants des Industries Lassonde Inc. étaient de mauvaise foi ou ont fait preuve d'une légèreté blâmable, il faudrait des preuves ou des indices suffisamment probants. Le fait qu’elles aient en 1988 et 1997 obtenu des renonciations à des marques de commerce comprenant le mot « oasis » à l'égard de produits ou services totalement non reliés à leurs produits ne permet pas d'inférer qu'elles se livrent systématiquement à du harcèlement ou à des menaces à l'égard de quiconque ose utiliser ce mot. Au contraire, on peut tout aussi bien y voir le désir d'une entreprise de renforcer son identification.

Par conséquent, rien n'indique que les Industries Lassonde Inc. poursuivaient une stratégie illégale de menaces et de harcèlement à l'égard de toute personne ou entreprise désireuse d'utiliser le mot « oasis » dans une marque de commerce, ce qui aurait pu constituer un détournement des fins de la justice. La conclusion qu'il y a eu abus au sens des articles 54.1 C.p.c. et suivants ne peut s'appuyer sur la preuve faite. L'octroi d'un montant de 100 000 $, essentiellement pour honoraires extrajudiciaires, ne repose pas sur une preuve suffisante.

Concernant la condamnation à des dommages punitifs, rien n'indique que les éléments mentionnés à l'art. 1621 C.c.Q. ont été considérés dans l'établissement du montant. En octroyant des dommages punitifs, la Cour veut dissuader les Industries Lassonde Inc de recommencer ce qui a été considéré, à tort, comme un recours abusif. Leur justification n'existe plus puisque le recours n’a pas été retenu comme étant abusif.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

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