Je vous ai parlé à quelques reprises à l’intérieur de ces chroniques de la clause de non concurrence. Bien que valide, la pénalité associée à la clause ne doit pas être abusive telle que reconnue par le juge Hallée, dans l’affaire 9148-2588 Québec inc., François Bernier c. Jean-Louis Daigle, Francine Harnois, 2007 QCCS 2423. Dans cette affaire, 9148-2588 Québec Inc. est une compagnie détenue par François Bernier. Ce dernier a fait des démarches auprès de Jean-Louis Daigle afin d'acquérir le bar-restaurant Chez Gros-Louis Enr., situé sur la route 137, à Sainte-Cécile-de-Milton, dont Francine Harnois est propriétaire en titre. Toutes les négociations pour l'achat du Restaurant ont lieu avec Daigle.
Le contrat de vente comprend une clause de non-concurrence interdisant tout intérêt direct ou indirect dans une entreprise de même nature dans un rayon de 50 kilomètres pour un terme de 5 ans. Cette clause est assortie d’une clause pénale de 1 000$ pour chaque jour d’infraction.
9148-2588 Québec inc poursuit Harnois et Daigle pour violation de la clause de non-concurrence. Selon Bernier, Daigle se serait porté acquéreur, en partie ou en totalité, dès janvier 2005, d'un bar appelé le Racing Bar, lequel est également situé sur la route 137, à environ 8 kilomètres du Restaurant. Daigle reconnaît être devenu propriétaire en partie en février 2005. Depuis octobre 2006, Harnois prépare l'ouverture d'un commerce semblable au Restaurant. Ce nouveau restaurant est adjacent et situé dans le même immeuble que le Racing Bar.
Suite à un incendie d’origine criminelle faisant du commerce une perte totale, Bernier, voie de règlement avec ses assureurs, désire reconstruire son commerce. Il affirme que Daigle lui a pris une partie de sa clientèle dès le début de l'année 2005, lui causant une perte significative de revenus. 9148-2588 Québec inc. et Bernier réclament des défendeurs 1 000 $ par jour pour chaque jour d'infraction, tel que le prévoit la Clause, 5 000 $ de dommages moraux, 10 000 $ de dommages exemplaires et 17 974,60 $ pour honoraires extrajudiciaires, en plus d'une ordonnance enjoignant les défendeurs de cesser de travailler dans le même domaine.
Harnois affirme qu’elle ne contrevient aucunement à la clause puisque les commerces où elle travaille ne sont pas de même nature. Daigle plaide l’absence de droit, n’étant pas partie à l’acte de vente du commerce. Daigle affirme qu'il n'était que le bailleur de fonds du Restaurant et qu'au surplus, la Clause ne lui est pas opposable puisqu'il n'est pas signataire du contrat de vente du Restaurant.
La preuve indique que, bien que Harnois soit propriétaire en titre, Daigle agissait à titre de partenaire, d’associé, sinon de propriétaire, ce qui peut engendrer une faute extracontractuelle. D’ailleurs, l’enseigne du restaurant montre un homme bedonnant à casquette, ce qui correspond au physique de Daigle en tous points. Son surnom «Gros Louis» est le nom donné au restaurant, faisant ainsi référence à Jean-Louis Daigle. C’est d’ailleurs lui qui a négocié la vente, reçu toutes les sommes d’argent comptant et signé les reçus à son nom. Il était présent chez le notaire lors de la signature de l’acte de vente et connaissait la teneur de la clause de non concurrence ainsi que toutes les obligations y étant associées. De plus, il a fait preuve de mauvaise foi, sachant que sa notoriété et sa personnalité lui ont permis de reconquérir une bonne partie de la clientèle du resto-bar en opérant le Racing Bar
La preuve établit également que Harnois a contrevenu à la clause de non-concurrence, bien qu’elle affirme que le fait de démarrer un restaurant dans le local adjacent au Racing Bar ne constitue pas une contravention. Certains employés sont les mêmes, la cuisinière qui travaille à ce nouveau restaurant est celle qui exerçait les mêmes fonctions au Restaurant et que Bernier avait maintenue à son service. Le menu offert est également similaire. Harnois n’était pas simplement une employée du resto-bar. Elle en était l’une des âmes dirigeantes et propriétaire en titre.
Le tribunal estime cependant que la pénalité de 1 000$ par jour d’infraction est abusive, en vertu de la discrétion qui lui permet d’intervenir, en vertu de l'article 1623 C.c.Q., en cas de clause abusive. En effet, aucune preuve n'a été apportée pour éclairer le Tribunal quant aux facteurs pouvant le guider dans l'exercice de sa discrétion. Aussi, aucun état financier n'a été produit, aucun chiffre soumis quant au volume des ventes. Il la réduit à 200$ par jour d’infraction, soit 100$ par jour pour chacun des défendeurs. Il refuse d’accorder des dommages moraux, faute de preuve présentée et des dommages exemplaires, vu l’absence de fondement juridique à cette réclamation d'autant plus qu'une clause pénale prévoit les dommages en pareille circonstance. Et finalement les honoraires extrajudiciaires sont ne sont pas accordés. La prudence démontrée par les tribunaux à la lumière de la tendance jurisprudentielle constante et la clause pénale à laquelle font face les Daigle et Harnois et malgré la mauvaise foi, le dossier ne démontre pas une témérité ou une hostilité envers les demandeurs et n'est pas non plus un cas manifeste d'abus de procédure.
Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique
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