Une marque de commerce est employée avant tout dans le but d'identifier et distinguer les produits ou services de son titulaire de ceux des concurrents. Une marque doit donc être originale et devenir distinctive dans l'esprit des consommateurs. La marque de commerce consiste en un mot, un symbole ou un dessin (ou une combinaison de ceux-ci), qui sert à distinguer les produits ou les services d'une personne ou d'un organisme d'autres produits ou services offerts sur le marché. La marque de commerce est un droit de propriété et les nombreux litiges devant la Cour fédérale du Canada, ainsi que les tribunaux de droit commun des provinces confirment qu’elle constitue un actif intellectuel qu’il convient de protéger et de défendre. L’industrie pharmaceutique, tout comme les autres industries, n’y échappent pas et protègent leur marque de commerce, comme le relate Me Marie Lafleur, dans son ouvrage intitulé « Les marques de commerce au Canada dans l’industrie pharmaceutique »
Le droit exclusif à l’emploi de la marque de commerce au Canada peut être violé par toute personne qui utilise une marque de commerce ou un nom commercial qui crée de la confusion avec la marque enregistrée reposant essentiellement sur une ressemblance entre la marque enregistrée et la marque contrefaite. Or, qu’en est-il des médicaments, propres à l’industrie pharmaceutique ?
Lorsqu’il s’agit d’un médicament sous ordonnance, l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, mentionne que dans le domaine des médicaments délivrés sur ordonnance, la clientèle des laboratoires pharmaceutiques comprend donc les médecins, pharmaciens, dentistes et les patients. Il s'agit d'un patient avisé puisque les professionnels de la santé interviennent avant qu'il n'ait mis la main sur le médicament qu'il désire. Le patient a d'abord une consultation avec son médecin traitant à propos des traitements qui lui sont ouverts. Le médicament est acheté après que le médecin traitant ait rempli une ordonnance. Ce processus implique une décision de la part du patient qui en discutera d'abord avec son médecin avant de choisir un médicament plutôt qu'un autre. Quant au pharmacien, il s'agit d'un professionnel de la santé qui a l'habitude des ordonnances, ce qui réduit le risque de confusion. Le pharmacien lira l'ordonnance du médecin avant de donner le médicament au patient.
Cet arrêt mentionne également les droits associés à l’apparence du produit. Le fardeau de preuve repose sur le fabricant qui doit prouver que l’apparence de son produit, tant l’emballage du médicament, la forme ou la couleur des comprimés, a atteint une réputation au point que le consommateur associe les caractéristiques du produit au fabricant.
Cependant, la Cour suprême du Canada mentionne également, dans cet arrêt que ce niveau de réputation est difficile à atteindre :
«Comme le fait remarquer Waldow, [dans son ouvrage intitulé «The Law of Passing-off» London, aux éditions Sweet & Maxwell, 1990] , les compagnies pharmaceutiques sont limitées dans le choix d'éléments caractéristiques pour la présentation de leurs produits. En effet, comme les pharmaciens achètent ceux-ci en vrac et les délivrent au public dans des récipients standards, transparents et anonymes, la seule façon d'attirer l'attention des patients sur l'origine du produit réside dans les capsules ou les comprimés eux-mêmes. Les possibilités sont peu nombreuses; des inscriptions sur les comprimés étant souvent trop petites pour être lisibles, du moins facilement, il ne reste que la forme, la taille et la couleur des produits pour les distinguer. Ici encore, les laboratoires pharmaceutiques ont peu de jeu. La taille et la forme des médicaments ne peuvent dépendre de la seule imagination puisqu'elles doivent correspondre à des exigences fonctionnelles dues à certaines réalités physiologiques, en particulier ingestion et digestion. Quant aux couleurs, à cause notamment de la taille restreinte des produits, les combinaisons qui pourraient être originales ou caractéristiques sont également relativement limitée »
Par conséquent, la probabilité d'une confusion, dans le domaine des médicaments délivrés sur ordonnance, n'est pas facile à prouver. Ceux qui sont appelés à vendre des produits pharmaceutiques des professionnels méticuleux qui sont habitués à faire les distinctions subtiles entre les noms des divers produits, comme le souligne l’arrêt Pierre Fabre Médicament c. SmithKline Beecham Corp., [2004] A.C.F. no 999.
Quant au nom commercial, dans cet arrêt, le ribunal s’est penché sur la possibilité de confusion entre la marque de commerce de Pierre Fabre Médicament, IXEL, et celle de SmithKline Beecham Corporation, PAXIL. Les deux médicaments sont prescrits sous ordonnance et traitent la même maladie, soit la dépression. Selon la Cour, IXEL et PAXIL sont des mots uniques qui n'ont aucun lien avec le langage courant. Ces marques possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent, ne suggèrant aucune idée. PAXIL, comme IXEL, ne se retrouve pas dans le dictionnaire et ne réfère à rien ni en anglais ni en français. La Cour a admis que le risque de confusion est inexistant en français. «En effet, même en acceptant que la dernière syllabe se prononce de façon identique dans les deux cas, la première syllabe des marques, celle sur laquelle le consommateur anglophone mettra l'accent est à ce point différente que le degré de ressemblance demeure faible au niveau phonétique.» La Cour a donc conclu que le faible degré de ressemblance entre les marques, conjugué au fait que les médicaments étaient délivrés sous ordonnance, rendait peu probable le risque de confusion.
Bien avant la mise en marché du médicament, les compagnies pharmaceutiques auront donc assuré la protection de ses droits de propriété intellectuelle. Une marque de commerce peut constituer un atout important pour une entreprise. Les compagnies pharmaceutiques qui tenteront de s’approprier de la notoriété du médicament devront démontrer l’absence de confusion avant de s’accaparer une part du marché.
En terminant, j'invite les lecteurs qui désirent approfondir le sujet à consulter l'ouvrage de Me Marie Lafleur, « Les marques de commerce au Canada dans l’industrie pharmaceutique », d'où est tiré le présent résumé.
Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique
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