juin 08, 2014

La pub et le droit a 10 ans



La pub et le droit fêtera son 10e anniversaire le 1er août. Des centaines d'heures de recherches jurisprudentielles et législatives pour donner plus de 182 billets mensuels, vous donnant ainsi un rendez-vous le 1er jour du mois, à heure fixe. Vous connaissez le début de l’histoire, je vous ai souvent raconté la naissance de ce blogue. Pour vous situer, je vous fais brièvement un rappel. Plusieurs blogues juridiques existaient en Europe et aux É-U mais aucun au Canada. J’avais contacté le Barreau pour connaître l’encadrement requis pour ce type d’exercice. Il restait alors le champ couvert. Un blogue juridique, soit, mais qui parlerait de quoi? Diplômée également en marketing (BAA), j’avais pris comme repère de couvrir le prix, le produit, la publicité et la distribution. Tout était alors en place pour débuter cette belle aventure. 

Au fil des ans, ce blogue a connu quelques changements, je me suis permis 2 mois de repos par an, soit les mois de janvier et juillet. Repos me semble un terme tout à fait juste et il n'était pas de trop. En effet,  même si les billets sont mensuels, ils exigent une recherche, une lecture continue de l’actualité, être continuellement alerte face aux développements de ce domaine du droit, plutôt pointu, tout en continuant parallèlement mes autres activités. Je dois également m’assurer que mon blogue n'est pas redondant. Or, depuis quelques temps, j'ai l'impression de me répéter. Plus de 182 billets plus tard, il n'est plus aussi facile d'apporter un regard neuf sur certaines notions juridiques. Un billet juridique nécessite une analyse et une réflexion plus profonde que la compulsion du moment.

Ce qui m'amène à cette réflexion. Je fais partie de la première génération de blogueurs. Ce que nous ignorions à l'époque, c'est que bloguer, c'était se mettre à nu, face à un auditoire qui nous connait peu. Plusieurs ont survécu développant ainsi la constance et la persévérance. Certains m'ont témoigné ce lien social très fort qui est impliqué, comme une relation amicale.

J'ai également assisté à la fermeture de plusieurs blogues. Les raisons invoquées? Le sentiment d'avoir fait le tour, le manque d'intérêt. Plus souvent qu'autrement, le blogue a servi de porte d'entrée à des opportunités qui finissaient par laisser peu de temps à consacrer au blogue. D'autres ont fermé leur blogue pour en ouvrir d'autres consacrés à des sujets différents. Les gens continuent d'écrire, si ce n'est pas en bloguant, c'est ailleurs, sous d'autres formes.

Bref, après 10 ans, qu’est-ce qu’il reste à dire sur le domaine de la publicité et du droit? Je l’ignore, sûrement beaucoup. Mais je sais également qu’il importe que je garde l’envie d’écrire. J'aurai toujours cette envie d'écrire, elle est en moi depuis ma tendre enfance. Cependant, pour éviter de me répéter, pour éviter l’inévitable sentiment de faire le tour du jardin, les billets seront plus espacés, au fur et à mesure que l’inspiration sera au rendez-vous. Je ne m'imposerai plus ce rythme mensuel.

Amicalement et sincèrement,

Natalie

juin 01, 2014

La clause de non-concurrence et l'agence de placement



Un rappel sur la portée de la clause de non-conurrence avec l’arrêt Soins santé Portneuf c. Savard, 2013 QCCQ 6961. Santé Portneuf est une agence de placement auprès des centres hospitaliers et d'hébergement. À cette fin, elle emploie des préposés aux bénéficiaires, des infirmiers(ères) auxiliaires et des infirmiers(ères) pour du travail sur appel, de jour, de soir ou de nuit, qu'elle offre à temps plein et à horaire fixe, afin de pallier le manque de personnel chez ses clients.

Le 1er avril 2010, Santé Portneuf retient les services de Mme Savard, infirmière auxiliaire qui souhaite travailler à plein temps, et lui fait signer une convention d'exclusivité et de non-sollicitation qui prévoit :
« 2.   L'employée s'engage formellement à ne pas, directement ou indirectement, de quelques façons que ce soient, solliciter, postuler, appliquer ou répondre à une offre d'emploi du client pour qui elle sera placée par son employeur et ce, durant toute la durée du contrat de placement de personnel et dans les 6 mois de son expiration;

3.      Au cas de la contravention de la présente convention de non sollicitation, l'employée accepte d'avance qu'il lui soit enjoint par injonction de la respecter et accepte de verser à l'employeur, à titre de pénalité, une somme de 1 000,00$ pour chaque journée d'infraction; ».
Mme Savard travaille de façon sporadique. Mme Savard ne veut pas travailler le soir, la nuit ou les fins de semaine jusqu'en mars 2011. À compter du 3 mars 2011, Mme Savard travaille chez Villa à plein temps, de 8 heures à 16 heures.

La représentante de Villa, Mme Buteau témoigne qu'à la mi-avril 2011, M. Julien l'informe qu'il ne pourra plus lui fournir le personnel nécessaire car les centres hospitaliers et d'hébergement ont besoin de plusieurs ressources l'été, durant les vacances. De plus, comme le personnel infirmier doit accomplir des tâches de préposés aux bénéficiaires dans un centre d'hébergement privé, il est plus difficile de trouver du personnel. Elle doit donc se trouver rapidement une infirmière.

Mme Savard déclare qu'à peu près au même moment, M. Julien la prévient qu'elle ne travaillera plus bientôt pour Villa car l'entente est terminée. Dans les jours suivants, Mme Buteau offre un poste à Mme Savard. Celle-ci en discute avec M. Julien. Elle est intéressée puisque Mme Bluteau lui offre du plein temps et cinq heures additionnelles aux mêmes conditions.

Selon Mme Savard, M. Julien n'y voit pas d'objection car il prendra « arrangement avec Mme Buteau pour que tout le monde soit heureux ». Elle lui donne sa démission avec un délai-congé de 15 jours.
Quelques jours plus tard, M. Julien rencontre Mme Buteau et lui réclame un dédommagement pour le recrutement de Mme Savard, ce qu'elle refuse. Elle l'informe que Mme Savard commencera à travailler pour Villa le 9 mai 2011, une fois le délai-congé de 15 jours écoulé.

M. Julien prévient Mme Savard qu'il n'a pas réussi à s'entendre avec Mme Buteau et que « le marché ne tient plus ». Mme Savard est prête à travailler à nouveau pour M. Julien, en autant qu'elle puisse travailler à temps plein comme chez Villa, ce qu'il ne peut lui garantir. Elle commence donc à travailler pour Villa le 9 mai 2011 et elle y restera jusqu'au 22 juillet 2012.

Le 7 juin 2011, invoquant la convention d'exclusivité et de non-sollicitation, Santé Portneuf réclame, par mise en demeure, à titre de dédommagement, non pas l'application de la clause pénale mais une perte de profits de 6 060,00$ calculée sur une base de six mois ainsi que 939,40$ pour la perte d'un client.
La Cour rappelle que l’entente d'exclusivité et de non-sollicitation signée par Mme Savard est une clause restrictive d'emploi dans le cadre d'un contrat de travail doublée d'une clause pénale accessoire à l'obligation contractée.

L'article 1622 du Code civil du Québec définit la clause pénale :
1622. La clause pénale est celle par laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n'exécuterait pas son obligation.
Elle donne au créancier le droit de se prévaloir de cette clause au lieu de poursuivre, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation; mais il ne peut en aucun cas demander en même temps l'exécution et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard dans l'exécution de l'obligation.

L'article 1623  CcQ  précise :
1623. Le créancier qui se prévaut de la clause pénale a droit au montant de la peine stipulée sans avoir à prouver le préjudice qu'il a subi.
Cependant, le montant de la peine stipulée peut être réduit si l'exécution partielle de l'obligation a profité au créancier ou si la clause est abusive.

L'objectif d'une clause semblable est de déterminer à l'avance quels seront les dommages et intérêts en cas d'inexécution de l'obligation, remplaçant ainsi l'évaluation judiciaire autrement applicable. Elle a un caractère à la fois compensatoire et dissuasif. Le montant de la peine ainsi fixé peut aussi être réduit par le Tribunal si la clause est abusive.

Or, selon la Cour, dans le présent dossier, la pénalité est fixée à 1 000,00$ pour chaque journée d'infraction, ce qui, de prime abord, paraît abusif. De plus, cette pénalité ressemble davantage à une amende conventionnelle exclusivement punitive pour dissuader un employé de répondre à une offre d'emploi d'un client de Santé Portneuf plutôt qu'à déterminer, par anticipation, les dommages en résultant.
Cette clause d'exclusivité et de non-sollicitation de clientèle n'empêche pas seulement Mme Savard de solliciter les clients de Santé Portneuf où elle travaille ou a déjà travaillé. Elle lui interdit de travailler pour eux. Il s'agit d'une interdiction faite è Mme Savard de « concurrencer » Santé Portneuf en desservant le ou les clients de celle-ci.
L'article 2089 CcQ. trouve ici application :
2089. Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l'employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui lui ferait concurrence.
Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l'employeur.
Il incombe à l'employeur de prouver que cette stipulation est valide.

La validité d'une clause de non-concurrence est tributaire du respect des conditions de forme et des conditions de fond énumérées à 2089 CcQ.

La loi prévoit qu'une clause de cette nature doit être écrite, explicite et limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la protection raisonnable des intérêts de l'employeur. Ces conditions sont impératives.

Selon la Cour, les clauses de non-concurrence qui sont imprécises, ne comportent pas de limite ou dont les limites sont déraisonnables sont nulles. Comme la Cour ne peut ni modifier ni suppléer à la clause imparfaite, elle ne peut que la déclarer nulle et inopposable

La Cour conclut que l'entente d'exclusivité et de non-sollicitation est invalide et Santé Portneuf ne peut, sur la base de cette clause, réclamer des dommages-intérêts et rejette le recours

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique




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