mai 01, 2014

Les multinationales de tabac



Une décision importante qui est pourtant passée inaperçu en juillet dernier, celle concernant le droit du gouvernement du Québec de poursuivre les multinationales de tabac dont le siège social est situé à l'étranger. Dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Imperial Tobacco Canada Ltd., 2013 QCCS 2994.
Le jugement porte sur la compétence internationale de la Cour supérieure du Québec dans le cadre d’un recours intenté par le Gouvernement du Québec en application de la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et des dommages-intérêts liés au tabac qui établissait des règles particulières adaptées au recouvrement, par le Gouvernement du Québec, du coût des soins de santé liés au tabac attribuable à la faute d'un ou de plusieurs fabricants de produits du tabac.

Cinq compagnies visées par la requête présentaient chacune une requête par laquelle elles contestent la décision du PGQ de poursuivre les requérantes au Québec plutôt que dans le pays où elles ont leur domicile. Elles demandaient par conséquent à la Cour supérieure du Québec qu’elle se déclare sans compétence afin d’entendre et de décider de la poursuite intentée contre elles, et par conséquent de la rejeter.
La Loi reconnait au gouvernement le pouvoir d’exercer, suivant certaines règles particulières, un droit de recouvrement du coût des soins de santé prodigués à la population du Québec qui résulte de la faute des fabricants de produits du tabac. Pour ce faire, la Loi énonce des règles et des conditions et définit certaines expressions récurrentes telles « fabricants de produits de tabac », « soins de santé liés au tabac » et « coûts des soins de santé ». Une fois ces règles, conditions et définitions réunies, la Loi,  tenant compte que toute simplification apporte son lot d’approximations, énonce que :

Le gouvernement a le droit de recouvrer directement d’un fabricant de produits du tabac la valeur actualisée des dépenses en soins de santé (services médicaux,  services hospitaliers, services sociaux, services pharmaceutiques et de médicaments et programmes connexes) qu’il a faites et qu’il fera en application de ses lois (principalement la Loi sur l’assurance hospitalisation, la Loi sur l’assurance maladie, la Loi sur l’assurance médicaments, la Loi sur les services de santé et les services sociaux) lorsque :

1)    ces dépenses résultent d’une maladie ou d’une détérioration générale de l’état de santé causée par, ou à laquelle a pu contribuer, l’exposition à un produit du tabac;
2)    cette exposition a été causée ou occasionnée par une faute commise par un fabricant de produits du tabac, telle celle d’avoir manqué au devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposaient à lui envers les personnes du Québec qui ont été ou pourraient être exposées, notamment d’avoir manqué à son devoir d’information du public quant aux risques et dangers que comportent les produits du tabac.

Le droit de recouvrement que reconnait la Loi peut être exercé directement contre un ou plusieurs fabricants de produits du tabac et n’est pas de nature subrogatoire. Il peut être exercé sur une base collective, c’est-à-dire pour recouvrer le coût afférent à l’ensemble des bénéficiaires des soins de santé résultant de l’exposition, sans limitation prescriptive quant à la réclamation, la Loi ayant effet rétroactif.

Le Tribunal considère que le PGQ a démontré prima facie les faits qui établissent qu’un préjudice au Québec a pu découler des agissements des défenderesses-requérantes, lequel préjudice est un des facteurs de rattachement à la juridiction des tribunaux québécois que prévoit l’article 3148(3) C.c.Q. qui stipule «dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes (…) [si] une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y est produit ou l’une des obligations découlant d’un contrat devait y être exécutée» Par conséquent, la Cour supérieure du Québec est compétente afin de connaître le litige.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique




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