décembre 31, 2006

Tag dans le monde de la blogosphère

Je constate que mon collègue de la blogosphère Dominic Jaar m’a « tagged » dans le fabuleux jeu des bloggeurs "5 caractéristiques que vous ignorez de moi", par tradition, je réponds donc à la chaîne en révélant 5 choses inconnues

Les voici :

1- Je suis une ancienne musicienne. J’ai appris le piano, transféré ces notions vers le synthétiseur. L’instrument que j’ai cependant le plus apprécié jouer entre amis est le Tam-Tam.

2- Durant cette période artistique, j’ai suivi une formation en design graphique

3- J’ai écrit un roman, non publié, bien à l’abri dans un fond de tiroir (pudeur oblige). J’ai commis quelques poèmes et une pièce de théâtre

4- J’ai vécu au Sénégal durant mon enfance

5- Mon plus grand rêve, resté jusqu’à ce jour inavoué, serait de gravir l’Everest…

À mon tour de lancer le défi à Jean-Julien Guyot, Marc Snyder, Danièle Coupal, Dominic Arpin et Hugo Cyr

décembre 01, 2006

Votre marque de commerce peut-elle porter à confusion?

La marque de commerce représente un atout précieux pour l’entreprise. Cette dernière a donc intérêt à la protéger afin de contrer tout risque de confusion avec la marque de commerce d’une autre entreprise. Or quelle est la portée de la confusion des marque de commerce? L’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] A.C.S. no 23 est venu en préciser la portée.

Les faits

Dans cet arrêt, Mattel affirmait que la poupée BARBIE est une icône de la culture pop et s'opposait à la demande d'enregistrement par 3894207 Canada Inc. (ci après « restaurant Barbie’s » de sa marque de commerce "Barbie's" et de son dessin en liaison avec des "des services de restaurant, des services de mets à emporter, ainsi que des services de traiteur et de banquet", au motif que certaines marques ont acquis une telle renommée que des marques telles que BARBIE ne pouvait dorénavant être apposées sur la plupart des services et des biens de consommation au Canada, sans que le consommateur moyen soit amené à inférer l'existence d'un lien commercial avec les propriétaires de ces marques célèbres". La Commission des oppositions des marques de commerce de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada ( ci après la
« Commission ») a retenu l'argument du restaurant Barbie’s selon lequel le fait qu'il emploie le nom "Barbie's" (depuis 1992) pour sa petite chaîne de restaurants dans la région de Montréal n'est pas susceptible de créer de la confusion sur le marché avec la marque de commerce BARBIE de Mattel et elle a fait droit à l'enregistrement. La Commission a conclu que la notoriété de BARBIE était liée aux poupées et aux accessoires de poupées et que la marque visée par la demande d'enregistrement du Restaurant Barbie’s, utilisée en liaison avec des produits et services très différents, n'était pas susceptible d'être confondue avec l'une des marques BARBIE de Mattel. La Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont toutes deux confirmé la décision de la Commission.

Motifs de la décision

Pour en arriver à cette décision, la Cour a analysé la marque de commerce et sa portée. Le pouvoir d'attraction des marques de commerce et des autres "noms commerciaux célèbres" est maintenant reconnu comme l'un des plus précieux éléments d'actif d'une entreprise. Selon la Cour, les marques de commerce ont toujours pour objet, sur le plan juridique, leur emploi par leur propriétaire "de façon à distinguer les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres" en vertu de l’article 2 de la Loi sur les marques de commerce (ci après la « Loi ». Une marque est une garantie d'origine et, implicitement, un gage de la qualité que le consommateur en est venu à associer à une marque de commerce en particulier. Rien n'empêche Mattel d'utiliser sa marque BARBIE pour stimuler les ventes de n'importe quelle marchandise, des vélos aux produits alimentaires comme étant accessoire au produit mais reste à savoir si Mattel peut invoquer le droit des marques de commerce pour empêcher d'autres personnes d'utiliser un nom aussi courant que Barbie en liaison avec des services à ce point éloignés des produits qui sont à l'origine de la renommée de BARBIE. De plus, le mot d'ordre est de l'employer sous peine de la perdre. L'enregistrement d'une marque déposée qui n'a pas été employée est susceptible de radiation

Selon le par. 6(2) de la Loi, la confusion survient si l'acheteur éventuel - l'acheteur occasionnel plutôt pressé - est susceptible d'être amené à conclure à tort "que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale." La catégorie générale des marchandises et services, bien que pertinente, n'est pas déterminante. Il faut tenir compte de toutes les circonstances en l.espèce, notamment les facteurs énumérés au par. 6(5).

Pour l'application du critère de "toutes les circonstances de l'espèce", le par. 6(5) de la Loi énumère cinq facteurs à prendre en compte pour décider si une marque de commerce crée ou non de la confusion. Ce sont :

a)le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus (le nom BARBIE possède maintenant un solide sens secondaire associé aux poupées de l'appelante et, pour cette raison, qu'il a acquis un très grand caractère distinctif.);

b)la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage (H.-G. Fox précise, dans son ouvrage intitulé The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, (3e éd. 1972), p. 133, que la période d’emploi n'est importante que pour trancher une question de fait, soit celle de savoir si la marque de commerce est réellement et véritablement devenue distinctive)

c)le genre de marchandises, services ou entreprises (selon la Cour, l'entreprise de fabrication de poupées et l'entreprise de restauration s'adressent aux goûts différents d'une clientèle très différente. Dans l’arrêt Joseph E. Seagram, le juge MacKay a affirmé que «les possibilités futures de diversification se limitent à l'expansion possible des activités courantes. Il ne faut pas tenir compte des spéculations quant à la diversification de l'entreprise dans des secteurs tout à fait nouveaux, qui supposent de nouvelles marchandises ou entreprises, ou encore de nouveaux services »)

d)la nature du commerce (Mattel et le Restaurant Barbie’s empruntent des voies de commercialisation différentes et distinctes à l'intérieur desquelles leurs marchandises et services ne se chevauchent pas)

e)le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent". La liste des circonstances n'est pas exhaustive et un poids différent sera attribué à différents facteurs selon le contexte.

Tout comme le litige opposant la société Veuve Clicquot Ponsardin aux Boutiques Cliquot, l’arrêt Mattel soulève la question de la protection que le Canada est appelé à reconnaître aux marques célèbres sur son territoire et intéresse non seulement les propriétaires de marques célèbres mais également les consommateurs canadiens qui sont en droit à ne pas être trompés relativement à la source des produits et services associés aux marques célèbres.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

novembre 01, 2006

La marque de commerce et le domaine public

Lorsqu’une entreprise choisit une marque de commerce, elle aurait intérêt à vérifier si cette marque comprend un mot relevant du domaine public afin d’éviter des coûts supplémentaire dans le but de changer toute l'organisation physique de ses établissements et d'enlever toute bannière ou enseigne sur laquelle apparaît la marque de commerce ou le nom contrevenant à la loi, tel qu'il a été ordonné à Crazy Dean.

Dans l’affaire Hartco Enterprises Inc. c. 9034-5992 Québec Inc. (Ordinateurs Crazy Dean), [1997] A.Q. no 1672, la Cour supérieure du Québec est venue préciser en quoi consiste le concept de confusion entre une marque de commerce déposée et la raison sociale d'un commerce concurrent. En l’espèce, il s'agit de deux commerces opérant dans le domaine de l'informatique et vendant exactement les mêmes produits, soit du matériel informatique de marques connues ainsi que des compatibles ou clones, des logiciels et des accessoires. Les parties ont chacune deux places d'affaires, une au Carré Phillips et sur la rue Saint-Hubert pour les requérantes et une à Pointe-Claire ainsi qu'à ville de Laval pour les intimées. Dans la requête en injonction signifiée au nom de Crazy Irving, cette dernière reproche aux intimées l'utilisation des mots "Crazy Dean" ainsi que l'utilisation d'un logo reproduisant le visage caricatural d'un petit bonhomme.

Les co-demanderesses-requérantes utilisent depuis 1982, et ont fait enregistré en 1984, la marque de commerce "Crazy Irving". De leur côté, les co-défenderesses-intimées ont ouvert, en mai 1996, un commerce et elles utilisent dans leur raison sociale les mots "Crazy Dean". Alléguant qu'il y a confusion entre les deux noms et invoquant préjudices irréparables, les requérantes « Crayz Irving » ont demandé à la Cour de prononcer une injonction interlocutoire pour valoir jusqu'à jugement final, interdisant aux intimées d'utiliser le mot "Crazy" dans leur raison sociale et dans l'opération de leur commerce.

À l'appui de leurs prétentions, Crazy Irving invoque les articles 6 et 7 de la Loi sur les marques de commerce portant sur la confusion ainsi que sur la concurrence déloyale et les marques interdites. Les arguments de Hartco Enterprises reposaient sur les faits que le nom et la marque de commerce "Crazy Irving" a acquis, au fil des ans, une reconnaissance tout à fait distinctive, que l'utilisation par les intimées de l'expression "Crazy Dean" porte à confusion et qu'un préjudice sérieux lui est causé. De nombreux clients auraient ainsi été confondus, d'où la demande d'une injonction interlocutoire et permanente demandant qu'il soit ordonné à Crazy Dean de ne plus utiliser l'expression "Crazy" dans leur raison sociale. Leur requête fait état que depuis de nombreuses années la publicité de Hartco Enterprises utilise avec beaucoup d'emphase l'expression "Crazy Irving". À l’appui de leur requête ont été produits à titre d'exhibits de nombreux exemples de la publicité faite par Crazy Irving tant dans les médias écrits que dans les médias électroniques ainsi que dans l'ensemble des produits et accessoires qu'elles vendent dans les deux magasins ou encore qu'elles utilisent à titre de promotion. Toujours selon les requérantes, "Crazy Irving" aurait une excellente réputation auprès du public et la concurrence qui lui est maintenant faite par "Crazy Dean" lui causerait un préjudice substantiel et irréparable.

Or, en défense, les intimées soumettent que les requérantes ne peuvent prétendre à un droit exclusif d'utilisation du mot "Crazy", lequel ferait partie du domaine public. Dans un second temps, les intimées soumettent qu'il y a suffisamment de différence entre "Crazy Irving" et "Crazy Dean" pour qu'il ne puisse y avoir confusion chez le public, même non averti.

Les faits que la cour a sérieusement considérés, avant de rendre sa décision, sont les suivants

1- La nature des commerces opérés par les parties

Les commerces opérés par les requérantes et les commerces opérés par les intimées sont tous les deux dans le domaine de l'informatique. Les deux commerces s'adressent au même type de clientèle et les deux font la promotion des mêmes produits. En utilisant ces seuls critères, un client non averti pourrait facilement concevoir que les deux commerces sont opérés par une seule et même personne.

2 - Les caractéristiques physiques

La Cour a noté que les couleurs utilisées par chacun des commerces étaient différentes généralement bleu, jaune et rouge pour les requérantes et vert et blanc pour les intimées. Le lettrage dans la publicité est un peu plus fantaisiste chez les intimées qu'il ne l'est chez les requérantes, quoique sur ce point il y a grande ressemblance. Selon la Cour, il s'agit dans les deux cas de couleurs vives qui ont comme premier objectif, d'attirer l'attention de la clientèle et le seul critère de la distinction physique des deux commerces est insuffisante pour permettre de conclure qu'il ne peut y avoir aucune confusion entre les deux compte tenu de la prédominance qui est accordée, dans chacun des cas, au nom proprement dit soit "Crazy Irving" et "Crazy Dean".

3 - La publicité électronique

Lors de l’écoute des cassettes reproduisant la publicité entendues sur les ondes radiophoniques, la Cour a été particulièrement frappé par la similitude qu'il y avait entre les deux annonces. L'approche de même que le ton sont semblables et les produits annoncés sont identiques. De plus, les mêmes stations de radio sont utilisées et les deux commerces visaient la même clientèle-cible.

4 - Les médias écrits

La preuve a démontré que les mêmes médias sont utilisés par les deux parties soit des annonces dans des journaux tels la Gazette, les journaux locaux, les dépliants publicitaires ainsi que de la papeterie.

5 – La confusion de la clientèle

Les deux gérants des succursales Carré Phillips et St-Hubert, ont reçu, tout au cours de l'été 1996, des commentaires et des questions concernant l'ouverture d'un nouveau magasin à Dollard-des-Ormeaux. Les questions portaient sur l'ouverture d'un nouveau commerce à cet endroit et sur la relation entre les deux commerces.

Décision de la Cour

Selon la Cour, le mot "Crazy" est un adjectif faisant partie du domaine public et qu'une personne, en principe, ne peut prétendre avoir droit à un usage exclusif absolu. Par contre, remis dans le contexte de la présente cause, comme il s'agit de deux commerces oeuvrant dans le même domaine, soit l'informatique; dans une même région, soit la région de Montréal, et utilisant une même approche, soit la juxtaposition du mot "Crazy" à un prénom, elle conclut qu'il y a risque de confusion entre les deux noms et en déduire qu'il y a fort probablement une relation entre les deux commerces.

De plus, en se basant sur la balance des inconvénients et le préjudice irréparable, la Cour conclut qu'étant donné le caractère distinctif qu'a acquis la raison sociale des requérantes, la très grande difficulté à établir des dommages dans un tel contexte et les sommes considérables dépensées par les requérantes en publicité de toutes natures, un préjudice irréparable risquerait de leur être causé à moins qu'une injonction interlocutoire ne soit prononcée en leur faveur.

La cour a appliqué le test du souvenir imparfait de la marque susceptible d'induire les consommateurs à croire que le nom de "CRAZY DEAN" était associé à la marque "CRAZY IRVING". Il est important de souligner ici qu'une preuve de confusion formelle n'est pas requise pour l'ouverture du recours. Il n'est donc pas nécessaire de conduire un sondage scientifique démontrant des résultats statistiquement significatifs de confusion à l'appui de la preuve de la demande. Un simple risque de confusion suffit à ce que l'on accorde une ordonnance d'injonction interlocutoire au détenteur enregistré d'une marque de commerce.

En conclusion, cette décision démontre l'importance de procéder à des vérifications appropriées de tous les registres concernés lors de l’incorporation d’une compagnie ou lors l’enregistrement d’une marque de commerce afin d’éviter des coûts supplémentaire dans le but de changer toute l'organisation physique de ses établissements et d'enlever toute bannière ou enseigne sur laquelle apparaît la marque de commerce ou le nom contrevenant à la loi.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

octobre 01, 2006

La protection des marques de commerce et le nom de domaine

Les entreprises sont de plus en plus préoccupées par la protection des marques de commerces, d’autant plus avec l’arrivée de l’enregistrement des noms de domaine. Les récents développements jurisprudentiels et les récentes doctrines à ce sujet (notamment Franchi, Éric. «Le droit des marques aux frontières du virtuel », Lex Electronica, vol. 6, n°1, printemps 2000 ) nous permettent d’y voir un peu plus clair à ce sujet.

L’état du droit canadien actuel

Au Canada, en vertu de la Loi sur les marques de commerce, l’acquisition des droits relatifs à une marque repose sur l’usage qui en est fait au Canada. Afin de pouvoir enregistrer une marque au Canada, il faut en avoir fait usage ou avoir l’intention d’en faire usage (articles 3 et s. de la Loi sur les marques de commerce).
L’enregistrement effectué, soit une preuve de la protection par marque de commerce, le titulaire de la marque disposera d’un recours en contrefaçon ouvert par la Loi sur les marque de commerce alors qu’en l’absence d’enregistrement, seul un recours pour concurrence déloyale est possible. Cependant, les marques sont en effet déposées pour une ou plusieurs catégories de produits ou services. Pour qu’il y ait conflit entre un nom de domaine et une marque, les activités relatives aux noms de domaine et aux marques de commerce doivent être de même nature afin de créer une confusion.

Au Canada, lorsqu'une entreprise constate qu'un tiers a enregistré un nom de domaine correspondant à sa marque de commerce, elle peut intenter une action en justice ou se prévaloir de la procédure d’arbitrage selon les règles de l'Autorité canadienne pour les enregistrements Internet («ACEI») lorsqu'il s'agit d'un nom de domaine se terminant par un nom de tête national «.ca».

L'ACEI a sa propre politique de règlement des différends relatifs aux noms de domaine. C'est en vertu de la convention d’enregistrement que le titulaire est assujetti à la Politique et tenu de se soumettre à la procédure d'arbitrage advenant une plainte fondée sur l'article 3 de la Politique. Plus précisément, cet article mentionne :

1) le nom de domaine .CA est semblable au point de créer de la confusion avec une marque à l'égard de laquelle le plaignant avait des droits avant la date d'enregistrement du nom de domaine ;
2) le titulaire n'a aucun intérêt légitime dans le nom de domaine ;
3) le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi.

Le paragraphe 4.1 de la politique de l'ACEI mentionne la preuve que doit faire le plaignant pour obtenir gain de cause. Le demandeur doit prouver ces éléments selon la prépondérance des probabilités. Le demandeur peut demander le transfert ou la suspension de l'enregistrement du nom de domaine litigieux.

L’état de la jurisprudence au niveau international

Un bref survol des décisions concernant les litiges internationaux nous donne un aperçu de la tendance générale.

L’agence de publicité SNC Alice titulaire de la marque française “Alice” déposée en 1975 à l’INPI déposa une requête contre la SA Alice, une SSII, en contrefaçon de marque. La défenderesse, titulaire de la marque “Alice d’Isoft” avait enregistré le 19 décembre 1999 le nom de domaine “alice.fr”. En défense aux allégations de contrefaçon soutenues par la SNC Alice, cette dernière faisait valoir d’une part, l’absence de risque de confusion du fait que les deux sociétés exerçaient leurs activités dans des champs bien distincts (informatique et publicité) et d’autre part, que la SNC Alice n’avait pas la notoriété prétendue. Les arguments invoqués par SA Alice furent retenus par le tribunal qui rejeta le recours en contrefaçon exercé par la SNC Alice : les activités des deux sociétés sont effectivement très différentes (si bien qu’il n’y a pas de risque de confusion) et le nom “Alice” est largement utilisé comme dénomination sociale (on ne peut donc considérer Alice comme une marque notoire).

En octobre 1999, la société Sony, titulaire du nom de domaine et du site “sony.fr” intenta un recours à l’encontre d’un particulier ayant enregistré des dizaines de noms de domaine parmi lesquels “sony-france.com” et “sony-fr.com” qui ne correspondaient à aucun site web. Au soutien de sa demande, Sony invoquait l’usurpation de sa dénomination sociale “Sony France” qui avilissait la notoriété de sa marque tout en l’empêchant d’enregistrer celle ci en “.com” (nom de domaine de tête générique). La Cour fit droit aux allégations de la société demanderesse et ordonna la cessation du trouble soit l’interdiction pour le défendeur d’utiliser la dénomination “Sony France” et le transfert à la société Sony France des noms de domaine “sony-France.com” et “sony-fr.com” à ses frais.

Ce principe d’avilissement fut cependant limité par l’arrêt Avery Dennison. Dans cette affaire, la compagnie Avery Dennison, d’un chiffre d’affaires de 6.4 milliards de dollars et employant quelques 16000 personnes était titulaire de deux marques de commerce “Avery” et “Dennison”. Ses activités principales s’exerçant dans le domaine des fournitures de bureau. Ce litige l’opposait à un fournisseur de services de courriel sur l’Internet. En effet, dans le cadre de ses activités, ce dernier avait procédé à l’enregistrement de nombreux noms de domaine parmi lesquels “avery.net” et “dennison.net.”. Avery Dennison alléguait ainsi une “dilution” de sa marque résultant de l’enregistrement de ces deux noms de domaine par un tiers. La Cour d’appel rejeta le recours intenté par Avery Dennison faute d’être effectivement notoire au sens du Federal Trademark Dilution Act.

Il importe de noter qu’un nombre insuffisant de décisions rendues en vertu de la Politique de l’ACEI, qui est entrée en vigueur en juin 2002, rendant difficile à ce stade d’identifier des tendances jurisprudentielles. Cependant, lorsque l’on effectue la comparaison entre un nom de domaine et une marque de commerce, il semble que le test d'application se rapproche davantage du test de ressemblance prévu à l’article 9 de la Loi sur les marques de commerce que le test de confusion prévu à l’article 6 de cette même loi, afin constater une similitude avec la tendance jurisprudentielle au niveau international.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

septembre 01, 2006

L’importation et les marques de commerce, une zone grise sous surveillance

L’importation de produits échappe souvent à la protection des marques de commerce, notamment dans le cas de marché parallèle. Ces produits qui, règle générale, sont légitimement mis sur le marché étranger mais leur présence sur le marché local est assombrie par suite d'allégations de contrefaçon. Ce phénomène n’est pas nouveau, certains auteurs, notamment W. Lee Webster et W.L. Hayhurst le qualifiaient de « marché gris » à partir de 1987, dans l’ouvrage intitulé "Restraining the gray marketer policy and practice" (1987) 4 C.I.P.R. 211. Cependant, la décision de la Cour d’appel, dans l’arrêt Kraft Canada Inc. c. Euro Excellence Inc., (2004) 33 C.P.R., a modifié les règles du jeu.

Kraft Foods Belgium S.A., de Halle en Belgique, fabrique la gamme de produits de confiserie Côte d'Or en Europe. En 1993, elle a autorisé Euro Excellence Inc. à agir comme distributeur canadien. Il s'en est suivi un contrat de distribution exclusive pour le Canada d'une durée de trois ans; ce contrat s'est terminé en décembre 2000. On invoque deux motifs de non-renouvellement. Kraft a soutienu que bien qu'Euro Excellence ait commercialisé avec succès Côte d'Or au Québec, elle a fait peu de gains dans le reste du Canada. Euro Excellence a soutienu pour sa part que Kraft se comportait comme un prédateur, voulant tirer avantage de ses contacts et de son renom et qu'elle tente de la sacrifier sur l'autel de l'intégration multinationale.

Kraft Canada Inc. a commencé à distribuer la gamme Côte d'Or en 2001 en vertu d'un contrat. Plus concrètement, elle avait eu un contrat antérieur qui remontait à 1990 pour la distribution de Côte d'Or mais n'y avait jamais donné suite. Au début de 2001, Euro Excellence distribuait toujours les produits Côte d'Or. Or, Kraft ne s'inquiétait pas outre mesure supposant qu'Euro Excellence liquidait des stocks accumulés, mais elle a bientôt réalisé qu'elle vendait de nouveaux produits venant d'une autre source.

Euro Excellence a commencé l'importation parallèle de tablettes de chocolat Toblerone que Kraft Canada Inc. distribuait au Canada depuis 1990. La situation s’est envenimée lorsque que le fournisseur d'Euro Excellence a commencé à procurer également les tablettes dites "Golden", des tablettes beaucoup plus grosses que les tablettes de format normal, censées être vendues que dans les boutiques hors taxes. En fait, le fabricant Kraft Foods Schweiz AG de Genève ne les a jamais offertes à Kraft Canada Inc. En conséquence, Euro Excellence distribue un assortiment plus large de produits Toblerone, ce qui peut lui conférer un certain avantage sur le marché. Kraft a fait valoir qu'Euro Excellence tire parti de sa publicité, ce qui lui donne un avantage de marché, ajoute des étiquettes autocollantes bon marché qui nuisent à la nature d'un produit de première classe, ne s'est pas conformée aux lois et règlements canadiens applicables en matière d'emballage et d'étiquetage et pourrait de fait avoir menacé la santé et mis Kraft en situation de risque en ne "canadianisant" (sic) pas la liste française des ingrédients.

Kraft Foods Belgium SA a, en octobre 2002, enregistré au Canada dans la catégorie des oeuvres artistiques les trois droits d'auteur se rapportant à Côte d'Or. L'auteur était désigné comme un certain Thierry Bigard. Le même jour, un contrat de licence entre elle et Kraft Canada Inc. était également enregistré. La licence conférait à Kraft Canada Inc. :

[TRADUCTION] [...] l'autorisation et le droit exclusifs de produire, de reproduire et d'adapter les Oeuvres ou toute partie importante de celles-ci sur le Territoire, sous quelque forme matérielle que ce soit et d'utiliser et de représenter publiquement les Oeuvres en liaison avec la fabrication, la distribution ou la vente au Canada de produits de confiserie notamment du chocolat.

Kraft Foods Schweiz AG enregistrait l'ours dans la montagne de Toblerone comme droit d'auteur dans la catégorie des oeuvres artistiques ainsi qu'un contrat de licence similaire avec Kraft Canada Inc.

La nature du litige consistait à déterminer si Kraft Canada Inc. (KCI), détiennant depuis octobre 2002 une licence exclusive de production, de reproduction et de distribution pour le Canada du droit d'auteur sur l'éléphant CÔTE D'OR et sur l'ours dans la montagne TOBLERONE, pouvait, suivant le paragraphe 27(2) de la Loi sur le droit d'auteur (L.R. 1985, ch. C-42), (la Loi) obliger Euro Excellence à masquer l'éléphant CÔTE D'OR et l'ours dans la montagne TOBLERONE reproduits sur les emballages des produits CÔTE D'OR et TOBLERONE vendus par lui. Euro Excellence importe et distribue ces produits au Canada d'une source anonyme en provenance d'un pays européen non identifié. Notez bien que Kraft ne cherchait pas à empêcher Euro Excellence de vendre le chocolat, mais uniquement de le distribuer dans le papier d'emballage comportant les oeuvres artistiques enregistrées à titre de droits d'auteur.

La Cour d’appel a confirmé qu’il y avait eu violation du droit d'auteur à une étape ultérieure dans l'accomplissement des actes énumérés aux alinéas 27(2) a) à c), quand la production ou la reproduction de l'oeuvre en question constituant une violation si elle avait été produite au Canada par la personne qui l'a produite. Ainsi, les reproductions des oeuvres protégées faites hors du Canada, même par les titulaires des droits d'auteur KFB et KFS, ne peuvent être importées au Canada par Euro Excellence en vue de l'un ou l'autre des actes énumérés aux alinéas 27(2) a) à c), sans qu'il y ait violation du droit d'auteur de KCI à une étape ultérieure, puisque KCI détient un droit exclusif de reproduction pour le Canada, même à l'égard de KFB et de KFS, et qu'Euro Excellence connaissait l'enregistrement pour le Canada des licences exclusives de KCI sur les deux oeuvres.

La Cour d’appel a souligné que le droit d’agir, au Canada, à l’encontre des marchandises du marché parallèle doit être détenu par une personne autre que le fabricant des marchandises en question. Dans le cas du fabricant détenant le droit d’auteur, le plus simple moyen de respecter cette règle est de mettre en place une licence exclusive en faveur d’un tiers notamment son distributeur canadien. Cette licence exclusive devrait également faire l’objet d’un enregistrement auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

août 01, 2006

L’expiration des brevets et le monopole du marché

Tout récemment la Cour suprême est venue préciser la portée de la propriété intellectuelle. En effet, l’arrêt Kirkbi AG. c. Ritvik Holdings Inc./Gestions Ritvik Inc. (2005 CSC 65), soit les fameuses briques LEGO, souligne le principe selon lequel un dessin purement fonctionnel ne peut servir de fondement à une marque de commerce déposée ou non déposée. La Cour a aussi clairement indiqué que le droit applicable en matière de commercialisation trompeuse et de marques de commerce ne peut servir à perpétuer un monopole lié à des brevets maintenant expirés favorisant ainsi la libre concurrence.

Kirkbi AG fut crée en 1932 exploite depuis de nombreuses années une entreprise prospère et bien connue de fabrication de jeux de construction destinés aux enfants sous le nom de LEGO. Ces jeux, constitués de petites briques de plastique uniformes, s’emboîtent grâce à un système de tenons et de cylindres creux. Quelques années plus tard, Kirkbi achète les brevets protégeant le système d’emboîtement Kiddicraft et perfectionne alors sensiblement les briques en ajoutant à leur face inférieure des cylindres creux destinés à recevoir les tenons de la face supérieure. Les brevets qui protégeaient ce système d’emboîtement au Canada et dans plusieurs autres pays sont maintenant expirés depuis 1988. De nouveaux concurrents se manifestent et tentent de commercialiser des produits similaires, voire identiques. Ritvik, un fabricant de jouets de Montréal représente son concurrent le plus agressif. Ritvik commence à fabriquer des jouets pendant les années 60. Plus tard, au cours des années 80, elle conçoit et commercialise une gamme de grosses briques pour jeux de construction. Enfin, après l’expiration des derniers brevets de LEGO au Canada, elle décide d’utiliser la technique classique de LEGO et met en marché une gamme de petites briques. Ces dernières ont les mêmes dimensions que les briques LEGO et présentent la même configuration géométrique de tenons sur la face supérieure et de cylindres creux sur la face inférieure. Ces briques sont distribuées sous le nom de « MICRO MEGA BLOKS ». Ritvik vend sa nouvelle gamme de briques au Canada et l’exporte dans plusieurs pays. Elle est ainsi devenue, au cours des 10 dernières années, un concurrent sérieux de Kirkbi dans le monde. Devant cette menace, Kirkbi tente désormais de protéger contre la concurrence sa part du marché et son achalandage en invoquant d’autres formes de droits de propriété intellectuelle.

Kirkbi invoque maintenant une marque de commerce non déposée, à savoir la « marque figurative LEGO » constituée du célèbre dessin géométrique représentant les tenons de la face supérieure des briques, pour intenter une action pour commercialisation trompeuse fondée sur l’al. 7b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T?13. Elle cherche à empêcher Ritvik de commercialiser ses produits concurrents sans les accompagner d’un avertissement en bonne et due forme que ses briques pour jeux de construction ne sont pas des briques LEGO et ne sont pas fournies par Kirkbi. Selon l’appelante, l’absence d’une telle mise en garde destinée aux consommateurs engendre de la confusion et donne ouverture à une action pour commercialisation trompeuse fondée sur l’al. 7b).

Commercialisation trompeuse

En effet, l’article 7b) précise que « nul ne peut appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre » L’état du droit en matière de commercialisation trompeuse exige que l’on établisse l’existence de trois éléments pour obtenir gain de cause dans une action pour commercialisation trompeuse fondée sur le droit d’origine législative ou sur la common law : l’existence d’un achalandage, le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration et le préjudice réel ou possible pour Kirkbi AG. Or, l’action de Kirkbi AG était vouée à l’échec car elle n’a pas été en mesure de remplir la première condition. Le prétendu caractère distinctif tenait précisément au procédé et aux techniques maintenant répandus dans l’industrie.

Protection économique

Dans le cas des marques de commerce, la perspective se déplace du produit lui?même au caractère distinctif de sa mise en marché. En effet, les marques de commerce servent à indiquer, de façon distinctive, la source d’un produit, d’un procédé ou d’un service, afin qu’idéalement les consommateurs sachent ce qu’ils achètent et en connaissent la provenance. Or la Cour a soulevé le point suivant : la marque peut-elle être le produit lui-même?

Bien qu’elles ne protègent pas le produit lui-même, les marques de commerce peuvent acquérir une énorme valeur économique et l’achalandage rattaché à une marque est alors perçu comme un bien très précieux. Cependant, malgré le rapport qu’elle a avec un produit, une marque ne doit pas être confondue avec le produit qu’elle sert à identifier. Avec l’expiration des brevets, la technique LEGO est tombée dans le domaine public. Le nom LEGO, apposé sur le produit ou son emballage, ou employé dans la publicité relative au produit, continuait d’être protégé, mais le monopole sur les marchandises elles-mêmes n’existait plus. Le droit des marques de commerce ne vise pas à empêcher l’utilisation concurrentielle des particularités utilitaires d’un produit, mais sert plutôt à distinguer les sources des produits.

En conclusion, Kirkbi n’a pas été en mesure de remplir la première condition de l’action, soit l’existence d’un achalandage rattaché au caractère distinctif du produit. La prudence de la Cour s’explique par le fait qu’accueillir une telle requête dans ces circonstances reviendrait à rétablir un monopole contrairement aux politiques fondamentales des lois et des principes juridiques qui régissent les diverses formes de propriété intellectuelle dans notre système de droit canadien. On tend ainsi à favoriser la libre entreprise.


Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

juin 01, 2006

Sears Canada inc : Le Tribunal apporte des précisions sur le prix habituel

Le 24 janvier 2005, le Tribunal de la concurrence (le Tribunal) a publié les motifs datés du 11 janvier 2005 de sa décision dans l’affaire La commissaire de la concurrence c. Sears Canada Inc.. Le Tribunal de la concurrence du Canada (le « Tribunal ») a jugé que le détaillant Sears Canada avait contrevenu aux dispositions sur le prix habituel de la Loi sur la concurrence (ci après la « Loi »). L’affaire portait sur des annonces publiées en 1999 qui exagéraient les économies que le consommateur pouvant réaliser sur les pneus quatre saisons dans le cadre de trois campagnes promotionnelles. Ces annonces contenaient des indications sur les prix « habituels » des pneus et les prix « de solde ».

Le Tribunal a conclu que Sears Canada Inc. avait contrevenu à l’article 74.01(3) de la Loi, qui interdisant la communication au public d’indications trompeuses d’une façon importante sur le prix de vente habituel d’un produit. La commissaire de la concurrence a allégué qu’en 1999, Sears avait induit en erreur les consommateurs en gonflant le prix régulier de certains pneus annoncés en solde.

La cause a été initiée par le Bureau de la concurrence. Ce dernier cible de plus en plus les détaillants qui contreviennent aux dispositions des lois canadiennes portant sur les pratiques commerciales trompeuses. La décision est particulièrement importante pour les détaillants canadiens puisqu’il s’agit de la première décision du Tribunal sur les indications relatives au prix habituel.

Le Tribunal a fondé sa décision essentiellement sur l’approche analytique présentée dans le bulletin d’information du Bureau de la concurrence – Indications relatives au prix habituel : paragraphes 74.01(2) et 74.01(3) de la Loi. En vertu de la Loi, les indications relatives au prix habituel auquel sont vendus des produits sont légitimes si :

(i) une quantité importante du produit a été vendue au prix régulier ou habituel ou
(ii) le produit a été offert de bonne foi au prix régulier ou habituel pendant une période importante précédant de peu ou suivant de peu la vente.

Si le Tribunal est d’avis qu’une personne a contrevenu à ces dispositions, il peut lui ordonner de cesser de faire des représentations trompeuses, de diffuser un avis correctif et de payer une sanction administrative pécuniaire (« SAP », qui équivaut à une amende).

Selon le bulletin, pour établir si un produit a été offert de bonne foi pendant une période importante, la quantité de produits offerts de même que la durée de l’offre au prix habituel doit être évaluée sur une période de six mois. Le critère concernant la période est rempli si le produit est offert au prix habituel ou à un prix semblable pendant plus de 50 % de la période visée. Sears a reconnu qu’elle n’a pas rempli le critère de quantité mais elle a maintenu qu’elle avait agi de bonne foi relativement au critère concernant la période, sur une période d’un an. La commissaire a fait valoir que Sears n’avait pas agi de bonne foi si on évaluait ses ventes sur la période de six mois précédant les annonces en cause et qu’à tout événement elle ne s’attendait pas à vendre une quantité importante de pneus au prix habituel. De plus, les prix habituels des pneus de Sears étaient beaucoup plus élevés que ceux de pneus comparables offerts par ses concurrents.

Le Tribunal a jugé que ce critère comporte deux éléments : les biens doivent être offerts aux prix habituels annoncés (ou à un prix plus élevé) « de bonne foi » et ce, pendant « une période importante » précédant de peu (ou suivant de peu) la publication de l’annonce portant sur le prix habituel.

À la lumière des éléments présentés, le Tribunal a conclu que Sears n’avait pas offert de bonne foi ses pneus quatre saisons aux prix habituels indiqués. Dans les annonces en cause, le prix habituel mentionné par Sears correspondait au prix d’un seul pneu. Or, dans la grande majorité des cas, le consommateur achète des pneus en paire, soit une ou deux paires à la fois, et le prix unitaire d’un pneu acheté en paire était toujours plus bas que les prix « habituels » annoncés pour un seul pneu. Aussi, Sears a plaidé que ses prix habituels étaient équivalents ou inférieurs aux prix de détail suggérés par le fabricant. Cependant, le Tribunal a jugé que cette conduite n’était pas conforme aux exigences de bonne foi, parce que la preuve a démontre que dans l’ensemble, les détaillants ne vendent pas leurs pneus aux prix de détail suggérés par le fabricant.

Le Tribunal a ordonné à Sears de cesser de donner des indications relatives au prix habituel qui contreviennent à la Loi pendant une période de dix ans. De plus, le Tribunal a refusé de se prononcer sur la demande de la commissaire visant l’imposition à Sears d’une sanction administrative pécuniaire (une SAP) de 500 000 $ jusqu’à ce que les parties soumettent d’autres arguments sur l’applicabilité d’une SAP. Il faudra surveiller si Sears contestera la validité des SAP en vertu de la Loi, une question très pertinente vu la proposition faisant l’objet du projet de loi C-19, intitulé Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d’autres lois en conséquence. Ce dernier a été déposé au Parlement et vise l’imposition de SAP pouvant atteindre jusqu’à 5 millions de dollars canadiens pour des indications trompeuses et abus de position dominante.

Les modifications proposées à la Loi figurant dans le projet de loi C-19 permettrait d’accroître considérablement les sanctions administratives pécuniaires maximales, qui seraient portées à 10 millions de dollars pour une première violation des dispositions de la Loi relatives aux pratiques commerciale s trompeuses et à 15 millions de dollars pour toute violation subséquente. Par conséquent, les violations futures du paragraphe 74.01 (3) de la Loi ou des autres dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses pourraient entraîner des répercussions financières assez considérables pour les détaillants.

Cette décision envoie un message clair aux détaillants canadiens. Le Tribunal adopte une approche ferme à l’endroit des réclames sur le prix de vente habituel. Dans l’affaire Sears, le Tribunal a entériné l’approche du Bureau de la concurrence et a démontré qu’il est prêt à examiner le fondement de la conduite du détaillant afin de déterminer si cette dernière est trompeuse pour les consommateurs.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

mai 01, 2006

La diminution sensible de la concurrence et la fusion d’entreprise

Vous venez de faire l’acquisition de votre concurrent. Vous devez, conformément à l’entente survenue avec le Commissaire de la concurrence vous dessaisir d’actifs. Dans le cadre d’un dessaisissement conformément à une entente convenue avec le Commissaire de la concurrence suivant l’acquisition d’un concurrent, il peut arriver qu’un changement de circonstances modifie quelque peu la condition qui a été présentée au Bureau de la concurrence, organisme fédéral responsable de l'administration et de l'application de la Loi sur la concurrence. Êtes-vous lié par l’ordonnance antérieure ?

Changements de circonstances

En vertu de l’article 106 de la Loi sur la concurrence, le Tribunal peut annuler ou modifier un consentement ou une ordonnance rendue en matière de fusionnements ou de pratiques restrictives de commerce lorsqu’il y a, notamment, un changement de circonstances. Le Bureau de la concurrence pourrait alors considérer qu’il n’y aura pas diminution sensible de la concurrence si l’on prévoit l’entrée d’un ou plusieurs concurrents dans le même marché dans les deux années qui suivent la fusion.

L’éclairage apporté par l’arrêt RONA

Dans l’affaire RONA inc. c. La Commissaire de la concurrence, TC-2003-007 (ci-après « RONA »), le juge souligne « [qu’]il ne faut pas oublier que le texte de loi lui même prévoit à l'article106 la possibilité de modifier ou d'annuler un consentement. Dans sa sagesse, le législateur reconnaît que les prévisions humaines sont parfois imparfaites, et que l'état d'un marché où le Commissaire croit bon d'intervenir peut changer. Le législateur a décide qu'il ne convenait pas de continuer d'imposer l'exécution d'un consentement ou d'une ordonnance si les circonstances présidant a l'adoption de la mesure de redressement changeaient et qu'il était établi que les nouvelles circonstances avaient pour effet d'éliminer la nécessite de la mesure en question ». En effet, la force du consentement réside dans son utilité : il permet la réalisation d'une transaction tout en corrigeant une situation apparente de non-concurrence. A partir du moment où la concurrence se rétablit d'elle-même, le consentement perd entièrement son utilité et partant, il n'est que logique qu'il perde également sa force exécutoire.

Dans l’affaire RONA, le Tribunal a reconnu qu’en modifiant les articles 105 (portant sur les consentements) et 106 de la Loi en juin 2002, le législateur a voulu accorder plus de souplesse aux parties dans la négociation des consentements afin de régler rapidement les obstacles à la concurrence soulevés par un projet de fusionnement. Selon le Tribunal, c’est dans cette optique qu’il faut interpréter le test de l’article 106 de la Loi, lequel prévoit la possibilité de modifier et d’annuler de tels consentements.

Assouplissement des procédures

Avec les modifications de 2002, le législateur a voulu accorder plus de souplesse aux parties lors de la négociation des consentements. En effet, l’article 106(1) de la Loi sur la concurrence reconnaît à son tour que le consentement naît de la volonté des parties, et que sa modification ne peut être envisagée qu'à la lumière de la volonté des parties. L'objet de la Loi est la concurrence, et en adoptant les modifications de 2002, le législateur donne effet à une méthode afin de régler plus rapidement les problèmes qui peuvent se poser et qui font obstacle la concurrence. Au lieu de que de laisser sévir une situation non concurrentielle, le législateur donne aux parties un moyen de régler la question, par l’arrêt RONA

Dans le cadre de l’acquisition de Réno-Dépôt inc. par RONA inc. conclue en avril 2003 et aux termes de laquelle RONA devait devenir propriétaire des vingt magasins de quincaillerie rénovation de Réno au Québec et en Ontario, le Commissaire de la concurrence avait donné son aval à cette transaction sous réserve que RONA se dessaisisse d’un magasin Réno situé à Sherbrooke. Or, après avoir signé le consentement en septembre 2003, RONA a recueilli au fil des mois plusieurs éléments d’information qui faisaient état de la venue de son principal concurrent, Home Depot, dans la région métropolitaine de Sherbrooke (Qc) et, en janvier 2005, elle a finalement obtenu confirmation de l’ouverture d’un magasin Home Depot à Sherbrooke (Qc) à l’automne de 2005. RONA a donc déposé, en janvier 2005, une demande en vertu de l’article 106 de la Loi afin que le Tribunal prenne acte de ce changement de circonstances et annule le consentement.

Dans sa décision, le Tribunal a donc d’abord conclu que la preuve confirmait l’arrivée de Home Depot à Sherbrooke (Qc) à l’automne de 2005 et que l’entrée en scène d’un concurrent important comme Home Depot dans la région métropolitaine de Sherbrooke (Qc) constituait effectivement un changement de circonstances tel que défini à l’article 106(1) a) de la Loi sur la concurrence. Par la suite, le Tribunal a tenté de déterminer la possibilité que les parties signent le consentement sur la base de ces nouvelles circonstances. Selon le Tribunal, la preuve a démontré que RONA n’aurait pas accepté de se dessaisir du magasin Réno à Sherbrooke (Qc) si elle avait su que Home Depot allait effectivement ouvrir un magasin dans la région de Sherbrooke (Qc) à l’automne de 2005 et si la date de la venue de son concurrent principal avait été connue à la fin de l’été de 2003, au moment où le consentement a été signé.

Conséquences de l’arrêt RONA

Cet arrêt est important puisque le Tribunal a statué qu’il devait se demander si l’arrivée de Home Depot répondait aux préoccupations quant à une diminution sensible de la concurrence dans la région de Sherbrooke (Qc). Il a conclu que le risque de non-concurrence n’existe plus en raison de l’ouverture du magasin Home Depot à l’automne de 2005 et qu’il n’y a donc plus lieu pour le Commissaire d’insister pour maintenir une mesure de redressement qui n’est plus nécessaire. En d’autres mots, le consentement avait perdu son utilité puisqu’il n’y avait plus de situation de non-concurrence à corriger. Il permet finalement de mieux définir le fardeau de la preuve auquel seront tenus les requérants qui désirent faire modifier ou annuler un consentement enregistré en vertu de la nouvelle procédure prévue à l’article 105 en matière de fusionnements.


Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

avril 01, 2006

La protection des marques de commerce au niveau international

Les accords commerciaux internationaux conclus ces dernières années par le Canada ont facilité l'accès aux marchés étrangers des biens et services des entreprises canadiennes. Les efforts de la communauté internationale et de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) visant à faciliter la protection internationale des marques de commerce ont mené à l'adoption du Protocole de Madrid en 1989. Cet accord vise à rendre les systèmes d'enregistrement nationaux et régionaux plus accessibles en simplifiant et en harmonisant les procédures administratives. Cependant, le Canada est le seul grand pays industrialisé qui n'est pas membre du Protocole. L’adhésion du Canada au Protocole de Madrid et au Traité sur le droit des marques rendrait nécessaires certaines modifications législatives et réglementaires.

Propositions de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada

C’est dans ce contexte que l'Office de la propriété intellectuelle (OPIC) a soumis quelques propositions afin de moderniser la Loi canadienne sur les marques de commerce et de soulever les questions reliées à l'adhésion du Canada au Protocole de Madrid. L'adhésion au système de Madrid entraînerait des modifications administratives au sein de la Direction des marques de commerce de l'OPIC. Les communications avec le Bureau International ainsi que le dépôt des enregistrements internationaux se feront par la voie électronique.

Modifications au système de classification

Or, le recours au bureau canadien comme bureau d'origine sous le régime du système de Madrid pourrait comporter des inconvénients importants puisqu'un requérant canadien sollicitant l'enregistrement d'une marque dans un certain nombre de pays dans le monde devra s'en tenir à la description canadienne des marchandises et services puisque sous le régime du Protocole, une demande internationale ne peut comporter un énoncé de marchandises et/ou services plus étendu que celui qui figure dans la demande ou l'enregistrement de base.

Modifications de la notion d’emploi de la marque et des ses exigences

Aussi, les exigences d'« emploi » avant l'enregistrement nécessiteraient également quelques modifications afin de rendre le système d'enregistrement des marques de commerce plus rapide et économique et conforme au Protocole de Madrid et au TDM. En effet, le système canadien actuel crée des règles du jeu inéquitables et désavantageuses pour les Canadiens. Les requérants qui invoquent le paragraphe 16(1) ou le paragraphe 16(3) de la Loi sur les marques de commerce (ci-après « la Loi ») doivent faire une déclaration établissant l'une ou l'autre des situations suivantes : a) que leur marque est employée au Canada (et fournir la date du premier emploi) ou b) qu'ils ont l'intention d'employer leur marque de commerce au Canada, et ensuite faire parvenir, avant l'obtention de l'enregistrement, une déclaration d'emploi. Par contre, en ce qui concerne un requérant étranger qui se fonde sur le paragraphe 16(2), la seule exigence qui lui est applicable en matière d'emploi est la suivante : il doit préciser le pays dans lequel la marque a été employée. Plus concrètement, les requérants étrangers n'ont ni besoin d'employer la marque au Canada, ni même de faire une déclaration d'intention de l'employer au Canada, avant de se faire octroyer des droits au Canada.


Modifications au principe de radiation de la marque de commerce

De plus, le système canadien est dépourvu d'un mécanisme efficace de radiation du registre des marques de commerce qui sont tombées en désuétude. En l'absence d'une contestation du public, en vertu des 45 ou 18 de la Loi, les titulaires de marques de commerce conservent indéfiniment les droits exclusifs à leurs marques à travers le Canada s'ils payent les frais de renouvellement. Les titulaires d'enregistrements, qu'ils soient canadiens ou étrangers, peuvent donc continuer à renouveler leurs marques sans être tenus de montrer l'emploi de celles-ci et, comme on l'a signalé plus haut, les titulaires étrangers peuvent continuer à renouveler leurs marques sans jamais être tenus de montrer l'emploi de leurs marques au Canada.

Le Canada doit éviter de se diriger vers un système d'acquisition de droits sans emploi, car il modifierait la question du droit aux marques et rendrait par conséquent inévitable une réévaluation des procédures en contrefaçon, puisque les non utilisateurs seraient désormais en position d'invoquer des droits relatifs à des marques enregistrées à l'endroit des utilisateurs de marques non enregistrées. Aussi, le Canada doit éviter l'établissement d'un système qui permet l'enregistrement de marques pour des motifs défensifs.

Modifications à la notion de priorité de la marque

En vertu de la Loi actuelle, il faut, pour revendiquer la priorité, que le pays de l'Union dans lequel la demande initiale a été produite et le pays d'origine du requérant soient le même. Pour avoir le droit de revendiquer la priorité, le requérant ayant produit une demande antérieure dans, ou pour, un pays de l'Union, doit avoir été, à la date de cette demande, un citoyen ou ressortissant de ce pays, ou y avoir été domicilié, ou y avoir eu un établissement industriel ou commercial réel et effectif (article 34(1)b)). L’OPIC propose que le système n'exige pas expressément que le pays d'origine du demandeur soit le même que le pays de l'Union où a été produite la demande initiale.

La nécessité de mettre sur pied un régime moderne d'encadrement du marché a lieu dans un contexte où les avis sont partagés au sujet du Protocole de Madrid, du TDM et des modifications qu'il faudra apporter au système canadien actuel avec l'adhésion à ces deux traités. Cependant, l'adhésion récente des États-Unis au Protocole de Madrid permet aux entreprises américaines de déposer une demande de marque pour leurs produits et services à l'étranger à un coût bien inférieur à celui assumé par nos entreprises pour protéger leur marque dans les mêmes pays. Par conséquent, nos entreprises actives au niveau international sont nettement désavantagées par rapport aux entreprises américaines qui disposeront d'un mécanisme d'enregistrement international des marques moins coûteux et plus rapide. Il est devenu plus urgent d'entamer un processus de modernisation du système d'enregistrement des marques de commerce au Canada d’autant plus si l'on considère que la loi canadienne sur les marques de commerce est demeurée à peu près inchangée depuis près d’un demi-siècle.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

mars 01, 2006

Vos contrats de publicité contiennent-ils une clause pénale ?

Vous venez de conclure un contrat. Vous croyez avoir couvert tous les aspects prévus au contrat. Avez-vous pensé à prévoir une clause pénale ?

Définition de la clause pénale

Le Code civil du Québec, L.Q., 1991, c. 64, (ci-après « Code ») permet aux parties d’évaluer par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que l’une des parties au contrat se soumettra à une peine en cas de violation de contrat.

Principes de la clause pénale

La clause pénale fixe par convention le montant dû à la partie créancière de l’obligation en cas d’inexécution fautive de la part de la partie débitrice de l’obligation. Cette clause est très fréquente dans les contrats de service, de vente, de prêt, de louage et d’entreprise.

Lors de la conclusion d'un contrat, les parties s'assurent en général du paiement d'une certaine partie des travaux par le biais d'un dépôt du client ou encore par l'insertion au contrat d'une clause pénale. Ces clauses, aussi appelées clauses de dommages liquidés, prévoient à l'avance la somme qui devra être déboursée par le client en cas de rupture du contrat, soit avant soit durant son exécution. Elle permet d’exempter à la partie créancière de prouver le dommage subi et lui donne droit à la somme stipulée dans le contrat par le seul fait relié à l’inexécution du contrat. Cependant, la peine devra être réduite proportionnellement si la partie créancière a profité partiellement du contrat.

La clause pénale peut prendre différentes formes. On peut prévoir dans une clause pénale un montant forfaitaire ou une pénalité calculée sur une base quotidienne pour un retard dans l’exécution.

Les grandes tendances de la jurisprudence relativement à l'application des clauses pénales ont beaucoup évolué au cours des dix dernières années et les tribunaux sont maintenant beaucoup plus interventionnistes face à des clauses jugées trop sévères, voire abusives. Aussi, il arrive fréquemment de voir en jurisprudence des clauses pénales annulées ou réduites parce que jugées abusives par un tribunal. Les juges disposent pour ce faire d'un arsenal assez complet. Retenons qu'en matière de dommages liquidés, une clause modérée a plus de chance de passer le test judiciaire qu'une clause sévère au point d'être complètement prohibitive pour le client. À cet effet, rappelons que le Code civil du Québec permet au client d'un contrat de service de résilier l'entente qui le lie à l'entrepreneur avant et même pendant les travaux, et ce sans même avoir à se justifier d'un motif sérieux. La seule conséquence prévue au Code est le remboursement à l'entrepreneur des frais et dépenses encourus ainsi que la valeur des travaux au moment de la résiliation, d’où l’intérêt de se prémunir d'une telle situation.

Cependant, la clause pénale comprend certaines limites. Les clauses pénales qui rendent le coût d’un prêt d’argent excessif peuvent êtres déclarées invalides. Aussi, la Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1. contient une série de dispositions contre les pénalités pour bris de contrat de service successif. Et finalement, en cas de faillite, le tribunal peut faire exception à l’exigibilité d’une clause pénale au détriment de la masse des créanciers, en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), c. B-3.

En conclusion, il est bon de souligner que le Code civil du Québec prévoit qu’aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi et que la bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

février 01, 2006

Votre produit et son brevet, sa protection, son étendue

Un brevet, en vertu de l’Office de la propriété intellectuelle (OPIC) est un document aux termes duquel un gouvernement accorde à un inventeur le droit d’empêcher d’autre personne de fabriquer, d’employer ou de vendre son produit dans un pays concerné.

Le brevet vise les nouvelles inventions (procédé, machine, fabrication, composition de matériaux), ou toute amélioration nouvelle et utile d’une invention existante. Les droits conférés par un brevet canadien s’appliquent à l’ensemble du Canada mais non aux pays étrangers pour lesquels il faut obtenir des droits distincts. De plus, une invention n’est pas protégée au Canada par un brevet étranger. Qu’en est-il alors des produits traversant nos frontières ?

Produit étranger demandant la protection au Canada

Un demandeur non-résident qui demande un brevet et qui ne semble pas résider ou faire des opérations à un adresse spécifiée au Canada, désigne à la date du dépôt de sa demande, un personne ou une maison d’affaires résidant ou faisant des opérations à une adresse spécifiée au Canada afin de le représenter.

Demande de brevets à l’étranger

Sachez qu’un brevet obtenu au Canada ne protège pas une invention dans un autre pays. Les droits attachés aux brevets se limitent au territoire pour lequel ils ont été accordés. Pour obtenir une telle protection, il faut déposer une demande dans chacun de ces pays.

Vous pouvez faire une demande de brevets étrangers au Canada même, par l’entremise du Bureau des brevets en vertu du Traité de coopération en matière de brevets, ou encore en vous adressant directement au bureau des brevets du pays en question.

Notons également que plusieurs pays, dont le Canada, ont signé la Convention de Paris pour la protection de la propriété intellectuelle. Ce traité vous permet d’invoquer ce qu’on appelle la « priorité conventionnelle ». Cela signifie qu’une demande de brevets déposée dans l’un des pays signataires porte la même date de dépôt dans tous les autres, à la seule condition que le titulaire fasse dans ces autres pays une demande dans les 12 mois suivant le dépôt initial.

Quelle que soit la façon dont vous procédez, il faut vous conformer aux lois sur les brevets de ce pays, lesquelles peuvent différer de la loi canadienne. Notons que le fait de fabriquer, de vendre ou de se servir d’ un produit ou d’ un procédé breveté au Canada dans un autre pays ne constitue pas en soi une violation du brevet canadien. Il faut être titulaire d’un brevet étranger pour poursuivre les contrevenants à l’étranger. La situation est toutefois plus complexe lorsque des infractions sont commises à l’intérieur et à l’ extérieur du territoire que couvre le brevet, comme en font foi certains arrêts.

Jurisprudence antérieure

En effet, la Cour de circuit fédérale des États-Unis a jugé en décembre 2004 que le fabricant du BlackBerry, Research-In-Motion (RIM), était coupable de violation directe d’ un brevet aux États-Unis, même si certains des faits essentiels à la poursuite du demandeur, NTP, Inc. (NTP), ont eu lieu au Canada. Dans cette poursuite, RIM a affirmé que la violation du brevet de NTP n’ est pas survenue « aux États-Unis », contrairement aux exigences de la loi, en se fondant sur le fait que le relais dont elle s’ est servi pour transmettre les courriels aux utilisateurs de BlackBerry se trouvait au Canada.

Le tribunal en a jugé différemment et a invoqué une disposition de la loi américaine sur les brevets dont l’ effet est extraterritorial. Le tribunal a statué qu’ il y avait violation directe des brevets de NTP même si le relais de RIM ne se trouvait pas aux États-Unis puisque le système de RIM avait servi à l’ avantage de clients américains. RIM a prétendu que la décision était non fondée en droit puisqu’ il n’ y avait pas violation directe aux États-Unis et elle a présenté une requête pour une nouvelle audience.

La jurisprudence abonde dans le même sens et démontre la tendance à élargir l’application des lois sur les brevets aux activités internationales.

Par conséquent, les entreprises canadiennes qui opèrent à l’étranger doivent s’assurer qu’elles ne violent pas de brevets étrangers, même si leurs activités n’ont qu’un lien indirect avec le territoire en question. Les entreprises canadiennes pourraient être capables d’obtenir des brevets étrangers et de s’en servir pour limiter les activités internationales de leurs concurrents, moyennant redevances.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

janvier 01, 2006

En cas de conflit, la médiation commerciale peut vous aider

Vous vivez actuellement une situation de conflit en affaires. La médiation civile et commerciale peut s'avérer un moyen efficace pour régler la situation avec les avantages suivants : il s'agit d'un processus privé et confidentiel, qui favorise une économie de coût et de temps, ainsi que le maintien de bonnes relations entre les parties. Il importe que toutes les parties acceptent la médiation de bonne foi et qu'elles aient un intérêt à ce que le problème soit effectivement réglé, d’où l’intérêt d’inclure une clause de médiation lors de la rédaction de vos contrats.

Définition

La médiation est un mode de résolution de conflit fondé sur la coopération. Elle présente comme caractéristique principale l'intervention d'un tiers impartial, le médiateur. Celui-ci, dans le cadre d'un règlement à l'amiable, amène les parties à communiquer entre elles et à solutionner elles-mêmes leur différend. Le médiateur n'a pas de pouvoir décisionnel. Son rôle vise plutôt à amener les parties à communiquer leurs attentes, besoins et objectifs véritables, pour qu'elles puissent ensuite élaborer et conclure une entente sur mesure. La médiation est un processus volontaire. Vous pouvez y mettre fin en tout temps.

Les avantages

La médiation comporte de nombreux avantages par rapport aux recours traditionnels devant les tribunaux. En plus d'être un processus totalement volontaire, la médiation est plus rapide, moins coûteuse, confidentielle et permet de maintenir des liens plus cordiaux entre les parties. De plus, l’avantage de recourir à un avocat médiateur repose sur le fait que celui-ci est un professionnel compétent maîtrisant les notions juridiques, lesquelles constituent une dimension importante dans tout conflit. Il est soumis à des devoirs légaux et réglementaires encadrés par son ordre professionnel. Il est formé aux techniques de la négociation et de la médiation. Tout en conservant son impartialité, il peut se servir de ses connaissances pour aider les parties à prendre des décisions éclairées. Il a l'expérience quotidienne du conflit et il sait comment aider les parties à parvenir à une entente sur mesure. Notez bien que le médiateur ne remplace pas votre avocat. De par la nature de la médiation et du rôle qu'y joue le médiateur, celui-ci ne peut assumer un rôle de conseiller juridique, même commun au deux parties. Rien n'oblige les parties, cela va sans dire, à être représentées par avocat dans ce procédé informel de la médiation, lequel ne vise pas, comme on le sait, la stricte application des règles de droit. Toutefois, la pratique usuelle veut que les avocats soient généralement présents tout au long du processus de médiation. Et il convient évidemment d'éviter tout spécialement une situation dans laquelle l'une seule des parties serait ainsi représentée.

Le déroulement de la médiation

Comment se déroule une médiation?

I) Établissement des conditions de la médiation et d'un climat de communication. À cette étape, les parties et le médiateur établissent par écrit les conditions de la médiation ainsi que le rôle du médiateur et des parties. Le médiateur débute la médiation en établissant un climat de communication efficace.

II) Identification des faits, besoins et intérêts. Le médiateur incite les parties à échanger et vérifier toutes les données et informations utiles. Il les amène à cerner les enjeux et questions à résoudre et à les exprimer clairement.

III) Élaboration des options et négociation. Une fois les problèmes véritablement identifiés et les informations vérifiées, le médiateur aide les parties à imaginer, élaborer et évaluer toutes les options potentielles. À cette étape, les parties examinent avec lui les conséquences des options envisagées pour favoriser des décisions éclairées. Le médiateur aide les parties alors à négocier des conditions satisfaisant leurs besoins et leurs intérêts.

IV) Rédaction d'un projet d'entente. Une fois les décisions prises, le médiateur assiste les parties dans la formulation d'un projet d'entente au sujet duquel il est recommandé aux parties de consulter votre avocat. C'est une étape importante car, une fois signée, l'entente lie les parties.

Les coûts et le délai d’une médiation

Les honoraires du médiateur varient d'un médiateur à l'autre et ce, en fonction de son expérience, son expertise et sa notoriété. La rémunération du médiateur est généralement un tarif horaire convenu entre les parties et le médiateur. En principe, chacune des parties assume sa proportion des honoraires. S'il y a deux parties, chacune d'elles assume 50% des coûts totaux de médiation. Un processus de médiation est généralement plus économique que les recours devant les tribunaux traditionnels notamment parce qu'il évite d'avoir à défrayer le coût des timbres judiciaires, les frais relatifs à la rédaction de procédures, les frais de procureurs, de significations, d'interrogatoire, etc. Il va de soi que les économies engendrées par un processus de médiation vont dépendre du moment où le litige est soumis à la médiation. Si le litige est soumis à la médiation après que toutes les procédures judiciaires soient complétées et produites au dossier de la cour, les économies mentionnées plus haut seront moins importantes, d’où l’intérêt d’inclure une clause prévoyant la médiation.

Pour ce qui est de la durée du processus de médiation, il va de soi que cela dépend de la complexité des points en litige. Une médiation peut durer de quelques heures à quelques jours, et quelques semaines dans des cas très complexes et exceptionnels. La médiation présente certains avantages mais aussi certains inconvénients.

En conclusion, il faut préciser que certains dossiers peuvent nécessiter l'obtention d'une ordonnance intérimaire d'injonction, afin de préserver le statu quo jusqu'à ce que le fond de l'affaire fasse l'objet d'un examen, ou encore il peut être nécessaire d'appeler un tiers en garantie, toutes choses que la médiation ne permet évidemment pas.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

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