mars 01, 2010

La portée de la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence est prévue à l’article 2089 du Code civil du Québec qui stipule que « Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l'employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui lui ferait concurrence. Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l'employeur. Il incombe à l'employeur de prouver que cette stipulation est valide.».

Or, le 11 février 2009, la Cour supérieure, sous la plume de l’Honorable Juge Bellavance dans l’arrêt TQS inc. c. Pelletier, 2009 QCCS 597 est venue en préciser la portée.

Rappelons les faits du litige qui se situe dans le milieu de la télévision de Sherbrooke et des Cantons de l'Est où la concurrence est forte entre TQS et TVA et Radio-Canada. Mme Lucie Pelletier, a été une employée de TQS Estrie, occupant divers postes successifs du 30 octobre 1989 au 15 janvier 2009. Elle avait souscrit un engagement de non-concurrence pour une période de 6 mois. Elle a démissionné le 15 janvier 2009 pour accepter un poste de directrice générale auprès de Groupe TVA inc. TQS a alors demandé l'émission d'une injonction pour faire respecter l'engagement de non-concurrence.

Mme Pelletier avait signé deux contrats de travail. Le premier contenait la clause suivante: « Pour une période de six mois suivant la fin de la cessation de son emploi auprès de TQS inc., l'employé s'engage à ne pas effectuer quelque travail que ce soit ou fournir quelque service que ce soit dans un poste identique ou similaire à celui qu'il occupait chez TQS, et ce, auprès de ou pour le compte de Groupe TVA inc. (réseaux LCN/TVA et autres chaînes actuelles et à venir), de la Société Radio-Canada (Radio-Canada/RDI et autres chaînes actuelles et à venir), le Groupe Astral ou le Groupe Corus et ce, dans le territoire de la province de Québec. »

Or, au cours du printemps 2008, Mme Pelletier a été promue au poste de directrice des ventes locales et du marketing de TQS Estrie, le second contrat de travail intervenu intervenu en date du 22 août 2008 contenait la clause suivante: « Pour une période de six (6) mois suivant la fin de son emploi auprès de l'Employeur, l'Employée s'engage à ne pas effectuer quelque travail que de soit ou fournir quelque service que ce soit, directement ou indirectement, à titre de mandant, agent, représentant, gestionnaire, conseiller, administrateur, consultant, entrepreneur, employeur ou employé, ou à tout autre titre, auprès de ou pour le compte du Groupe TVA Inc. (toutes chaînes, filiales ou sociétés apparentées de télévision et de services de nouveaux médias actuels et à venir, y compris toutes les stations régionales), de la Société Radio Canada (toutes chaînes, filiales ou sociétés apparentées de télévision et de services de nouveaux médias actuels et à venir, y compris toutes les stations régionales), du Groupe Astral (toutes chaînes, filiales ou sociétés apparentées de télévision et de services de nouveaux médias actuels et à venir, y compris toutes les stations régionales), et du Groupe Corus, et ce, dans le territoire de la province de Québec

Le Tribunal a conclu à l'invalidité de la clause de non-concurrence. Mme Pelletier travaille dans ce secteur depuis 25 ans. La clause ne passe pas le test de la nécessité prévu à l'article 2089 C.c.Q. puisqu'on interdit tout travail et mentionne que c’est «carrément exagéré pour protéger les intérêts de l'employeur». Le Tribunal se fonde également sur l'arrêt Shafron c. KRG Insurance Brokers (Western) inc. (2009 CSC 6) récemment rendu par la Cour Suprême du Canada pour conclure que la clause qui prévoit qu'un tribunal peut réduire la portée de la clause de non-concurrence pour la rendre raisonnable est illégale. En effet, les clauses dites de correction, mandatant le Tribunal, au cas où elles seraient excessives, de les épurer pour les rendre acceptables, feraient en sorte la théorie de la divisibilité inciterait les employeurs à rédiger des clauses restrictives d'une portée démesurée en s'attendant à ce que les tribunaux en retranchent les éléments déraisonnables ou en donnent une interprétation atténuée selon ce qu'ils jugent raisonnable. L'injonction fut donc refusée.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

1 commentaire:

Legaletic a dit...

Bonjour, c'est un article très intéressant, vu de France.
Je suis avec attention votre activité, continuez ainsi!
Merci

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