Les services alimentaires A & W du Canada Inc. ont intenté une action contre les Restaurants McDonald du Canada Limitée pour violation d’une marque de commerce et dépréciation de l’achalandage découlant de l’utilisation par McDonald de la marque de commerce déposée "Chicken Grill", dans l’arrêt A & W Food Services of Canada Inc. c. McDonald’s Restaurants of Canada Limited, 2005 CF 406
En premier lieu, un survol historique s’impose. McDonald’s Restaurants of Canada Limited est arrivée au Canada en 1967 avec l’ouverture de son premier restaurant au Canada en 1967, à Richmond (C.-B.). Peu à peu, A&W a réagi à la concurrence de McDonald et d'autres chaînes en concentrant ses activités dans l'Ouest canadien, en ouvrant des restaurants dans les centres commerciaux, en fermant peu à peu ses restaurants avec service à l'auto et en vendant sa racinette dans les épiceries. À l'heure où la cause a été entendue, A&W était la deuxième chaîne de restaurants en importance au Canada compte tenu du nombre de restaurants et la troisième chaîne pour les ventes . McDonald est la première entreprise dans les deux catégories. A & W est la deuxième chaîne de restaurants basée sur le nombre de restaurants et la troisième basée sur les ventes.
A&W a été fondée en Californie, en 1919, par MM. Allen et Wright. À cette époque, il s'agissait d'un casse-croûte avec service à l'auto qui vendait de la racinette. La société s'est installée au Canada, en 1956, à Winnipeg. Au Canada, A&W ressemblait davantage à un restaurant qu'aux États-Unis et on y offrait plus de mets, notamment des hamburgers et des hot-dogs. En règle générale, ces restaurants offraient un "service à l'auto", c'est-à-dire que la clientèle pouvait demeurer dans sa voiture et y être servie. La société Unilever Ltd. a acheté les restaurants canadiens d'A&W en 1972, ce qui a rompu tout lien avec la société américaine. En 1995, Unilever a vendu la société aux cadres de l'entreprise. Aujourd'hui, presque tous les restaurants A&W sont des franchises.
Depuis 1987, A & W vend un sandwich au poulet grillé appelé "Chicken Grill", pour lequel elle a enregistré une marque de commerce en 1988. Depuis 2001, McDonald vend un sandwich au poulet grillé appelé «Chicken McGrill». A & W allègue que McDonald a contrefait sa marque de commerce, utilisé une marque qui crée de la confusion et tenté de bénéficier de son achalandage sur le marché. En retour, McDonald allègue que la marque de commerce de A & W est invalide car elle n’est pas distinctive.
Dans une cause typique de confusion de marques de commerce, le demandeur allègue que la marque de commerce du défendeur peut provoquer de la confusion auprès des consommateurs qui pensent que les produits du défendeur sont des produits qui proviennent du demandeur. Ce type de confusion est qualifiée de « confusion directe ». Toutefois, dans un cas de confusion inversée, la marque de commerce de la défenderesse incite plutôt les clients à croire que les marchandises de la demanderesse, en l’occurrence A&W proviennent de la défenderesse, McDonald
Le concept de la confusion inversée est fréquent aux Etats-Unis, mais moins fréquent au Canada. La Cour s’est alors penché sur la question de savoir si l'utilisation, par McDonald, de la marque de commerce "Chicken McGrill" porte-t-elle atteinte au droit exclusif à l'emploi, par A&W, de sa marque de commerce "Chicken Grill", selon l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.
Les propriétaires de marques de commerce ont le droit exclusif à l'emploi de celles-ci dans tout le Canada en ce qui concerne les marchandises ou services visés sauf si l'invalidité de la marque est démontrée, tel que prévu à l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce. En principe, A&W a le droit exclusif à l'emploi de la marque de commerce déposée "Chicken Grill" lorsqu'il s'agit d'un sandwich au poulet grillé, à moins que McDonald puisse établir que la marque de commerce d'A&W n'est pas distinctive. A&W prétend que l'emploi, par McDonald, de "Chicken McGrill" relativement à un sandwich au poulet grillé contrefait sa marque de commerce au motif que la marque de McDonald est presque identique; d'ailleurs, elle englobe totalement la marque d'A&W. Pour sa part, McDonald prétend qu'A&W n'a que le droit exclusif à l'emploi de "Chicken Grill"; elle n'a pas le droit d'empêcher McDonald d'employer "Chicken McGrill" puisqu'il ne s'agit manifestement pas de la même marque. Suivant le droit canadien actuel, la Cour mentionne que l'emploi, par McDonald, de "Chicken McGrill" ne constitue pas une contrefaçon de la marque de commerce "Chicken Grill" d'A&W. La question principale qui se pose est celle de la confusion.
Après avoir passé en revue la jurisprudence américaine concernant la « confusion inversée », la Cour a jugé que le critère d’évaluation de la confusion directe, soit le principe de « forward » ou « direct confusion », était appliqué, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de critère spécial à appliquer à la confusion inversée. Les tribunaux américains étaient d’avis que le risque de confusion demeure la question centrale dans les causes de confusion directe et de confusion inversée et que le « sens » de la confusion n’a pas de véritable pertinence, vu son importance secondaire.
La Cour était d’avis que dans le contexte canadien, la portée de la Loi sur les marques de commerce était suffisante pour couvrir les cas de confusion directe et de confusion inversée. À la suite de son appréciation des faits, la Cour a toutefois noté qu’il n’existait aucune confusion entre les marques et qu’il n’y avait pas de dépréciation de l’achalandage.
Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique
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