juillet 01, 2010

Faire valoir un droit en prouvant les faits qui soutiennent sa prétention

Il existe un principe de base en droit civil, défini par le Code civil du Québec. Plus précisément, en vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil, celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. L’article 2804 du Code civil vient préciser que la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que que son inexistence est suffisante. le demandeur avait le fardeau de prouver une faute de la part du défendeur, un préjudice et une relation de cause à effet entre la faute et le préjudice. Or, il peut arriver que la preuve démontre que le demandeur a subi un préjudice mais le Tribunal ne constate aucune faute de la part du défendeur. La décision suivante illustre le principe.

Dans l’arrêt, Polacco c. Thermoshell Inc., 2009 QCCQ 3601, Le demandeur, M. Polacco, était propriétaire d'un immeuble. La défenderesse Thermoshell est fournisseuse de mazout et les livraisons étaient effectuées par Équipements Porlier en vertu d'un contrat entre les deux parties. En juillet 2007, un locataire téléphone à M. Polacco et l'informe qu'il n'a plus d'eau chaude. Ce dernier téléphone chez Thermoshell et demande d'aller livrer du mazout à un préposé de Équipements Porlier qui fait les livraisons chez M. Pollacco, depuis plusieurs mois. Le réservoir est situé à l'extérieur de l'immeuble et la dernière livraison fut effectuée le 11 juin 2007, et, en se basant sur la consommation moyenne de l'année précédente, le préposé ne comprend pas que le réservoir soit vide. Il dit à M. Polacco que c'est impossible qu'il manque d'huile, que le réservoir coule ou qu'il s'est fait voler. Ce dernier lui dit alors de se rendre sur les lieux et de l'attendre, ce que le préposé fait.

Le préposé examine le sol autour du réservoir et la dalle de béton sous celui-ci. Et ne constate aucune trace d'huile. Il enlève le bouchon sur le réservoir et regarde à l'intérieur. Il voit une petite quantité d'huile au fond et conclut que le réservoir est vide. Il vérifie la date de fabrication indiquée sur le réservoir et déduit qu'il est encore en bon état.
Suite à ces constatations, le préposé conclut que le propriétaire s'est fait siphonner son réservoir. Il commence alors le remplissage et s'arrête après 40 litres. Après une attente de deux minutes, il vérifie de nouveau sous le réservoir et ne constate aucune fuite d'huile. Il termine le remplissage et serre le boyau. Il constate alors une fuite d'huile sous le réservoir, goutte à goutte d'abord, puis un petit filet. N'ayant rien d'autre sous la main, il y dépose un petit contenant pour tenter de limiter les dégâts. Le demandeur arrive sur les lieux et monsieur Thibault l'informe que le réservoir coule. M. Polacco demande au préposé de pomper l'huile mais ce dernier lui répond qu'il n'a aucun appareil pour ce faire et quitte les lieux. Par la suite, M. Polacco fait effectuer une expertise par la firme Qualitas. On remarque alors qu’une certaine quantité d'huile s'est infiltrée dans le sol le long du solage et qu’il est nécessaire de procéder à la décontamination en enlevant les sols contaminés et en comblant l'excavation par des matériaux sains.

M. Polacco reproche au au préposé de n'avoir rien fait pour arrêter le déversement de l'huile sur le sol et vider le contenu du réservoir et réclame 7 000 $ en remboursement du coût de l'expertise et des travaux de décontamination ainsi que pour la perte d'huile et les autres dépenses.

Or, le Tribunal a retenu que la preuve a démontré que le M. Polacco a subi un préjudice mais n’a constaté aucune faute de la part du préposé. L'obligation du fournisseur d'huile et de ses préposés est de livrer un produit de bonne qualité en respectant les règles habituellement reconnues en cette matière. Cette obligation ne comporte pas celle d'entretenir les réservoirs qui ne lui appartiennent pas, ni de les vidanger ou de réparer les fuites. Dans le cas présent, le réservoir est la propriété de M. Polacco et c'est lui qui avait la responsabilité de s'assurer qu'il est en bon état d'entretien. Informé que le contenu du réservoir s'était vidé plus rapidement que d'habitude, le préposé a pris toutes les mesures raisonnables dont il disposait pour s'assurer, avant de procéder au remplissage, que le réservoir était en bon état et qu'il n'y avait aucune fuite. Il a même interrompu la manœuvre après 40 litres pour faire une vérification additionnelle, s'assurer de l'absence de toute fuite, et écarter tout risque de dommages. Suivant la preuve prépondérante, le préposé s'est comporté comme toute personne prudente et diligente l'aurait fait dans les mêmes circonstances. Le Tribunal n’a pu lui reprocher aucune faute et a rejeté la demande.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

AddThis

Bookmark and Share