avril 01, 2013

Devoir de loyauté et l'information confidentielle


Dans ce contexte économique, les employés changent fréquemment d’emploi. Il est peut-être bon de rappeler le devoir de loyauté. Le devoir de loyauté est protégé par le Code civil du Québec à l’article 2088 CcQ
«Le salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail.
Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l'information réfère à la réputation et à la vie privée d'autrui

Rappelons qu’en principe, l’employé est libre de concurrencer son employeur comme le rappelle la Cour d’appel, dans l’arrêt Concentrés scientifiques Bélisle inc. c. Lyrco Nutrition inc., 2007 QCCA 676


«Le second alinéa de l'article 2088 C.c.Q. et le devoir de loyauté qu'il énonce doivent être interprétés de façon restrictive, la survie d'une obligation contractuelle au-delà de la terminaison du contrat qui y a donné naissance étant exorbitante du droit commun. Cette interprétation restrictive se justifie également par le fait que, dans l'organisation de notre société, la concurrence, en affaires, est la règle.
(…)
En l'absence d'une clause de non-concurrence, l'ex-salarié peut en principe concurrencer son ex-employeur (soit en trouvant un nouvel emploi chez un concurrent, soit en fondant sa propre entreprise concurrente, soit en investissant dans une entreprise concurrente, etc.). Il peut même se livrer à une concurrence vigoureuse, à condition toutefois que cette concurrence demeure loyale et respecte le principe de bonne foi.
 

En elle-même, la sollicitation de clientèle n'est pas interdite, en principe, puisqu'il s'agit d'un acte de concurrence ordinaire, la recherche de la clientèle étant l'élément définitionnel de la concurrence»

Cependant, il existe certaines restrictions qui peuvent être prévues au contrat comme le précise 2089 CcQ
«Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l'employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui lui ferait concurrence. Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l'employeur. Il incombe à l'employeur de prouver que cette stipulation est valide.»

La Cour du Québec, dans l’arrêt Équipements K.N. Inc. c. Métallifer Ltée, 2004 CanLII 21371 est venue rappeler que

«La jurisprudence constante est à l’effet qu’aucun devoir implicite découlant d’un contrat de travail ne saurait empêcher un individu de gagner sa vie en utilisant ses connaissances et ses aptitudes professionnelles; les libertés de commerce et de concurrence doivent prévaloir, sous réserve des limites résultant de la bonne foi et du devoir de loyauté. Il est aussi établi que les clients ne sont pas la propriété exclusive de l’employeur ou de l’ancien employeur. Le recrutement et la sollicitation auprès de clients de l’ex-employeur ne constituent pas en soi une manœuvre déloyale et encore moins illégale[. Pour que l’on considère la manœuvre déloyale ou contraire à la bonne foi, il faut des tactiques frauduleuses ou trompeuses, étrangères aux pratiques habituellement reconnues ou encore une utilisation fautive de secret de fabrication ou de listes de clients. Dans Transport East-Angus inc. c. Bibeau, le Juge Fréchette parle de la loyauté comme étant de la probité, de la droiture, de l’honnêteté, de la bonne foi et de la fidélité à tenir ses engagements


Aussi, il est bon de rappeler que l’employé ne peut utiliser l’information confidentielle obtenue dans le cadre de son travail, comme le précise 2088 CcQ. Une décision de la Cour suprême, datant de 1989 précise ce qu’est un abus de confiance (Lac minerals ltd. c. International corona resources ltd., [1989] 2 RCS 574)

«Le critère applicable pour décider s'il y a eu abus de confiance consiste à établir la présence de trois éléments: (1) le caractère confidentiel des renseignements confiés; (2) leur communication à titre confidentiel; et (3) leur emploi abusif par la personne à laquelle ils ont été communiqués. Corona a communiqué des renseignements qui étaient privés et qui n'avaient pas été publiés et bien qu'il n'ait pas été fait mention du caractère confidentiel il était entendu entre les parties qu'elles travaillaient en vue d'une entreprise conjointe et que des renseignements précieux étaient confiés à Lac dans des circonstances donnant lieu à une obligation fondée sur des rapports de confiance.»

Rappelons en terminant ce qu’est une information confidentielle
Comme le rappelle l’arrêt Saltman Engineering Co. v. Campbell Engineering Co. (1948), 65 R.P.C. 203 (C.A.) «Je ne crois pas énoncer incorrectement le principe en disant ce qui suit sur l'usage des renseignements confidentiels. Les renseignements, pour être confidentiels, doivent, me semble‑t‑il, indépendamment de tout contrat, posséder le caractère confidentiel nécessaire, c'est‑à‑dire qu'il ne doit pas s'agir de quelque chose qui appartient au domaine public et est de notoriété publique. En revanche, il est parfaitement possible qu'un document confidentiel, qu'il s'agisse d'une formule, d'un plan, d'un dessin ou de quelque chose du genre, soit le résultat du travail fait par son auteur à partir de matériaux accessibles à quiconque; ce qui le rend confidentiel est le fait que l'auteur du document s'est servi de son intelligence et a de la sorte obtenu un résultat que seul ce processus mental peut donner

Le secret commercial est défini dans le Dictionnaire de droit québécois et canadien :
« Information concernant des procédés de fabrication ou d’exploitation d’un produit que son bénéficiaire cherche à tenir confidentielle afin qu’elle ne soit pas divulguée à ses concurrents. »

L’arrêt Positron inc. c. Desroches [1988], R.J.Q. 1636 précise ce qu’est un secret de fabrication
« Quant aux secrets de fabrication, il s’agit habituellement d’une formule secrète ou d’un procédé secret de fabrication unique à son détenteur et qui a été révélé en confidence à l’employé. On ne parle pas ici d’expérience acquise par un employé, mais d’une connaissance appartenant à l’employeur et qu’il révèle à l’employé pour la fin unique de lui faire fabriquer ce que le secret permet de réaliser.Sont de ce genre les formules chimiques, les recettes, les procédés de fabrication qui nécessitent de connaître les quantités exactes de produits entrant dans la fabrication, la façon de les utiliser pour que telle réaction désirée se produise, le degré de température qu’il faut leur faire atteindre pour que la réaction recherchée se produise, la densité requise des liquides, quel produit il faut utiliser pour obtenir la réaction voulue, surtout si le produit s’élimine après usage et que l’analyse du produit fini ne permet pas de déceler l’utilisation du produit éliminé.
La formule de Coca-Cola est de cette catégorie.»

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

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