décembre 01, 2004

La concurrence déloyale en publicité

Le Québec tout comme le Canada encourage la libre entreprise. Par conséquent, ils gravitent autour d’une économie de marché et la concurrence est encouragée, laissant place parfois à des actes de concurrence déloyale. Les auteurs[1] s’entendent pour dire que les actes de concurrence déloyale doivent être régis par le régime de responsabilité civile édictée par l’article 1457 du Code civil du Québec qui se lit comme suit :

« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde. »

L’inclusion des actes de concurrence déloyale dans le régime de responsabilité civile a permis d’en faire une classification des actes de concurrence déloyale démontrée dans l’arrêt Sport Maska Inc. c. Canstar Sports Group Inc.
[2]

La classification des actes de concurrence déloyale

La classification des actes de concurrence déloyale s’établit comme étant i) Les actes de confusion, ii) Les actes de dénigrement, iii) Les actes de désorganisation et iv) Les actes parasitaires.

Les actes de confusion sont l’usage d’une manière prêtant à confusion d’une marque de commerce, d’un nom commercial, d’un habillage de produits (get-up), d’un signe, d’une publicité, etc. Lorsqu’un commerçant peut prouver que ses services, ses produits ou son entreprise sont reconnus auprès des consommateurs par des caractéristiques distinctives, aucun autre commerçant ne peut utiliser ces caractéristiques de manière à causer une confusion.

Les actes de dénigrement sont des déclarations fausses ou trompeuses qui discréditent l’entreprise, les produits ou les services des concurrents.
Les actes de désorganisation se divisent en deux : soit des actes posés à l’encontre d’un concurrent (débauchage d’employés, divulgation de secrets de commerce, espionnage commercial etc.) ou à l’encontre du marché pris globalement (publicité mensongère ou trompeuse, revente au-dessous du prix d’achat, pratique monopolistique, etc.)

Et finalement, les actes parasitaires. Cette catégorie est propre au droit européen et plus particulièrement au droit français, à laquelle on réfère généralement par l’expression « actes parasitaires » ou « parasitisme économique » qui consiste pour un tiers à vivre en parasite dans le sillage d’un autre en profitant des efforts qu’il a réalisés et de la réputation de son nom et de ses produits. Par ces actes, on vise plutôt à sanctionner les comportements qui consistent par exemple, pour une entreprise à utiliser une marque notoire appartenant à une autre entreprise qui se situe dans un secteur d’activités généralement radicalement différent
[3].

Le fardeau de la preuve en droit de la concurrence déloyale

Parce qu’il s’inscrit dans le cadre du régime de la responsabilité civile, le recours visant à protéger un habillage distinctif devra en principe pour être recevable au Québec, démontrer à la satisfaction du tribunal l’existence : a) d’une faute ; b) d’un dommage ; et c) d’un lien de causalité entre la faute et le dommage. La jurisprudence
[4] démontre que les tribunaux ont adopté une approche plutôt empirique, soit fortement basée sur les faits en cause. Ils ont donc sanctionné tantôt un comportement volontairement fautif avec ou sans preuve de confusion, tantôt un résultat dommageable (confusion) d’où ils ont interféré l’existence d’une faute préalable. Plus concrètement, le demandeur a le fardeau de démontrer que l’habillage d’un produit ou d’un service est devenu distinctif auprès du public, ce qui requiert que le propriétaire de l’habillage établisse par prépondérance de preuve que les consommateurs perçoivent les caractéristiques du produit ou service comme une indication de son origine.

Lorsque la preuve de caractère distinctif est requise, la meilleure démonstration en ce sens provient généralement des consommateurs eux-mêmes, par voie de témoignages directs ou par le biais de sondages ou par une preuve indirecte du caractère distinctif d’un habillage, par preuve de publicités, de chiffres de ventes et le plus souvent par la combinaison des deux, comme le souligne la jurisprudence. De plus, les éléments formant l’habillage ne doivent pas en principe être communs à l’industrie.

Il faut également démontrer qu’un commerçant utilise le nom, la marque de commerce ou encore l’emballage d’un produit de manière à créer chez les clients l’impression que son commerce est celui d’un autre déjà bien établi, ou encore qu’il est une filiale ou qu’il lui est relié d’une façon quelconque.

Bien que le Québec encourage la libre entreprise et la concurrence, elle ne doit pas se faire au détriment de la concurrence. Les propos du juge Estey soulignés dans l’arrêt Consumers Distributing Co. c. Seiko Times Canada Ltd.
[5], résume bien l’ensemble de cette chronique « si la concurrence est l’âme du commerce, les efforts faits par un concurrent pour enlever à l’adversaire la position qu’il occupe et attirer sa clientèle doivent respecter les règles d’honnêteté et de bonne foi qui sont à la base des transactions commerciales. Lorsqu’un concurrent cherche à s’approprier, par la tromperie, l’avantage de la réputation bien établie du commerce ou du produit de son adversaire, il se livre à une concurrence déloyale ».


[1] P. Bourbonnais, L’Action en concurence déloyale en droit canadien et en droit québécois, Thèse de Maîtrise, Université de Montréal, 1979; M. Goudreau, « Concurrence déloyale en droit privé – commentaires d’arrêts », (1984) 15 R.G.D. 133; F. Shanfield Freedman « Passing Off in Québec », (1985) 45 R. du B. 641
[2] (1995) 57 C.P.R. (3d) 323
[3] Encyclopédie juridique Dalloz, 2e éd., Recueil 5e, Concurrence Déloyale, page 5.
[4] Acme Vacuum c. Acme Vacuum Co., [1953] B.R. 188; Hébert et Fils c. Désautels, [1971] C.A. 185
[5] [1984] 1 R.C.S. 583

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

novembre 01, 2004

La publicité et le droit d’auteur

La publicité côtoie fréquemment la création. Vos œuvres revêtent sans doute une grande valeur à vos yeux. Il est donc à votre avantage de protéger votre propriété intellectuelle en vous informant sur vos droits et sur la manière de les exercer. Le droit d’auteur est une notion fort complexe. De plus, les dispositions législatives relatives au droit d'auteur sont devenues de plus en plus complexes en raison du perfectionnement incessant des technologies de communication. Le fondement législatif se trouve dans la Loi sur le droit d'auteur, le Règlement sur le droit d'auteur ainsi que dans les décisions des tribunaux qui interprètent ces textes. Le but visé par ces dispositions législatives consiste à protéger les titulaires de droit d'auteur tout en favorisant la créativité et l'échange d'information.

Titulaire du droit d’auteur

Le Dictionnaire de droit québécois et canadien définit le droit d’auteur comme étant un droit exclusif que détient un auteur, son représentant ou le cessionnaire du droit, sur une œuvre littéraire, artistique ou scientifique. Il comporte des attributs d’ordre moral (notamment le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre) et d’ordre patrimonial (notamment le droit de recevoir des redevances). En principe, l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre, en vertu de l’article 13 de Loi sur le droit d'auteur. Il exprime sa pensée. Il exprime l’œuvre sous sa forme originale et il est titulaire des droits pécuniaires sur l’œuvre. Il ne doit pas se contenter de fournir l’idée d’une œuvre. Il existe cependant des exceptions à ce principe.

Exceptions

L’article 13 (2) de Loi sur le droit d'auteur précise que « lorsqu'il s'agit d'une gravure, d'une photographie ou d'un portrait et que la planche ou autre production originale qui a été commandée par une tierce personne et confectionnée contre rémunération et la rémunération a été payée en vertu de cette commande, celui qui a donné la commande est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d'auteur ». En vertu du paragraphe 13(2), la personne qui commande, contre rémunération, l’originale de la planche d’une gravure, d’une photographie ou d’un portrait est donc réputée, à moins de convention contraire, titulaire des droits d’auteur sur l’œuvre. La personne qui passe la commande doit le faire contre rémunération. Cette expression s’entend dans un sens très large. Il n’est pas nécessaire que la rémunération soit financière. Une simple compensation découlant des services rendus constitue une contrepartie suffisante. Aussi l’œuvre doit être conçue en fonction de la commande. Il y a donc lieu à présumer qu’est titulaire originaire des droits d’auteur la personne qui a engagé et payé le photographe professionnel pour prendre les originaux de photographies. Cependant, l’auteur demeure titulaire originaire des droits d’auteur quand l’œuvre est déjà exécutée au moment où la commande est passée.

En ce qui concerne l’ oeuvre exécutée dans l'exercice d'un emploi, l’article 13(2) prévoit que « lorsque l'auteur est employé par une autre personne en vertu d'un contrat de louage de service ou d'apprentissage, et que l'oeuvre est exécutée dans l'exercice de cet emploi, l'employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d'auteur, mais lorsque l'oeuvre est un article ou une autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l'auteur, en l'absence de convention contraire, est réputé posséder le droit d'interdire la publication de cette oeuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable ». Ce paragraphe énonce une autre dérogation au principe de l’attribution de la titularité des droits d’auteur. L’auteur qui est un employé ou un apprenti et qui crée une œuvre dans le cadre et l’exercice de son emploi ne dispose pas, à titre d’originaire, des droits d’auteur sur l’œuvre. Dans l’arrêt Underwriters’ Survey Bureau Ltd c. Massie & Rewick Ltd., la Cour suprême souligne que les employés et auteurs avaient signé un contrat de louage de service et étaient sous la direction de l’employeur qui prescrivait la manière d’exécuter le travail. On peut poser le principe qui se dégage de l’article 13(2) que l’employeur est investi des droits d’auteur si l’œuvre de l’employé est créée en vertu d’un contrat de louage de service, si l’œuvre est exécutée dans le cadre de ce contrat et qu’il n’y a pas de stipulation contractuelle à l’effet contraire. Cependant, lorsque l'oeuvre est un article ou une autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l'auteur, en l'absence de convention contraire, est réputé posséder le droit d'interdire la publication de cette oeuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable. Dans cette hypothèse, l’employeur n’est plus libre de diffuser l’œuvre comme il l’entend. L’auteur de l’article, soit l’employé, peut interdire la publication de son œuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable.

La durée du droit d’auteur

En vertu de l’article 6 de la Loi sur le droit d’auteur, la durée du droit d’auteur subsiste pendant la vie de son auteur puis jusqu’à la fin de la cinquantième année suivant celle de son décès. Après ce terme, l’œuvre est considérée comme faisant partie du domaine public, elle ne jouit plus de la protection juridique statutaire qui lui était applicable pendant l’existence du droit d’auteur.

La durée et ses exceptions

Il existe cependant des exceptions à ce principe, notamment l’auteur inconnu, l’œuvre créée en collaboration, les photographies, les enregistrements sonores, les œuvres cinématographiques, la prestation de l’artiste interprète, le signal de communication, les œuvres préparées ou publiées par l’entremise, sous la direction ou la surveillance d’un ministère ou du gouvernement et les œuvres posthumes non publiées. Ces subtilités étant particulièrement complexes et s’adressant à des situations bien précises ne convenant pas au caractère général de cet article, nous nous contenterons de les énumérer. Il serait préférable de consulter un avocat spécialisé en propriété intellectuelle si ces situations vous concernent.

La cession de droit ou la licence du droit d’auteur

Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre protégée peut vouloir transférer ses droits de propriété ou autoriser la reproduction de cette œuvre ou objet du droit d’auteur par la cession de droit ou la licence de droit d’auteur.

La cession du droit d’auteur concerne le transfert de propriété relatif à l’un ou plusieurs des droits économiques reliés au droit d’auteur sur l’œuvre alors que la licence de droit d’auteur permet au titulaire d’en conserver la propriété du droit économique mais il autorise une tierce partie à exercer ce droit selon des modalités établies à la licence. Il y a alors, selon la Loi sur le droit d’auteur, une concession d’un intérêt.

La Loi sur le droit d’auteur précise que le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur de marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection. Une seule formalité est exigée par la Loi sur le droit d’auteur, soit la cession ou la licence n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit d’auteur. Cependant, en matière contractuelle, il faut s’en remettre au droit applicable au Québec, soit le droit civil, déterminé par le Code civil du Québec (C.c.Q). Le contrat se forme par le seul échange de consentement à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation (1385 C.c.Q.) De plus, le contrat qui n’est pas conforme aux conditions nécessaires à sa formation est présumé de nullité relative (1421 C.c.Q) Son annulation peut être invoquée par la personne en faveur de ce qui est établie ou par son cocontractant, s’il est de bonne foi et en subit un préjudice sérieux (1420 C.c.Q.).

En conclusion, le contenu de l’écrit devrait aborder les points suivants afin d’éviter tout malentendu :

1) Les droits visés (reproduction, publication, traduction, adaptation, etc.)
2) Les fins visées par l’autorisation ou la cessation (à quel usage précis l’autorisation est accordée au tiers)
3) Le territoire pour lequel la licence est octroyée ou la cession est accordée
4) Dans le cas d’une licence, déterminer si elle est transférable à quelqu’un d’autre ou non, est-elle exclusive ou non)
5) La durée de la licence, ou le cas échéant, de la cession
6) La compensation monétaire est-elle exigée (montant forfaitaire, redevances, etc.) pour cette licence ou cession, notamment lorsque cette disposition est accessoire au contrat principal ?
7) Les garanties accordées par le titulaire au licencié ou cessionnaire.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique




octobre 01, 2004

La protection de l’image et de sa publication

Vous désirez faire la promotion d’un endroit public, vous désirez prendre une photo pour ensuite l’inclure dans votre publicité. En avez-vous le droit ? Vous pourriez invoquer que la liberté d’expression est une liberté fondamentale protégée par les Chartes québécoise et Canadienne[1]. La publicité commerciale, par le biais de l’affichage, de la sollicitude, du message télévisuel ou de la distribution est protégée par la liberté d’expression des Chartes L’arrêt Ford[2] soulignait que la publicité commerciale joue un rôle important en permettant aux individus de faire des choix économiques éclairés, ce qui représente un aspect de l’autonomie personnelle. Mais n’oubliez pas un autre droit, celui de la protection de la vie privée. En ce qui concerne le Canada, bien qu’il soit signataire de Déclaration universelle des droits de l'homme[3] garantissant la protection de la loi contre des immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation, prévues à l’article 12, le droit au respect de la vie privée n'est pas garanti par la Constitution canadienne. La Cour suprême a consacré ce droit dont le statut constitutionnel implicite semble maintenant bien établi par une interprétation large des articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés . Au Québec, le Code civil du Québec[4] et la Charte des droits et libertés de la personne assurent la protection de la vie privée. Il reste que ce droit essentiel demeure au coeur des grands débats politiques et juridiques.

En effet, la violation des droits et libertés définis par la Charte québécoise donne droit à réparation en vertu de l'article 49 « Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte. En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs ». Le régime de sanction applicable pour atteinte à la vie privée est celui de la responsabilité civile pour faute tel qu'organisé par l'article 1457 du Code civil du Québec à l’effet que « toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel. »

En ce qui concerne l’interprétation faite par les tribunaux, leur position demeure prudente et nuancée. Dans l’arrêt Aubry, la Cour suprême du Canada souligne que le droit à ce que l’image ou la voix d’une personne privée ne fassent, sans son consentement, l’objet d’une diffusion, médiatique ou autre. Cependant, elle fait également ressortir que le droit du public à l'information, soutenu par la liberté d'expression, impose des limites à la vie privée dans certaines circonstances et que la pondération des droits en cause dépend non seulement de la nature de l'information mais aussi de la situation des intéressés. En somme, selon elle, c'est une question qui dépend du contexte. Cependant, l’atteinte au droit à la vie privée garanti par la Charte canadienne des droits et libertés n’implique pas l’existence d’un préjudice. Il doit être prouvé.

Malgré tout, il faut retenir que « [l’]intérêt public prédomine lorsqu’une personne paraît de façon accessoire dans la photographie d’un lieu public, [l’]image saisie dans un lieu public peut être alors considérée comme un élément anonyme du décor, même s’il est techniquement possible d'identifier des personnes sur la photographie. Dans cette hypothèse, vu que l'attention de l'observateur imprévu se portera normalement ailleurs, la personne « croquée sur le vif » ne pourra s'en plaindre. La même solution s'impose à l'égard d'une personne faisant partie d'un groupe photographié dans un lieu public. Cette personne ne peut s'opposer à la publication d'une telle photographie si elle n'en est pas le sujet principal. », comme en fait foi l’arrêt Lessard
[5]. Cependant, le caractère anonyme de la personne photographiée ne doit en aucun cas porter atteinte au droit à la vie privée, comme le souligne l’arrêt Aubry« Toute personne ayant droit à la protection de sa vie privée, et son image étant protégée à ce titre, les droits propres à la protection de la vie privée pourront être violés même si l'image publiée n'a aucun caractère répréhensible et n'a aucunement porté atteinte à la réputation de la personne ». L’utilisation commerciale de l’image ou du nom d’autrui peut être sanctionnée, comme en fait foi l’arrêt Malo[6]. Il doit avoir une entente entre les parties concernées, soit la personne photographiée, le publicitaire et l’annonceur comme le souligne les auteurs Baudouin et Jobin[7].

En conclusion, le droit à l'image est bel et bien reconnu en droit civil québécois. Le Québec dispose d'un Code civil et d'une Charte qui prévoient des dispositions expresses sur cette question, en plus de sa jurisprudence assez étoffée. L’arrêt Rebeiro c. Shawinigan Chemicals (1969) ltd., [1973]C.S. 389, conclut que l'autorisation d'un individu doit être obtenue préalablement à la diffusion de son image et que le défaut de se la procurer donne ouverture à une action en dommages. Je termine cette réflexion avec l'extrait suivant de l'ouvrage de Christophe Bigot (Droit de la création publicitaire, Paris, L.G.D.J., 1997, aux pp. 262-263) :
« [...] toute utilisation de l'image d'une personne en publicité implique son consentement de manière certaine, effective, et non équivoque, spécialement donné pour l'utilisation publicitaire. »

[1] Charte canadienne des droits et libertés, [L.R.C. 1985, App. II, no 44] (ci-après citée « Charte canadienne ») et Charte des droits et libertés, L.R.Q., c. C-12 (ci-après citée "Charte québécoise").
[2] Ford c Procureur général du Québec, [1988] 2 R.C.S. 712
[3] Résolution 217 A (III), signée et adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, Doc. A/810, p. 71.
[4] L.Q. 1991, c. 64 (ci-après citée « Code civil »).
[5] Lessard c. Journal du Québec (Corp. Sun Média), 2000BE-983 (C.Q.)
[6] Malo c. Laoun, J.E. 2000-273 (C.S.)
[7] Les obligations, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p. 396, no 456

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septembre 01, 2004

Le dumping : les entreprises canadiennes sont-elles protégées ?

Tout récemment, le géant de l'alimentation McCain Foods Ltd. retirait sa plainte de dumping contre plusieurs de ses concurrents américains du marché des pizzas surgelées. En 2003, McCain s'était plainte au gouvernement fédéral de perdre des millions de dollars en ventes et en profits à cause des pizzas américaines moins chères, présumant qu’elles étaient vendues comme étant des marchandises sous-évaluées, parfois vendues à un prix inférieur au prix de revient dans le but de s’accaparer des parts de marché, en vertu de la définition prévue à l’article 2 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C., 1985, c. S-15. Soulignons ici qu’Ottawa impose des droits provisoires de 39,4 pour cent en moyenne depuis la mi-mai sur les pizzas surgelées auto levantes en provenance des Etats-Unis.

Le gouvernement évalue encore la pertinence de cette mesure et ne devrait pas imposer de droits de façon permanente sur les importations américaines avant le mois de septembre, soit au moment où le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) rendra une décision sur la question. Le tribunal doit décider d'ici le 14 septembre si oui ou non le dumping de pizzas à prix réduits a causé des torts sérieux aux producteurs canadiens tel que McCain.

Ce qui nous pousse à la réflexion suivante, les entreprises canadiennes sont-elles protégées en matière de dumping ? Quelles sont les mesures de protection prévues et quelles sont leur portée ?

Le Règlement sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], prévoit certains facteurs qui peuvent être examinés par le TCCE afin de déterminer si le dumping ou le subventionnement de marchandises a causé un dommage sensible ou un retard, ou s'il représente une menace de causer un dommage sensible à une branche de production nationale. Ceux-ci sont, entre autres, le volume des marchandises faisant l'objet de dumping ou de subventionnement, leurs effets sur les prix et leur incidence sur la production, les parts de marché, les bénéfices, l'emploi et l'utilisation de la capacité de production.

Cependant, ce lien direct de cause à effet doit être démontré. Jusqu’à maintenant, la jurisprudence révèle la prudence du tribunal. Dans l’arrêt Canadian Pasta Manufacturers' Association c. Aurora Importing & Distributing Ltd, [1997] F.C.J. No. 115
, le Tribunal a « soigneusement identifié les fabricants nationaux de pâtes séchées en paquets, examiné leur historique et leur situation actuelle puis analysé l'état du marché canadien relatif à ce produit. Même s'il estimait que les fabricants canadiens subissaient un dommage, le Tribunal a conclu que le lien de causalité entre ce dommage et le dumping de pâtes italiennes était trop ténu. »

De plus, même si le lien direct de cause à effet est démontré, il faut démontrer son impact. Dans l’arrêt Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Gerber Products Co., 2004 CAF 208, une décision antérieure datée du 29 avril 1998 où le Tribunal avait conclu que « le dumping de préparations alimentaires pour bébés par la défenderesse, Gerber, avait causé un dommage sensible à la demanderesse (Heinz) sous forme d'effritement et de compression des prix ainsi que de diminution de la part de marché de Heinz ». Mais, qu’en vertu d’une décision de réexamen rendue cinq ans plus tard, « le Tribunal a estimé que bien que le commissaire des Douanes et du Revenu (le Commissaire) ait conclu qu'à l'expiration de l'ordonnance il y aurait vraisemblablement reprise du dumping par Gerber, cette reprise ne causerait probablement pas un dommage sensible à Heinz étant donné qu'à cette date celle-ci occupait 100 % du marché de certains produits alimentaires pour bébés ».

Face à la position des tribunaux en ce qui concerne le dumping révélée par la jurisprudence, McCain en est probablement arrivé à la conclusion que ses chances de démontrer le préjudice subi étaient minces.

[1] D.O.R.S./89-35, articles 4 et s.

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août 01, 2004

La marque de commerce : un actif précieux pour l’entreprise

Me sachant étudiante au Certificat en droit, les gens me demandent souvent l’intérêt de la marque de commerce, en dehors de son côté créatif. Pour tout créatif amoureux de la publicité, il faut comprendre que ces subtilités vont bien au-delà de la simple bureaucratie. La marque de commerce est un droit de propriété et les nombreux litiges devant la Cour fédérale du Canada, ainsi que les tribunaux de droit commun des provinces confirment qu’elle constitue un actif intellectuel qu’il convient de protéger et de défendre.

Dans l’arrêt Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., (1998) 3 C.F. 534, 546 (C.A.), désistement du pourvoi à la Cour suprême du Canada produit le 21 juin 1999, la Cour d’appel a souligné que « les marques de commerce sont protégées par une législation et l'action en imitation frauduleuse a été codifiée à l'alinéa 7c) de la Loi. Toutefois, l'étendue de la protection qu'offre la Loi est plus importante que celle qu'accordait l'ancienne common law. Premièrement, le demandeur, dans une procédure en contrefaçon (ou l'opposant, dans une procédure d'opposition), n'a pas à démontrer que les biens ou les services sont mis en marché dans la même région, comme l'exigeait l'ancienne common law. La marque déposée est valide partout au Canada et elle permet à son propriétaire de jouir du droit exclusif de l'employer en liaison avec des marchandises ou des services déterminés, et ce, dans tout le pays. De même, pour avoir gain de cause, il n'est plus nécessaire de prouver des dommages ni l'existence d'une tentative de tromperie ».

Tout d’abord, définissons le concept de marque de commerce, tel que défini par l’OPIC (Office de la propriété intellectuelle du Canada, organisme de service spécial (OSS) au sein d’Industrie Canada, est le principal responsable de l'administration et le traitement des demandes de propriété intellectuelle de ceux-ci), qui sert à distinguer les produits ou les services d'une personne ou d'un organisme d'autres produits ou services offerts sur le marché . Une marque de commerce enregistrée a été approuvée et inscrite au Registre des marques de commerce tenu par le Bureau des marques de commerce. L'enregistrement est le titre de propriété. Une marque de commerce non enregistrée peut aussi être reconnue par le droit coutumier comme étant la possession de son propriétaire, selon les circonstances. Cependant, il est plus difficile de faire reconnaître son droit de propriété devant les tribunaux. L’intérêt pour une compagnie d’enregistrer sa marque de commerce est que l'enregistrement est une preuve irréfutable (présomption légale) de propriété exclusive dans l'ensemble du Canada et aide son propriétaire à écarter les contrefacteurs éventuels. Il permet au propriétaire de protéger plus facilement ses droits en cas de contestation puisqu'il incombe au contrefacteur de prouver ses droits dans tout litige. Le processus d'enregistrement, grâce aux vérifications approfondies qu'il comporte en vue de dépister les marques de commerce en situation conflictuelle, permet au requérant de revendiquer une marque unique et d'éviter de violer les droits de tiers. Par contre, le fait d’enregistrer une marque de commerce ne décharge pas le propriétaire de la responsabilité de veiller à ses droits. Il doit s’assurer que personne d’autre n’utilise cette marque. L’OPIC n’a pas pour vocation de protéger les propriétaires contre l’utilisation illégale de leur marque par d’autres personnes. Aussi, le fait de négliger ses droits de propriétaire peut entraîner de graves conséquences et diminuer les chances de faire respecter son droit exclusif.

Des particuliers, des sociétés, des syndicats ou des associations légales peuvent enregistrer leur marque de commerce, pourvu que ceux-ci répondent aux exigences de la Loi sur les marques de commerce
, L.R.C. 1985, ch. T-13. Cet enregistrement est valide pour une durée de 15 ans et est par la suite renouvelable tous les 15 ans moyennant le paiement des droits exigibles. Pour enregistrer sa marque de commerce, le demandeur doit produire une demande auprès du Bureau des marques de commerce à Gatineau (Québec). La demande subit un examen rigoureux pour s'assurer qu'elle réponde aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.

L'enregistrement d'une marque de commerce comporte les étapes suivantes : (1) recherche préliminaire des marques de commerce existantes, (2) une demande d'enregistrement, (3) l’examen de la demande effectué par le Bureau des marques de commerce, (4) la publication de la demande dans le Journal des marques de commerce, (5) le délai accordé au public pour produire une déclaration d'opposition à la demande (contestation), (6) l'admission et l'enregistrement (en l’absence d'opposition).

Veuillez toutefois noter que l’enregistrement fait au Canada ne protége pas les droits du propriétaire dans les autres pays. En attendant que le Canada adhère au Protocole de Madrid permettant au propriétaire de protéger sa marque dans plusieurs pays comme si elle avait été déposée directement dans chacun des pays spécifiés dans la demande de dépôt, le propriétaire de la marque doit déposer une demande d'enregistrement dans chacun des pays dans lesquels elle revendique la protection accordée aux marques. Avant de déposer de telles demandes à l’étranger, la recherche doit être effectuée dans chacun des pays concernés pour s’assurer que la marque en question est disponible et qu’une marque similaire n’est pas utilisée pour des produits ou des services similaires.

Certaines multinationales effectuent une série de recherches nationales avant de lancer un produit à l’échelle internationale. Que vous décidiez de limiter votre publicité à l’échelle nationale, la marque de commerce étant un droit de propriété, assurez vous d’éviter d’attirer l’attention du public d’une façon qui puisse causer une certaine confusion avec une autre entreprise, nationale ou internationale. Cette dernière aura derrière elle plus d’un an de démarches afin de remplir les formalités de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada afin de protéger sa marque.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.




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