décembre 01, 2008

Deux évènements, un territoire et la probabilité de confusion, une question de principe ou de préjudice

Il arrive parfois que deux évènements visant le même objectif défendent leur marque de commerce et ce, même s’ils sont sans but lucratif, comme ce fut le cas dans l’arrêt Vélo Québec Événements (Tour de l'Île de Montréal) c. Épreuves de la Coupe du monde cycliste féminine, [2006] R.D.Q. no 68. Les faits en l’espèce sont simples : Depuis plus de vingt ans, Vélo Québec organise la très populaire randonnée cycliste : Le Tour de l'Île de Montréal, qui a lieu annuellement le premier dimanche de juin. Des dizaines de milliers de gens de tous les âges et de tous les niveaux de compétence cycliste participent à cet, tous les niveaux, à l’exception de l’élite. Vélo Québec a fait enregistrer deux marques de commerce, soit la marque Tour de l’île de Montréal, dont le certificat d'enregistrement est daté du 17 juin 1988, comprenant l'enregistrement inclut le dessin d'un homme habillé à l'ancienne mode et tenant un vieux modèle de bicyclette, et une autre marque : Le grand tour, dont le certificat d'enregistrement porte la date du 30 mars 1999

L'enregistrement de la marque TIM est modifié en date du 5 janvier 2005. Le certificat de modification contient le même désistement quant aux mots "Ile de Montréal " et avise qu'en plus des marchandises déjà identifiées, la marque est "employée au Canada depuis aussi tôt que 01 juin 2002" en liaison avec plusieurs autres marchandises. Cette fois-ci, des services sont spécifiés, soit les services suivants :

(1) Programmation de compétitions et d'événements sportifs associés à la bicyclette; promotion auprès de commanditaires et du public en général d'activités et d'événements sportifs associés à la bicyclette; organisation de compétitions et d'événements sportifs associés à la bicyclette.
(2) Agence de voyages, organisation d'excursions pour touristes, nommément organisation d'excursions en bicyclettes, organisation de randonnées à pied.
(3) Publications de journaux, publication de magazines, publication de manuels, publication de livres, publication de cartes routières, nommément de cartes indiquant les pistes cyclables, de cartes indiquant les circuits de randonnée à pied.
(4) Production de films cinématographiques, production d'émissions télévisées, productions de bandes vidéo.
En ce qui concerne la marque : Le Grand Tour, son certificat d'enregistrement porte la date du 30 mars 1999 et contient un désistement quant au droit à l'usage exclusif du mot "TOUR" et indique que cette marque est employée depuis aussi tôt que mars 1994 en liaison avec certaines marchandises ainsi qu'avec les services suivants :

Formation, divertissements, activités sportives et culturelles, nommément organisation et conduite de randonnées cyclistes, ateliers de formation; édition de livres et de revues, nommément dépliants, carnets, calendriers, documents de formation; conseil, information ou renseignements d'affaires, nommément services touristiques.

La Coupe du monde féminine, pour sa part, organise depuis 1998 une course cycliste de calibre élite pour femmes : La Coupe du monde féminine. La Course sur la montagne se tient sur le Mont-Royal le dernier samedi de mai tous les ans. Cette course fait partie d'un circuit international de neuf courses organisées et sanctionnées par l'Union cycliste internationale. Contrairement au Tour de l'Île où tout le monde peut participer sans inscription ou preuve de ses capacités, les critères de sélection pour participer à la Course sur la montagne s'avèrent très sélectifs. La participation se fait strictement sur invitation. Seulement les vingt meilleures équipes au monde sont sollicitées et celles-ci sont composées de 4 à 6 athlètes chacune.

La preuve a révélé que la désignation "tour" n'est pas donnée à toutes les courses importantes de ce genre à travers le monde, mais qu'une bonne majorité s'appellent ainsi, soit quelque 70 %. De plus, il y a des randonnées populaires semblables au Tour de l'Île de Montréal qui se désignent par le nom "tour".

L'article 20 de Loi sur les marques de commerce permet au détenteur d'une marque enregistrée d’obtenir une injonction si la marque ou le nom du défendeur ne fait que créer de la confusion avec la marque enregistrée, que les marchandises ou services soient ou non de la même catégorie. Le fardeau de preuve imposé à Vélo Québec en vertu de l'article 20 de la Loi sur les marques est de démontrer qu'il est probable que le consommateur moyen, n'ayant qu'un souvenir vague ou imprécis de la marque enregistrée du demandeur, serait amené à croire, comme première réaction face aux produits du défendeur, que ceux-ci proviennent du demandeur. C'est le test communément appelé « le test de la confusion ». L'article 6(5) de la Loi sur les marques identifie cinq éléments à considérer pour déterminer si une marque ou nom commercial crée de la confusion avec la marque d'un demandeur. Cette liste d'éléments n'est pas exhaustive et la loi stipule qu'il faut surtout tenir compte de "toutes les circonstances de l'espèce", soit
1- Le « caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus »;
2- La « période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage »
3- Le «genre de marchandises, services ou entreprises »;
4- La « nature du commerce », plus précisément dans ce cas ci, celui des participants et celui des spectateurs
5- Le « degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent »
Vélo Québec soulève aussi le fait que l’organisme a reçu des appels téléphoniques du public et de la presse, surtout en 2002, qui pourraient indiquer une possible confusion à l'effet que Vélo Québec joue un rôle dans l'organisation du Tour du Grand Montréal

Le Tribunal a conclu que, dès qu'il s'agit d'un événement cycliste, le public est apte à téléphoner à n'importe quelle association de cyclisme pour obtenir des renseignements. Il ne s'agit pas de la confusion entre les deux noms sous étude, mais plutôt d'une présomption de la part du public à l'effet que toutes les activités du monde du cyclisme sont reliées. De plus, à la lumière des critères analysés, le seul fait qu'il peut y avoir des appels téléphoniques à Vélo Québec n'est pas en soi suffisant pour prouver la probabilité de confusion.

Finalement, le Tribunal conclut sur la note suivante : deux organismes qui devraient logiquement être des alliés, s'affrontent sur la place publique pour ce qui semble être bien plus une pure question de principe qu'un souci réel de préjudice.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

novembre 01, 2008

L’enregistrement d’une marque de commerce au Canada connue préalablement à l’extérieur du Canada

L’arrêt Bojangles' International, LLC c. Bojangles Café Ltd., [2006] A.C.F. no 843 soulève la question de l’enregistrement d’une marque de commerce au Canada connue préalablement à l’extérieur du Canada. Précisons les faits : Bojangles' International, LLC et Bojangles Restaurants exploitent des installations de restauration aux États-Unis, entre autres, mais pas au Canada. Bojangles Café exploite deux cafés en Colombie-Britannique, au Canada, où les gens peuvent se procurer mets préparés et produits de boulangerie En 1998, Bojangles Café a demandé l'enregistrement de la marque de commerce Bojangles Café sur le fondement de l'emploi et de l'emploi projeté de la marque en liaison avec des services d'exploitation de restaurant. Bojangles' International, LLC et Bojangles' Restaurants,Inc (ci-après appelées Bojangles U.S.) exploitent une chaîne de restaurants aux États-Unis sous le nom commercial "Bojangles". Elles ont formé une opposition à la demande d’enregistrement. Cette dernière a été rejetée par la Commission des oppositions des marques de commerce le 9 juin 2004 (40 C.P.R. (4th) 553). Bojangles U.S. ont interjeté appel devant la Cour fédérale sous le régime du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 qui permet l’appel de toute décision rendue par le registraire à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision.

La question spécifique au coeur de l’appel consiste à savoir si le Bureau a erré en droit en décidant que la marque de Bojangles’ International et Bojangles Restaurants devait être « [traduction] très bien connue au moins à un endroit au Canada ou largement connue au Canada » afin de neutraliser le caractère distinctif de la marque de Café.

Bojangles Restaurants a soumis divers éléments de preuve tels le nombre de visites de leur site Web par des canadiens, la présence de sa marque dans des publicités se trouvant dans des magasines distribués au Canada, des photographies de panneaux publicitaires sur des axes routiers situés aux États-Unis mais empruntés par des touristes canadiens ainsi que des affidavits et un sondage destinés à démontrer la réputation de la marque Bojangles de Bojangles Restaurants au Canada. Après examen de la preuve, la Cour fédérale a conclu que cette preuve n’était pas adéquate pour établir que la réputation de la marque Bojangles de Bojangles Restaurants était « suffisante » pour neutraliser le caractère distinctif de la marque de la Bojangles Café et a donc rejeté l’appel. Bojangles Restaurants a à nouveau porté cette décision en appel en Cour d’appel fédérale.

Le Tribunal a jugé que Bojangles’ International et Bojangles Restaurants n’avaient pas rencontré leur fardeau d’établir que la réputation de leur marque neutralisait le caractère distinctif inhérent de la marque de Café. En effet, pour établir une certaine réputation au Canada par suite de l'emploi d'une marque dans un autre pays, il faut que la preuve indique clairement que la marque est connue au moins jusqu'à un certain point, à savoir que la réputation de la marque au Canada est importante, suffisante ou significative. Or, soulève le Tribunal, la preuve fournie à la Commission n'était pas importante, suffisante ou significative.

Quant au caractère distinctif de la marque, le Tribunal mentionne qu'une marque de commerce soit considérée comme distinctive, si les trois conditions suivantes sont être réunies :

- la marque doit être reliée à un produit (ou marchandise);
- le propriétaire doit utiliser ce lien entre la marque et son produit;
- ce lien permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui d'autres fabricants.

Bien que la marque de commerce de Bojangles Café soit distinctive, Bojangles Restaurants
n'a pas réussi à établir que la réputation de leur marque annule le caractère distinctif inhérent de la marque de Bojangles Café.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

octobre 02, 2008

Félicitations à Dominic Jaar!

Un de mes collègues de la blogosphère, Me Dominic Jaar, fait l'objet d'une couverture médiatique dans La Presse. Un hommage fort mérité pour cet avocat fort impliqué dans la communauté juridique et fort dévoué auprès de ses futurs confrères et consoeurs, en l'occurence, les étudiants en droit.

Je lui souhaite énormément de succès pour son nouveau projet Ledjit !

Félicitations Dominic!

Mise à jour 11/10/08

Dans la catégorie «Les leaders de demain» du Gala annuel de l'AJBM, Me Dominic Jaar a remporté le prix d’avocat de l'année, dans la catégorie contentieux avec Me Marie Élaine Farley, de la Chambre de la Sécurité Financière.

octobre 01, 2008

Marque de commerce: Le Registraire peut exiger une preuve d’emploi

En vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, , L.R.C. 1985, ch. T-13, le Registraire peut au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis. De plus, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l’égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l’enregistrement, soit à l’égard de l’une de ces marchandises ou de l’un de ces services, n’a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l’avis et que le défaut d’emploi n’a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation. C’est ce qui est arrivé dans l’arrêt Flanders Filters Inc. c. Trade Mark Reflections Ltd., 2006 CF 145

Situons en premier lieu les faits : Flanders Filters, Inc. est la propriétaire inscrite de la marque de commerce Airpure, enregistrée à l'égard de filtres à air à haut rendement pour emploi industriel et commercial Le 30 octobre 2002, à la demande de Trade Mark Reflections Ltd, le registraire des marques de commerce a donné à Flanders un avis lui enjoignant de fournir un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant si la marque de commerce avait été employée au Canada en liaison avec de tels filtres à air à un moment quelconque de la période se terminant le 30 octobre 2002, conformément à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce.

En réponse, Flanders a déposé la déclaration solennelle de son président. Les deux parties ont soumis un plaidoyer écrit au registraire. Après examen de la déclaration solennelle du président de Flanders et des plaidoyers écrits des parties, le registraire a ordonné la radiation de la marque de commerce en application du paragraphe 45(5) de la Loi. Sa décision reposait sur deux motifs. Premièrement, l'emploi de la marque de commerce établi par la preuve n'était pas un emploi par Flanders ni un emploi dont Flanders pouvait se prévaloir en vertu de l'article 50 de la Loi. Selon le registraire, il n'avait pas été démontré que Flanders contrôlait, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises vendues ou fabriquées par les titulaires de licence, et il n'avait pas été prouvé non plus qu'un avis public avait été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi de la marque de commerce faisait l'objet d'une licence,. Deuxièmement, la preuve n'établissait pas qu'au moment du transfert des marchandises, la marque de commerce était associée à des filtres à air à haut rendement pour emploi industriel et commercial.

Flanders a interjeté appel de cette décision et a présenté de nouveaux éléments de preuve en appel, et a déposé une nouvelle preuve, plus spécifiquement la déclaration statutaire du Vice-président des opérations d’une compagnie liée, Flanders Corporation. La déclaration explique que Flanders est une filiale à part entière de Flanders Corporation. Elle explique également que Précisionnaire Inc., une autre filiale à part entière de Flanders Corporation, était autorisée par Flanders à fabriquer des filtres à air sous la marque Airpure.

La Cour conclut que l’ensemble de la preuve établit que, durant la période en question, au moins 100 000 filtres à air à haute efficacité portant la marque Airpure ont été vendus au Canada. Plus précisément, la Cour a conclut par l’ensemble de la preuve que du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002, au moins 100 000 filtres à air à haut rendement pour emploi industriel et commercial, fabriqués par Precisionaire, Inc. sur autorisation de Flanders, ont été vendus au Canada et que l'emballage de chaque filtre portait une étiquette sur laquelle figurait la marque de commerce Airpure et le nom du propriétaire inscrit de la marque, présenté comme le fabricant. Les filtres eux-mêmes portaient soit la marque soit une étiquette où figurait la marque. L’appel a donc été accueilli

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

septembre 01, 2008

L’enregistrement de la marque de commerce, le caractère distinctif de la marque et le Registraire

L’arrêt Minolta-QMS, Inc. c. Cheng-Lang Tsai, 2006 CF 1249 permet de comprendre qu’il est possible de se pourvoir d’une décision du registraire des marques de commerces. Situons le contexte. Minolta-QMS, Inc. est le fabricant et détaillant des imprimantes laser couleur vendues sous la marque nominative Magicolor. Il vend également des "consommables" d'imprimantes, destinés à être utilisés avec ses imprimantes Magicolor, dont des cartouches d'imprimantes, des cartouches de rechange pour les imprimantes, des tambours d'impression, des tables pour imprimantes et des produits de nettoyage d'imprimantes. Or, Magicolor n'est pas une marque de commerce déposée.

Le 19 mai 2000, Cheng-Lang Tsai a déposé une demande devant le bureau canadien des marques de commerce en vue de faire enregistrer la marque de commerce Magicolor en liaison avec des "fils et câbles électriques, nommément des fils, câbles et cordons électriques blindés, non blindés et isolés". À l’appui de sa demande, M. Tsai affirme être le président de HUNG Hsang Wire MFG. Co. Ltd, une société située à Taiwan fabriquant et vendant notamment des câbles réseaux. Incluant des produits vendus sous la marque Magicolor fait notamment mention des câbles USB Magicolor.

La demande de M. Tsai a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 28 novembre 2001. Le 29 avril 2002, Minolta a déposé une déclaration d'opposition dans laquelle elle invoque cinq motifs d'opposition distincts, notamment M. Tsai n'avait pas démontré avoir l'intention d'employer la marque Magicolor au Canada. Le 14 juin 2002, M. Tsai a déposé une contre-déclaration. la Commission a conclu que la plupart des éléments de preuve déposés par Minolta étaient inadmissibles à titre de contre-preuve parce qu'ils ne pouvaient servir de réponse à la preuve présentée par M. Tsai. Parce qu'ils ne constituaient pas une contre-preuve appropriée, la Commission a déclaré la plupart des éléments de preuve que contenaient les affidavits de M. Taiko, vice-président de Strategic Planning et le vice-président intérimaire Marketing chez Konica Minolta Printing Solutions U.S.A., Inc, inadmissibles. Un examen de la preuve admissible a amené la Commission à conclure que l'emploi de la marque par HHW, un tiers sous le contrôle de M. Tsai, suffisait à établir que ce dernier avait l'intention d'utiliser la marque Magicolor au Canada.

Or, il est possible de porter en appel toute décision rendue par le registraire à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision, en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce. Minolta a produit une preuve additionnelle dans le cadre de l'appel consistant en un affidavit de Donald Tao An Hsieh, vice-président à la commercialisation, chez Konica Minolta Printing Solutions U.S.A., Inc, auquel sont annexées plusieurs pièces. . Hsieh a produit des éléments de preuve concernant la date à laquelle Minolta a pour la première fois utilisé la marque Magicolor au Canada en liaison avec des imprimantes couleur et concernant l'époque où la marque a pour la première fois été révélée au pays. Cette nouvelle preuve comprend des annonces parues dans diverses revues et des chiffres relatifs à leur diffusion, qui démontrent dans quelle mesure la marque Magicolor de Minolta a été révélée au Canada. L'affidavit établit également que des ventes ont été réalisées par Internet et comprend des renseignements concernant les ventes d'imprimantes Magicolor réalisées au Canada et partout ailleurs dans le monde entre 1995 et 2005.

La Cour fédérale a déclaré que la preuve additionnelle était significative et qu’elle aurait influencé la décision du Registraire. Cette preuve démontre qu’il y a eu des ventes significatives au Canada d’imprimantes Magicolor de Minolta depuis au moins 1995. Le Tribunal conclut à la probabilité de confusion entre les marques.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

août 01, 2008

La confusion inversée de la marque de commerce

Les services alimentaires A & W du Canada Inc. ont intenté une action contre les Restaurants McDonald du Canada Limitée pour violation d’une marque de commerce et dépréciation de l’achalandage découlant de l’utilisation par McDonald de la marque de commerce déposée "Chicken Grill", dans l’arrêt A & W Food Services of Canada Inc. c. McDonald’s Restaurants of Canada Limited, 2005 CF 406

En premier lieu, un survol historique s’impose. McDonald’s Restaurants of Canada Limited est arrivée au Canada en 1967 avec l’ouverture de son premier restaurant au Canada en 1967, à Richmond (C.-B.). Peu à peu, A&W a réagi à la concurrence de McDonald et d'autres chaînes en concentrant ses activités dans l'Ouest canadien, en ouvrant des restaurants dans les centres commerciaux, en fermant peu à peu ses restaurants avec service à l'auto et en vendant sa racinette dans les épiceries. À l'heure où la cause a été entendue, A&W était la deuxième chaîne de restaurants en importance au Canada compte tenu du nombre de restaurants et la troisième chaîne pour les ventes . McDonald est la première entreprise dans les deux catégories. A & W est la deuxième chaîne de restaurants basée sur le nombre de restaurants et la troisième basée sur les ventes.

A&W a été fondée en Californie, en 1919, par MM. Allen et Wright. À cette époque, il s'agissait d'un casse-croûte avec service à l'auto qui vendait de la racinette. La société s'est installée au Canada, en 1956, à Winnipeg. Au Canada, A&W ressemblait davantage à un restaurant qu'aux États-Unis et on y offrait plus de mets, notamment des hamburgers et des hot-dogs. En règle générale, ces restaurants offraient un "service à l'auto", c'est-à-dire que la clientèle pouvait demeurer dans sa voiture et y être servie. La société Unilever Ltd. a acheté les restaurants canadiens d'A&W en 1972, ce qui a rompu tout lien avec la société américaine. En 1995, Unilever a vendu la société aux cadres de l'entreprise. Aujourd'hui, presque tous les restaurants A&W sont des franchises.

Depuis 1987, A & W vend un sandwich au poulet grillé appelé "Chicken Grill", pour lequel elle a enregistré une marque de commerce en 1988. Depuis 2001, McDonald vend un sandwich au poulet grillé appelé «Chicken McGrill». A & W allègue que McDonald a contrefait sa marque de commerce, utilisé une marque qui crée de la confusion et tenté de bénéficier de son achalandage sur le marché. En retour, McDonald allègue que la marque de commerce de A & W est invalide car elle n’est pas distinctive.

Dans une cause typique de confusion de marques de commerce, le demandeur allègue que la marque de commerce du défendeur peut provoquer de la confusion auprès des consommateurs qui pensent que les produits du défendeur sont des produits qui proviennent du demandeur. Ce type de confusion est qualifiée de « confusion directe ». Toutefois, dans un cas de confusion inversée, la marque de commerce de la défenderesse incite plutôt les clients à croire que les marchandises de la demanderesse, en l’occurrence A&W proviennent de la défenderesse, McDonald



Le concept de la confusion inversée est fréquent aux Etats-Unis, mais moins fréquent au Canada. La Cour s’est alors penché sur la question de savoir si l'utilisation, par McDonald, de la marque de commerce "Chicken McGrill" porte-t-elle atteinte au droit exclusif à l'emploi, par A&W, de sa marque de commerce "Chicken Grill", selon l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13.
Les propriétaires de marques de commerce ont le droit exclusif à l'emploi de celles-ci dans tout le Canada en ce qui concerne les marchandises ou services visés sauf si l'invalidité de la marque est démontrée, tel que prévu à l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce. En principe, A&W a le droit exclusif à l'emploi de la marque de commerce déposée "Chicken Grill" lorsqu'il s'agit d'un sandwich au poulet grillé, à moins que McDonald puisse établir que la marque de commerce d'A&W n'est pas distinctive. A&W prétend que l'emploi, par McDonald, de "Chicken McGrill" relativement à un sandwich au poulet grillé contrefait sa marque de commerce au motif que la marque de McDonald est presque identique; d'ailleurs, elle englobe totalement la marque d'A&W. Pour sa part, McDonald prétend qu'A&W n'a que le droit exclusif à l'emploi de "Chicken Grill"; elle n'a pas le droit d'empêcher McDonald d'employer "Chicken McGrill" puisqu'il ne s'agit manifestement pas de la même marque. Suivant le droit canadien actuel, la Cour mentionne que l'emploi, par McDonald, de "Chicken McGrill" ne constitue pas une contrefaçon de la marque de commerce "Chicken Grill" d'A&W. La question principale qui se pose est celle de la confusion.

Après avoir passé en revue la jurisprudence américaine concernant la « confusion inversée », la Cour a jugé que le critère d’évaluation de la confusion directe, soit le principe de « forward » ou « direct confusion », était appliqué, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de critère spécial à appliquer à la confusion inversée. Les tribunaux américains étaient d’avis que le risque de confusion demeure la question centrale dans les causes de confusion directe et de confusion inversée et que le « sens » de la confusion n’a pas de véritable pertinence, vu son importance secondaire.

La Cour était d’avis que dans le contexte canadien, la portée de la Loi sur les marques de commerce était suffisante pour couvrir les cas de confusion directe et de confusion inversée. À la suite de son appréciation des faits, la Cour a toutefois noté qu’il n’existait aucune confusion entre les marques et qu’il n’y avait pas de dépréciation de l’achalandage.

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juillet 01, 2008

La confusion de la marque de commerce et le consommateur moyen

En 1999, Alticor et son distributeur exclusif, Quixtar Canada Corporation a intenté des procédures pour contrefaçon de marque de commerce et commercialisation trompeuse. Plus précisément, Nutrilite est une marque de commerce déposée appartenant à Alticor pour emploi en liaison avec sa gamme de compléments alimentaires vitaminiques et minéraux. Quixtar est le distributeur exclusif des produits Nutrilite au Canada. Elle applique dans ses activités de distribution un programme de commercialisation à paliers multiples, c'est-à-dire que, à quelques rares exceptions près, elle vend les produits d'Alticor directement aux consommateurs par le truchement de courtiers désignés "propriétaires de commerce indépendants". Ceux-ci ne sont pas offerts en magasins.

Nutravite est une marque de commerce non déposée qu'emploie Nutravite Pharmaceuticals en liaison avec ses produits à base de vitamines, de minéraux et d'herbes. Les produits Nutravite sont vendus exclusivement dans des magasins de détail de l'Alberta, du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, tels que ceux des chaînes Shoppers Drug Mart, Pharmaplus, Wal-Mart et Giant Tiger. Nutravite Pharmaceuticals n'a pas recours à une structure de distribution telle que celle de Quixtar, fondée sur le courtage. Alticor, invoquant le risque de confusion avec sa marque de commerce déposée Nutrilite, a formé opposition en 1998 à l'enregistrement de la marque de commerce Nutravite devant la Commission des oppositions des marques de commerce, qui lui a donné gain de cause.

En appel, la Cour a confirmé la décision de la juge de première concluant que la date pertinente pour établir s'il y avait eu contrefaçon de la marque de commerce déposée en question était la date de l'audience. Une des raisons invoquées pour appuyer la position selon laquelle la date pertinente doit normalement être la date de l'audience est que la Cour peut ainsi disposer de tous les éléments de preuve pertinents relatifs aux circonstances de l'espèce susceptibles de devenir accessibles entre le moment du premier emploi et celui de l'audience faisant ainsi référence à la jurisprudence antérieure.

Concernant la probabilité de confusion, le facteur le plus important à considérer est la nature du commerce. Considérant la présence d’un préfixe fréquemment utilisé, Nutri, et la coexistence des deux marques sur une période de plus de 10 ans sans confusion, les demanderesses ne se sont pas déchargées de leur fardeau de prouver la probabilité de confusion, se basant sur le modèle du consommateur moyen n'ayant qu'un souvenir vague ou imparfait de la marque de commerce Nutrilite, placé devant un produit Nutravite, ne conclurait pas que le produit Nutravite est lié aux produits de marque Nutrilite

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juin 01, 2008

La contrefaçon et son intention : l’affaire Tommy Hilfiger Licensing, Inc.

Situons en premier lieu le contexte. En 1994, International Clothiers a acheté des chemises destinées à l’origine à Wal-Mart. Ces chemises comportaient un écusson identique à un écusson bien connu de Tommy Hilfiger, ce dernier ayant fait l’objet d’une marque de commerce. Elles comportaient aussi des étiquettes affichant la marque de commerce Ash Creek, marque bien connue appartenant à Wal-Mart. International Clothiers a fait enlever les étiquettes Ash Creek et les a fait remplacer par les siennes, Garage U.S.A. Or, les écussons ont été laissés sur les chemises, vendues de février à septembre 1995. Cependant, après septembre 1995, International Clothiers a continué à vendre des chemises comportant des écussons similaires, mais non identiques, aux écussons de Tommy Hilfiger

Tommy Hilfiger Licensing reproche à International Clothiers d'avoir fait passer ses marchandises pour les leurs et d'avoir contrefait deux de leurs marques de commerce déposées, toutes deux à l'égard du même Crest Design, soit le dessin d'écusson, mais chacune relativement à différentes marchandises et à différents articles de vêtement. Tommy Hilfiger Licensing lui reproche également d'avoir porté atteinte à son droit d'auteur enregistré à l'égard du même dessin d'écusson. Or, International Clothiers Inc. nie toute contrefaçon des marques de commerce. Elle allègue de plus que les enregistrements sont invalides. Elle plaide que les blasons appliqués aux vêtements qu’elle a vendus n’ont pas été utilisés dans le but de distinguer ses marchandises de celles d’autres compagnies mais qu’il s’agissait simplement d’éléments décoratifs.

En première instance, le juge a déclaré que International Clothiers Inc a porté atteinte au droit d’auteur de Tommy Hilfiger dans le dessin d’écusson et a fait passer ses marchandises pour celles de Tommy Hilfiger. Cependant, le juge a rejeté l’allégation de violation de marque de commerce, puisque rien ne prouvait que les écussons avaient été employés sur les vêtements vendus par International Clothiers pour les « distinguer » des marchandises des autres.

Cependant, devant la question en litige visant à déterminer si International Clothiers Inc emploie son dessin d'écusson "pour distinguer" ses chemises et ensembles shorts pour garçons ou "de façon à distinguer" ces marchandises de celles des autres, la Cour d’appel fédérale a conclu que rien n’exigeait la preuve d’une telle intention de la part du contrevenant. La preuve a indiqué que International Clothiers connaissait la pratique consistant à apposer un écusson ou un logo sur un
vêtement, sans nom de marque, pour en indiquer l’origine. En l’espèce, et à la lumière de la conclusion du juge de première instance selon laquelle l’allégation de commercialisation trompeuse de marchandises était étayée par la preuve du risque de confusion chez les consommateurs, la Cour d’appel fédérale a estimé qu’il importait peu qu’ International Clothiers ait réellement eu ou non l’intention d’employer l’écusson dans le but d’indiquer l’origine des marchandises puisque le dessin, en fait, jouait ce rôle

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mai 01, 2008

L’utilisation de la marque de commerce

L’arrêt Tint King of California Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2006 CF 1440 a apporté des précisions concernant la preuve d’emploi de la marque de commerce.

La marque de commerce Tint King a été enregistrée le 21 avril 1989 par le seul dirigeant et administrateur de la compagnie Tint King of California Inc, Allen Elliot Starkman, en relation avec des accessoires d’automobiles, comprenant du matériel servant à teinter des glaces et en liaison avec des services automobiles, dont la teinte des glaces, la location, l’entretien, la réparation et le nettoyage.

La marque a été radiée par le registraire suite à un avis transmis en vertu de l’article 45 de Loi sur les marques de commerce, auquel la compagnie n’a pas donné suite. Tint King en appelle de la décision. L’article 45 précise que « le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, […] donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date »

La question en litige opposant les parties est la suivante : La compagnie Tint King of California Inc a-t-elle présenté une preuve acceptable d'emploi qui satisfait aux exigences de l'article 45 de la Loi?

La preuve présentée par Tint King consiste en un affidavit présenté par Penney Dawn Starkman, la veuve d’Allan Starkman. Elle y explique que son conjoint est décédé d’un cancer au terme d’une longue maladie et qu’elle n’a pas pris connaissance de la correspondance d’affaires adressée à la compagnie. En effet, M. Starkman est mort du cancer en décembre 2004 au terme d'une longue maladie, et au cours de la période de deuil suivant le décès de son mari, Mme Starkman n'avait pas lu la correspondance d'affaires adressée à la demanderesse, de sorte qu'elle n'a pris connaissance qu'en novembre 2005 de la lettre du 20 octobre 2005 dans laquelle le registraire avisait M. Starkman de la radiation de la marque. La veuve de M. Starkman n'a pas réussi à retrouver la lettre précédente, qui était datée du 14 juin 2005 et qui donnait à M. Starkman le préavis de trois mois exigé.

Or dans son analyse, la Cour fédérale rappelle en premier lieu, tel que souligné dans l’arrêt Swabey Ogilvy Renault c. Vêtements Golden Brand Ltée, (2002), 19 C.P.R. (4th) 516, 2002 CFPI 458 que « l'article 45 constitue une procédure sommaire destinée à débarrasser le registre des marques de commerce des marques tombées en désuétude et qui constituent, du moins peut-on le prétendre en quelque sorte, du "bois mort" ». De plus, selon la jurisprudence , l’affidavit déposé à l’appui d’un appel fondé sur l’article 56 peut être souscrit par un tiers. En conséquence, bien que Madame Starkman ne figure pas comme administratrice de la compagnie, elle peut, en tant qu’exécutrice testamentaire de son conjoint, déposer l’affidavit requis.

La preuve d’emploi de la marque consiste en trois factures de vente, une facture en blanc et trois annonces publicitaires. Sur cette question, le tribunal La mention d'une marque de commerce sur une facture peut ou non être considérée comme un emploi en liaison avec les marchandises décrites dans cette facture. La principale considération est celle de savoir si la marque de commerce est employée comme marque de commerce pour décrire les marchandises énumérées dans la facture donnant ainsi à la personne à qui sont transférées les marchandises un avis suffisant de cet emploi. La jurisprudence semble quelque peu flottante à cet égard. La plupart du temps, la question sera tranchée en fonction de l’endroit où la marque est inscrite. Si celle-ci apparaît dans la partie supérieure de la facture mais non dans le corps de la facture, elle sera la plupart du temps considérée comme étant une appellation commerciale reliée au distributeur. Dans ce dernier cas, la marque pourra être réputée utilisée en liaison avec des services mais non avec des marchandises. En effet, une telle indication ne démontre pas que la marque était employée en liaison avec des marchandises au moment de leur transfert dans la pratique courante du commerce.

Dans cet arrêt, la considération principale semble être, dans le cas des factures, de savoir si les marchandises elles-mêmes sont associées à la marque de commerce ou si la marque de commerce qui figure sur la facture semble être associée au distributeur, auquel cas elle constitue plutôt la preuve d'un emploi en liaison avec des services.

Dans le cas des factures soumises par la compagnie Tint King, la marque Tint King se trouve dans la partie supérieure de la facture, juste en-dessous de l’adresse du titulaire de la marque. Le tribunal considère que la compagnie a prouvé l’emploi de la marque en relation avec des services mais qu’elle n’a pas prouvé l’emploi de la marque en relation avec les marchandises désignées à l’enregistrement.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

avril 01, 2008

La confusion des marques notoires

Après 14 ans de préparation de l'instruction par les parties et huit semaines d'instruction réparties sur une année, après le dépôt de plus de 6 000 pièces, de 200 classeurs, de douzaines de brochures et de dizaines d'échantillons d'accessoires comme des valises, des porte-documents, des sacs à dos, des chaînettes porte-clés, des pochettes de documents pour voiture, des chaînettes pour porte-clés et des automobiles jouets, la Cour fédérale, dans l’arrêt Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars Ltd. 2006 CF 21, s’est montrée disposée à conclure l’existence d’une confusion avec des marques notoires, et ce, malgré le fait que les marchandises soient apparemment différentes des parties.


L’affaire opposait Remo Imports Ltd, partie demanderesse, une compagnie fondée en 1973 par Moise Bassal, à Jaguar Cars Limited et Ford du Canada Ltée, parties défenderesses. Le Tribunal a été appelé à trancher la question de savoir qui avait droit à la marque Jaguar, pour quels produits et pour quelle période.

Situons tout d’abord les faits : M. Bassal né à Beyrouth au Liban en 1947, obtient un diplôme d’enseignement à Paris, après avoir obtenu son baccalauréat à l’Université de Beyrouth. Arrivé à Montréal en 1967, il occupe un poste d’enseignant durant 4 ans. Durant cette période, il importe du Liban des sacs à mains en cuir pour les revendre au Canada. Il quittera finalement l’enseignement pour se consacrer entièrement à son entreprise.

Lors d’un voyage en Italie en 1979 où il visite un ami, propriétaire de la compagnie Jaguar S.R.L., (cette dernière vend des bagages en Italie et en Europe sous la marque de commerce Jaguar), M. Bassal obtient alors l’accord de son ami pour utiliser la marque Jaguar sur ses produits distribués au Canada, il visite un ami, propriétaire de la compagnie Jaguar S.R.L., distribués au Canada..

De retour au Canada, M. Bassal fait effectuer une recherche de disponibilité et, en 1981, il obtient l’enregistrement de la marque de commerce Jaguar pour des fourre-tout et des articles de bagages. L’enregistrement est alors étendu à des sacs à mains et des sacs d’école. Les articles vendus par Remo se retrouvent principalement dans les magasins à rayons et les détaillants tels que Zellers, K-Mart, Bentley et Tigre Géant.

En 1991, Remo intente des procédures contre Automobiles Jaguar pour contrefaçon de sa marque de commerce et pour commercialisation trompeuse. Ce dernier s’objecte à la vente par Automobiles Jaguar de certains accessoires comprenant notamment portefeuille, porte-cartes et porte-clefs.

La Cour fédérale du Canada a jugé que la preuve établissait la confusion et la dépréciation de l’achalandage de la marque Jaguar. Le tribunal a indiqué qu’il y avait un « prolongement naturel de la marque, des voitures de luxe aux valises » et a identifié les facteurs suivants comme étant pertinents :
un chevauchement de la fonction et de l’emploi concurrent des marchandises Jaguar des parties, une pratique industrielle dans le monde établissant que d’autres marques automobiles ont fait leur entrée dans le monde des bagages;
qu’il y avait une entrée effective de Jaguar Cars dans le monde des bagages et que ceci avait été son intention pendant de nombreuses années avant l’adoption, par Remo de la marque Jaguar;
et qu’il y avait un lien dans les attributs de la marque telle que perçu par les consommateurs

La preuve a révèlé que les automobiles étaient vendues au Canada sous la marque Jaguar depuis 1936 et que les Automobiles Jaguar vendaient également des accessoires personnels sous la marque Jaguar ainsi que sous les marques figuratives s’y rapportant depuis les années 50.

Le Tribunal a analysé les sondages mis en preuve par les parties, leur admissibilité selon les critères jurisprudentiels et leur validité selon les témoignages des experts, pour arriver à la conclusion que Automobiles Jaguar possède depuis longtemps une relation avec des accessoires personnels. Il est en ressorti de l’analyse que Jaguar est une marque notoire au Canada associée à des produits de luxe de très haute qualité. Dès 1980, la marque Jaguar était utilisée au Canada depuis 44 ans. Elle était également déposée dans 95 pays. Elle générait des ventes de plusieurs millions de dollars au Canada et faisait l’objet de publicité substantielle et de livres et articles indépendants.

Le Tribunal s’est penché ensuite sur la protection accrue accordée aux marques notoires et passe en revue la jurisprudence s’y rapportant. Il note que l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13, qui stipule que « nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce » s’applique lorsqu’un nouveau venu utilise une marque bien connue dans un champ d’activités non-concurrent ou pour des produits pour lesquels la marque n’est pas déposée.

Le Tribunal a souligné qu’il n’était pas nécessaire qu’il y ait confusion au niveau des produits, ni concurrence directe. On devait plutôt considérer la réputation générale de l’utilisateur senior. Celui-ci ne perd pas de ventes mais le caractère unique et distinctif de sa marque est affecté.

Le Tribunal a conclu que les marques de Remo sont invalides et devaient être radiées. Il lui est interdit de vendre des produits de consommation portant l’une des marques Jaguar.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique.

mars 04, 2008

Legal.TI: la conférence nationale sur les TI pour le droit

Mon collègue de la blogosphère, Me Dominic Jaar, récidive pour la 2e année, avec son inconcournable Legal.TI: la conférence nationale sur les TI pour le droit le 21 avril 2008, au Centre Mont-Royal. Cette conférence est une journée de réflexion sur la rencontre des mondes juridique et des technologies de l'information (TI) et parlera notamment de l’utilisation des technologies dans un contexte de droit transfrontalier, des contrats électroniques dans la nouvelle Loi sur la protection du consommateur ainsi que d'autres sujets susceptibles d'intéresser les lecteurs de La pub et le droit.


Je vous invite à prendre connaissance du programme, des conférenciers invités et de vous inscrire le plus rapidement possible. Si je me fie au succès remporté l'an passé, les places disponibles risquent de s'envoler assez rapidement.

mars 01, 2008

Le rôle de la Commissaire de la concurrence

Le 1er février 2007, Labatt Brewing Company, l’un des plus importants brasseurs du Canada, a annoncé son projet d’acquisition de Lakeport Brewing, un brasseur de bières à rabais,. Les parties avaient prévu de conclure leur opération le 29 mars 2007, soit plus de six semaines après avoir fait leurs dépôts antérieurs au fusionnement. La commissaire de la concurrence a demandé une ordonnance provisoire auprès du Tribunal de la concurrence, en vertu de l’article 100 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34 demandant un report de 30 jours de la clôture parce que les employés du Bureau de la concurrence n’avaient pas encore terminé leur examen, préservant les mesures correctives et permettant ainsi aux porteurs de parts de Lakeport d’être payés rapidement.

Afin que le Tribunal puisse prononcer une telle ordonnance, trois exigences doivent être auparavant remplies :
i) la commissaire doit attester qu’une enquête est en cours;
ii) de l’avis de la commissaire, des délais supplémentaires sont nécessaires pour mener à bien l’enquête et
iii) si l’ordonnance n’est pas accordée, une action sera vraisemblablement prise, laquelle nuirait de façon importante à la capacité du Tribunal de corriger l’effet du projet de fusionnement sur la concurrence parce que cette action serait difficile à annuler

Le Tribunal devait déterminer si toute diminution sensible de la concurrence éventuelle constatée après la clôture était susceptible d’être corrigée par une ordonnance de dissolution ou de dessaisissement. Le Tribunal a rejeté la demande de la commissaire au motif qu’elle a été incapable de faire valoir que la capacité du Tribunal de corriger l’effet du projet de fusionnement sur la concurrence serait largement réduite au moment de la clôture de l’opération. Concernant la question de la diminution sensible de la capacité du Tribunal, le Tribunal a fait remarquer que la compétence du Tribunal en matière de mesures de redressement consiste à « rétablir la concurrence de façon qu’il ne soit plus possible de dire qu’elle est sensiblement inférieure à ce qu’elle était avant le fusionnement » et non pas à rétablir la concurrence avant la fusion, soit la norme utilisée dans le droit de la concurrence américain.

De plus, la commissaire doit plutôt montrer que la réduction de la capacité du Tribunal à effectuer une mesure de redressement est sensible. Finalement, le Tribunal a conclu que le fusionnement doit être évalué en vertu de l’article 100(1)(a), plus précisément que le Tribunal « conclut qu’une personne, partie ou non au fusionnement proposé, posera vraisemblablement, en l’absence d’une ordonnance provisoire, des gestes qui, parce qu’ils seraient alors difficiles à contrer, auraient pour effet de réduire sensiblement l’aptitude du Tribunal à remédier à l’influence du fusionnement proposé sur la concurrence »

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

février 01, 2008

Le principe de distribution sélective de produits de marque au Canada

Le 23 mars 2007, le Tribunal de la concurrence a rendu une décision relative à la vente des marchandises de marque aux grands magasins et a précisé le principe de distribution sélective de produits de marque au Canada dans l’arrêt Sears Canada Inc. c. Parfums Christian Dior Canada Inc., Parfums Givenchy Canada ltd., 2007 Comp. Trib. 6, Tribunal de la concurrence, CT-2007-001, 14 mars 2007

Situons tout d’abord le contexte. Sears Canada Inc. est un grand magasin qui a vendu des parfums, des produits de beauté et de soins de la peau de marques Dior et Givenchy depuis 1993. Ces produits se font concurrence dans une catégorie qu’on appelle les parfums et les produits de beauté de luxe, qui comprend 15 à 20 marques vendues par Sears. En janvier 2007, Dior et Givenchy ont informé Sears qu’ils ne feraient plus affaire avec elle et qu’ils cesseraient de l’approvisionner en produits d’ici la fin de mars 2007, mettant un terme à leur relation d’affaires.

En réponse, Sears Canada a adressé le 23 février 2007, une requête en autorisation au Tribunal de la concurrence fondée sur l’article 13.1 de la Loi sur la concurrence pour présenter une demande (artcile 75 de la Loi, pour obtenir une ordonnance exigeant que les Parfums Givenchy Canada et les Parfums Christian Dior Canada continuent leur relation d’affaires, soit fournir les produits Dior et Givenchy à Sears. Précisons ici que l’article 103.1(7) énonce les critères à remplir pour obtenir cette permission. Le Tribunal doit avoir des motifs de croire que la demande de permission est soutenue par des preuves suffisantes pour croire de bonne foi que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise ou qu’il est empêché de faire affaire par le refus, et que la pratique en question pourrait faire l’objet d’une ordonnance du Tribunal.

Pour avoir gain de cause, Sears devait prouver que son entreprise était directement et sensiblement gênée par l’incapacité de se procurer des produits Dior et Givenchy en quantité suffisante aux conditions de commerce normales. Pour déterminer l’incidence de l’interruption sur Sears, le Tribunal a décidé qu’il fallait examiner l’ensemble de l’entreprise de Sears à titre de grand magasin de vente au détail, et non seulement son chiffre d’affaires à l’égard des produits Dior et Givenchy.

Le Tribunal a jugé que Sears serait directement touchée par le refus d’approvisionnement. Cependant il a conclu que l’incidence sur l’ensemble de l’entreprise de Sears ne serait pas importante. Le Tribunal a indiqué que Sears est un magasin à rayons. En évaluant si Sears avait été sensiblement touchée, le Tribunal s’est penché sur les 16 millions de dollars de revenus directs provenant de la vente de produits Dior et Givenchy qui seraient perdus, ainsi que sur divers autres facteurs. Le Tribunal a conclu que la perte de revenus ne serait pas importante comparativement à l’ensemble du chiffre d’affaires de Sears, d’environ 6 milliards de dollars, et que les préjudices potentiels provenant d’autres facteurs seraient soit légers ou tout simplement spéculatifs. En effet, le chiffre d’affaires de 16M$ provenant de la vente des produits Dior et Givenchy est faible par rapport à son chiffre d’affaires total de 6B$. Le Tribunal a noté que ce chiffre ne tenait pas compte du fait que certains clients se tourneraient vers d’autres marques de parfums et de produits de beauté vendues par Sears et que, par conséquent, ce montant était [traduction libre] « insignifiant si l’on considère l’entreprise de Sears dans son ensemble estimée à 6 milliards de dollars.

De plus, concernant les pertes de ventes de 14 millions de dollars canadiens (inter-segment), le Tribunal a rejeté ce chiffre puisqu’il n’y avait aucune preuve à l’égard de la partie des ventes faites par Sears qui était attribuable aux clients qui venaient avant tout chez Sears pour acheter un produit Dior ou Givenchy et qui ensuite achetaient d’autres produits. Ici aussi le Tribunal a soutenu que [traduction libre] « quel que soit ce chiffre, même combiné aux pertes de ventes, il n’est pas important si l’on considère l’entreprise de Sears dans son ensemble ». Et finalement, le coût élevé associé au retrait et au remplacement des présentoirs Dior et Givenchy, s’élevait à 600 000 $. Le Tribunal a souligné que Givenchy et Dior s’étaient engagés à couvrir les coûts raisonnables associés au retrait de leurs présentoirs Le Tribunal a conclu, par conséquent, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner s’il pourrait émettre une ordonnance en vertu de l’article 75(1) de la Loi sur la concurrence

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

janvier 01, 2008

La Cour suprême des États-Unis élimine les brevets non inventifs et précise l’invalidité pour cause d’évidence.

La Cour Suprême des États-Unis a rendu le 30 avril dernier une décision qui rend plus difficile l'obtention d'un brevet pour les inventions combinant des éléments d'inventions pré-existantes. La Cour a en effet statué unanimement que "si la combinaison d'innovations ne résulte en rien de plus qu'une innovation ordinaire et ne produit pas des résultats autres que ceux prévisibles, alors cette combinaison n'est pas brevetable".En infirmant la décision de la Cour d’appel du Federal Circuit , elle rétablit le jugement de la District Court rejetant une action en contrefaçon de brevet en faisant valoir que le brevet en cause était évident. À l’appui de ses motifs, la Cour suprême a critiqué l’application rigide du critère «teaching, suggestion, motivation» ou « TSM » (« enseignements, suggestion et motivation » ) utilisé pendant un certain temps par la Cour d’appel.

Les faits en litige sont simples : Dans cette affaire, Teleflex a intenté un procès à KSR Internationale, un fournisseur de General Motors, pour violation de son brevet. KSR a en effet développé une pédale à capteurs de position à partir d'éléments existants. Teleflex possédant un brevet couvrant cette "invention" a alors intenté un procès à KSR pour obtenir des royalties. En vertu de l’article 103 de la Patent Act américaine, un brevet ne peut être obtenu « [traduction] si les différences entre l’objet pour lequel le brevet est demandé et le dossier d’antériorité sont telles que l’objet dans son entier aurait été évident au moment de son invention pour une personne possédant des habiletés moyennes dans l’art dont relève l’objet. ». Or selon le critère TSM, une revendication de brevet ne pouvait être évidente que s’il existait « [traduction] une motivation ou une suggestion quelconque invitant à combiner les enseignements tirés du dossier d’antériorité ».

La Cour suprême des Etats-Unis a tenté d’incorporer le Common Sens une connaissance de sens commun dans son analyse, pour établir que l’invention en cause était une combinaison évidente de technologies connues et par conséquent, non-brevetable. Elle précise que le bon sens enseigne que des éléments familiers peuvent trouver des usages évidents au-delà de leurs fins principales, et qu’une personne possédant des habiletés moyennes saurait assembler les enseignements de différents brevets comme les pièces d’un casse-tête

Elle précise également que l’on peut prouver l’évidence de l’objet d’un brevet en notant l’existence au moment de l’invention d’un problème connu trouvant une solution évidente dans les revendications du brevet. La question n’étant pas de savoir si la combinaison était évidente pour le breveté, mais plutôt de savoir si la combinaison était évidente pour une personne possédant des habiletés moyennes dans son art.

Cette décision hausse le critère d’inventivité pour les titulaires et demandeurs de brevets aux États-Unis. Il sera probablement plus difficile dorénavant d’obtenir des brevets aux États-Unis. Puisque la majorité de dépôts de demandes de brevets au niveau mondial s’effectue aux États-Unis, demandes de brevets devront être rédigés afin de satisfaire les particularités de la pratique dans ce pays.

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novembre 01, 2007

À propos des « Noms des produits de santé à présentation et à consonance semblables (PSPCS) »

Les noms de produits de santé à présentation et à consonance semblables (PSPCS) désignent les noms de différents produits de santé qui ont une orthographe ou une prononciation similaire (c.-à-d. que la façon de les écrire ou de les prononcer est semblable). Ces similitudes peuvent constituer un risque pour la santé en entraînant des erreurs lors de la prescription, de la dispensation ou de l'administration d'un produit.
L'Association médicale canadienne (AMC), l'Association des pharmaciens du Canada (AphC), la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux (SCPH) et l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada (ISMP Canada) ont longtemps été préoccupés par les questions liées aux noms de PSPCS. En réponse à ces préoccupations, le 1er janvier 2006, la nouvelle Directive concernant les « Noms des produits de santé à présentation et à consonance semblables (PSPCS) », émise par Santé Canada, est entrée en vigueur afin de fournir des précisions aux promoteurs relativement à la manière dont la Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA).

Cette directive s’applique aux produits biologiques aux médicaments d'ordonnance à usage humain avant les produits en vente libre, les produits de santé naturels, les médicaments à usage vétérinaire et les matériels médicaux. Comme le souligne Me Catherine Daigle, avocate chez Léger Robic Richard, conformément au Règlement sur les aliments et drogues, le nom d’une drogue doit nécessairement figurer dans la présentation de cette dernière à la DGPSA pour approbation. Suivant la Directive, tous les noms de produits de santé seront révisés afin d’éliminer tout risque de confusion avec une marque nominative (nom attribué à un produit mis en marché) ou d’appellation générique. En effet, il incombe au promoteur d’un produit d’examiner minutieusement la possibilité d’une ressemblance afin d’empêcher ultérieurement les erreurs de médication.

La Directive vise à prévenir et enrayer certaines pratiques de désignation en lien avec les noms de PSPCS, soit :
· l’appellation similaire de marques nominatives, c’est-à-dire lorsque deux ou plusieurs produits sont dotés d’un nom semblable, voir identique. Une « marque nominative » signifie, « dans le cas d'une drogue, le nom en français ou en anglais, avec ou sans le nom d'un fabricant, d'une personne morale, d'une société de personnes ou d'un particulier : a) qui lui a été attribué par le fabricant, b) sous lequel elle est vendue ou fait l'objet de publicité, c) qui sert à l'identifier », en vertu du Règlement sur les aliments et drogues
· l’utilisation d’abréviations ou de suffixes similaires ou identiques;
· l’appellation d’une marque nominative semblable à un nom de produit générique. Un nom est dit «générique» lorsqu’il décrit la substance pharmaceutique. La dénomination commune internationale (DCI) est créée pour permettre d'identifier un nom générique comme étant unique, universellement applicable et accepté. Un nom générique est le nom propre d'un ingrédient ou son nom usuel si l'ingrédient n'a pas de nom propre.
· le recours à l’élargissement d’une gamme de produits. Une gamme de produits est élargie lorsqu'un médicament se fait attribuer, par la combinaison du nom d'un autre médicament, un préfixe ou un suffixe qui modifie son nom, dans le but de distinguer le nouveau produit de l'original.

Si, au moment de l’examen d’un produit de santé, la DGPSA relève un nom risquant de porter à confusion avec un autre produit existant, elle pourra interdire l’utilisation de ce nom. Suivant l’examen de ce même produit de santé, si le nom de marque demeure la seule question litigieuse relativement à une présentation, la DGPSA devra émettre un avis de conformité (AC) ou encore un avis de non-conformité (ANC) au promoteur, suivant les circonstances applicables :
· s’il s’agit d’un problème lié au nom de marque du produit - soit le nom qui a été attribué au produit par le fabriquant ou encore le nom sous lequel ledit produit est vendu, publicisé ou identifié – un AC sera émis, sans le nom de marque;
· s’il s’agit d’un problème lié au nom propre d’un produit - soit le nom de la drogue en tant que telle - ou, le cas échéant, au nom usuel d’un produit - soit le nom sous lequel une drogue est généralement connue – un ANC sera alors émis, puisqu’un avis de conformité ne peut être émis par la DGPSA en l’absence d’un nom propre ou usuel.
Pour éviter qu’un avis de conformité « incomplet » ou qu’un ANC ne soit émis à l’encontre d’un produit de santé dont le nom serait problématique, le promoteur prudent aura fourni avec sa proposition une liste de noms potentiellement utilisables en ordre de préférence (avec un maximum de deux noms). Ainsi, en cas de rejet du premier nom par la DGPSA, celle-ci pourra passer à l’évaluation du second. De plus, le promoteur avisé devrait produire au soutien de sa proposition une évaluation des risques de même qu’une évaluation de la marque nominative du produit, de préférence avec études, données et analyses à l’appui.
L’évaluation des risques inclut les éléments suivants : la recherche de noms de marques déposées ou non protégées pouvant être similaires; l’analyse informatique des éléments phonétiques ou orthographiques; l’étude d’essais menés sur des ordonnances octroyées oralement ou par écrit; l’examen des possibilités d’erreurs de médication, et ce, tant au niveau de la posologie que de l’administration et, finalement, l’étude portant sur le déroulement des opérations
Plus précisément, durant l'examen des noms de médicaments, on se penchera sur les facteurs contributifs suivants, s'il y a lieu, afin de vérifier si le degré de similitude est problématique :
· la situation relative à la commercialisation (sur ordonnance ou en vente libre);
· la catégorie thérapeutique;
· les indications et les instructions;
· les conditions cliniques de distribution ou d'utilisation (malade hospitalisé ou externe de l'hôpital ou de la clinique par rapport à la pharmacie, pour utilisation à la maison);
· l'emballage et l'étiquetage;
· la concentration;
· la forme posologique ou les modes d'administration;
· la posologie et l'intervalle posologique proposés;
· les groupes de patients similaires;
· l'entreposage.
Durant l'examen des noms de produits de santé en vente libre, on tiendra compte des facteurs suivants, s'il y a lieu, afin de déterminer si le degré de similitude pose un problème :
· la situation relative à la commercialisation (en vente libre) et les conditions d'utilisation;
· la catégorie thérapeutique et les indications;
· l'emballage et l'étiquetage;
· l'emplacement sur les rayons;
· les groupes de patients similaires
En conclusion, la ligne directrice relative à l'examen des noms de médicaments offre les avantages suivants :
· elle fournit un cadre qui permet à Santé Canada d'examiner l'incidence d'un nom proposé sur l'utilisation sans risques du médicament;
· elle définit les rôles de Santé Canada et du promoteur de la présentation dans le cadre de l'évaluation d'un nom de médicament proposé;
· elle fournit des précisions aux promoteurs en ce qui a trait aux renseignements qu'ils doivent présenter relativement à la sécurité d'un nom proposé.
Cette ligne directrice vise à préciser les attentes de Santé Canada et à établir une certaine cohérence en ce qui a trait aux renseignements présentés par les promoteurs au sujet de l'incidence d'un nom proposé sur l'utilisation sans risques d'un médicament

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octobre 01, 2007

Le café, la marque de commerce et les producteurs

L’année dernière, le gouvernement éthiopien a présenté une série de demandes de déposition en tant que marque pour ses cafés les plus réputés, Sidamo, Harar et Yirgacheffe
Le géant mondial du café Starbucks s’est opposé au plan que l’Ethiopie a établi afin d’avoir plus de contrôle sur le commerce du café.

Rappelons ici que la marque offre une protection à son propriétaire, en lui donnant le droit exclusif d'utiliser la marque pour désigner des produits ou des services, ou d'autoriser un tiers à le faire en contrepartie d'une rémunération. La durée de la protection varie, mais une marque peut être renouvelée indéfiniment moyennant le paiement de taxes additionnelles. La protection des droits de marques est garantie par les tribunaux qui, dans la plupart des régimes juridiques, ont compétence pour faire cesser les atteintes aux marques.
Plus largement, les marques encouragent l'initiative et l'esprit d'entreprise dans le monde en offrant aux propriétaires de marques une reconnaissance et des bénéfices financiers. En obtenant les droits sur ces noms, l’Ethiopie serait en mesure de tirer plus de profits de ce commerce, en contrôlant leur utilisation dans le marché, permettant de la sorte aux cultivateurs de recevoir une part plus substantielle du prix en détail. L’industrie du café éthiopien et les cultivateurs pourraient gagner environ 88 millions de dollars américains supplémentaires par an

Starbucks a rapidement réagi contre les demandes déposées auprès de l’Office des Brevets et Déposition de Marques des Etats Unis (USPTO). Ce dernier a rejeté les demandes de l’Ethiopie pour Sidamo et Harar. Starbucks est intervenu dans la décision prise par le USPTO en incitant l’Association nationale américaine du Café (NCA) dans laquelle il est le principal membre, à s’opposer à la certification des marques déposées. Pour refuser la demande éthiopienne, l'USPTO cite la NCA affirmant que les noms de régions sont "génériques".

Finalement, le 3 mai 2007, des représentants du gouvernement de la république démocratique fédérale d’Éthiopie et des dirigeants de Starbucks Coffee Company ont annoncé la conclusion de des discussions cet que les parties avaient trouvé un accord de principe pour la signature d’un accord de licence, de distribution et de promotion qui reconnaît l’importance et l’intégrité des cafés de spécialité éthiopiens.

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septembre 01, 2007

Votre employeur en faillite et votre salaire

Le projet de loi C-55 intitulé Loi édictant la Loi sur le Programme de protection des salariés et modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et d’autres lois en conséquence a été adopté par le Parlement fédéral. Cette loi , devenue le Chapitre 47, vise à indemniser les personnes physiques dont l’emploi a pris fin et qui sont titulaires de créances salariales sur un employeur qui est en faillite ou fait l’objet d’une mise sous séquestre. Elle établit les conditions d’admissibilité à l’indemnisation, la somme maximale pouvant être versée dans le cadre du programme, le processus de demande, d’examen et d’appel et les modalités administratives de sa mise en oeuvre, ainsi que des mécanismes d’exécution. Enfin elle autorise la prise des règlements d’application nécessaires et prévoit un examen de ses dispositions cinq ans après son entrée en vigueur.

Cette loi apporte des modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilit. Desnouvelles dispositions sont ajoutées sur les propositions présentées par les entreprises et, entre autres, le traitement des contrats, les conventions collectives, le financement provisoire et les accords de gouvernance. Des changements sont apportés au rang des charges, notamment à l’égard des salaires et des cotisations aux régimes de retraite. Par ailleurs, la portée de l’application des propositions de consommateur est élargie. Enfin, sont ajoutées de nouvelles dispositions visant à traiter les dettes fiscales élevées et les situations de revenu excédentaire, à exempter les régimes enregistrés d’épargne-retraite de la saisie et à autoriser la libération d’office du failli en cas de deuxième faillite.

Plus concrètement, la loi a pour objet de mieux protéger les salariés des conséquences de la faillite de leur employeur. La Loi édicte notamment la Loi sur le programme de protection des salariés. En vertu de ce programme, un salarié mis à pied pourra s’adresser au gouvernement fédéral pour recevoir paiement du salaire impayé durant les six mois précédant la faillite ou la mise sous séquestre de son employeur (c’est-à-dire la prise de possession des biens de l’employeur par ou pour les créanciers garantis). Le salaire couvert comprend la paie de vacances courue, mais non pas l’indemnité de départ ou de cessation d’emploi. Le montant maximum auquel le salarié aura droit équivaudra au plus élevé de 3 000 $ ou quatre fois le maximum hebdomadaire assurable en vertu de la Loi sur l’assurance emploi, moins les déductions applicables en vertu des lois fédérales et provinciales. Sont exclus du programme les employés comptant trois mois ou moins de services auprès de l’employeur, les dirigeants et administrateurs de l’employeur, l’actionnaire de contrôle et les employés cadres.

Notons également que le Programme de protection des salariés est provisionné par les fonds publics, il ne prévoit donc pas la constitution d'un fonds particulier ni de cotisations au programme. Par conséquents, le gouvernement fédéral sera subrogé, voire substitué, dans les droits des salariés envers leur ancien employeur et ses administrateurs.

En vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, les salariés bénéficient depuis longtemps d’une priorité sur les autres créanciers ordinaires pour les salaires impayés dans les six mois précédant la faillite, jusqu’à concurrence de 2 000 $. Or, cette priorité demeurait sujette aux droits des créanciers garantis. L’avantage de la nouvelle loi repose sur le fait qu’elle modifie la Loi sur la faillite et l’insolvabilité en créant une charge prioritaire pour 2 000 $ de salaires courus dans les six mois précédant la faillite ou la mise sous séquestre portant sur les éléments d’actif à court terme du failli et opposable aux créanciers garantis de ce dernier.

Cette charge prioritaire demeure néanmoins subordonnée au droit des fournisseurs impayés de
récupérer les biens livrés dans les trente jours précédant la faillite ou la mise sous séquestre.
Les modifications qu’apporte la Loi 47 à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité comprennent l’octroi d’une charge prioritaire, sans limite de montant, sur tous les biens du débiteur en cas de faillite ou de
mise sous séquestre, pour le recouvrement des sommes déduites du salaire d’un employé à titre de
contribution à un régime supplémentaire de pension, et des sommes que l’employeur devait lui-même verser à ce régime en guise de contribution. Cette charge prioritaire est opposable aux créanciers garantis et prend rang immédiatement après la charge en faveur des salaires impayés.

Finalement, les divers chapitres de cette loi ne doivent entrer en vigueur qu’aux dates fixées par décret du gouvernement. Il faut s’attendre à ce que ce ne soit le cas que dans plusieurs mois, ne fusse que pour donner au gouvernement le temps d’élaborer les règlements d’application.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

août 01, 2007

Êtes-vous harcelé psychologiquement au travail?

Le 1er janvier 2004, entraient en vigueur les nouveaux articles de la Loi sur les normes du travail portant sur le harcèlement psychologique au travail. Celle-ci définit l’harcèlement psychologique comme étant une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.

On retient donc les points suivants, soit :

- Une conduite vexatoire
- L’intention
- Le caractère répétitif
- Paroles, actes ou gestes hostiles
- Ou non désirés
- Portant atteinte à l’intégrité
- Ou la dignité
- Milieu de travail néfaste

Tendances jurisprudentielles

Conduite vexatoire

L’arrêt Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Procureur général du Québec, [1998] R.J.Q. 3397 (T.D.P.Q.) précise la nature du caractère vexatoire en affirmant que « la conduite inacceptable s’appuie essentiellement sur une notion d’abus de confiance, d’abus de pouvoir ou d’autorité, exercé à l’encontre de la victime; le langage utilisé ou les gestes posés recherchent, consciemment ou non, le maintien de la victime dans une situation d’infériorité ou d’ostracisme par rapport aux collègues de travail ou, plus globalement, au milieu de travail. »

Caractère répétitif et non désirés

Dans l’arrêt Habachi c. Commission des droits de la personne du Québec, [1999] 0R.J.Q. 2522 (C.A.), on précise que le critère de la répétition est moins exigeant dans le cas de harcèlement en milieu de travail, en raison du contexte de captivité et de dépendance de l’employé. « Plus la conduite est grave, moins grande sera l’exigence de la répétition » et précise également au niveau des paroles, actes ou gestes non désires que « tout en écartant la motivation du harceleur ou son intention, les faits reprochés doivent pouvoir être objectivement perçus comme non désirables. »

Aussi, le critère établi est celui du critère objectif de la personne raisonnable. La norme pour évaluer le caractère acceptable ou inacceptable d’une conduite harcelante est celle de la raisonnabilité fondée sur le seuil de tolérance d’une personne raisonnable à l’endroit d’un acte semblable. (Commission des droits de la personne c. Dhawan, D.T.E. 2000T-633 (C.A.))

Vos recours

Le salarié qui croit avoir été victime de harcèlement psychologique peut adresser, par écrit, une plainte à la Commission. La plainte relative à une conduite de harcèlement psychologique doit être déposée dans les 90 jours de la dernière manifestation de cette conduite. Sur réception d’une plainte, la Commission fait enquête avec diligence. En cas de refus de la Commission de donner suite à la plainte, le salarié peut demander par écrit à la Commission de déférer sa plainte à la Commission des relations du travail. Notons également que la Commission peut en tout temps, au cours de l’enquête et avec l’accord des parties, demander au ministre de nommer une personne pour entreprendre avec elles une médiation. La Commission peut, sur demande du salarié, l’assister et le conseiller pendant la médiation. À la fin de l’enquête, si aucun règlement n’intervient entre les parties concernées et si la Commission accepte de donner suite à la plainte, elle la défère sans délai à la Commission des relations du travail.

Si la Commission des relations du travail juge que le salarié a été victime de harcèlement psychologique et que l’employeur a fait défaut de respecter ses obligations, soit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser, la Commission des relations de travail peut rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, notamment :

1. ordonner à l’employeur de réintégrer le salarié;
2. ordonner à l’employeur de payer au salarié une indemnité jusqu’à un maximum équivalant au salaire perdu;
3. ordonner à l’employeur de prendre les moyens raisonnables pour faire cesser le harcèlement;
4. ordonner à l’employeur de verser au salarié des dommages et intérêts punitifs et moraux;
5. ordonner à l’employeur de verser au salarié une indemnité pour perte d’emploi;
6. ordonner à l’employeur de financer le soutien psychologique requis par le salarié, pour une période raisonnable qu’elle détermine;
7. ordonner la modification du dossier disciplinaire du salarié victime de harcèlement psychologique.

En conclusion, les employeurs ont donc avantage à mettre en place rapidement des mesures préventives (par exemple une politique sur le harcèlement psychologique) afin d’assurer à leurs employés un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique et de minimiser les risques de litiges.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

juillet 05, 2007

Sedona Canada: l’administration de la preuve électronique

Mon collègue de la blogosphère, Me Dominic Jaar, a traduit et mis à la portée de tous les «Principes de Sedona Canada concernant l’administration de la preuve électronique», version française de «Production of Electronic Document». Ces principes donnent des conseils pratiques et constituent des lignes directrices nationales visant une meilleure gestion et compréhension de l’administration de la preuve électronique utiles pour les avocats, les juges mais aussi les parties. Me Jaar mentionne également que ces lignes directrices canadiennes ont été conçues dans un cadre où les litiges sont de plus en plus multinationaux et où les TI ont rendu l'information virtuelle et sans juridiction.

juillet 01, 2007

La marque de commerce, l’apparence de droit et la balance des inconvénients

La marque de commerce, au sens de la Loi sur les marques de commerce (ci-après « L.M.C. »), est une appellation (mot) et autres signes (dessins, chiffres, modes d’emballage, etc) utilisés par une entreprise pour l’identification d’un bien ou d’un service en vue de le distinguer des autres biens ou d’un service provenant d’autres entreprises (art. 2 L.M.C.)

La fonction essentielle d’une marque de commerce étant de distinguer sur le marché les produits ou services d’une entreprise de ceux des autres, la validité d’une marque repose sur son caractère distinctif, d’où l’intérêt d’éviter toute forme de confusion. L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises ou les services associés à ces marques de commerce sont reliés à la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

La Cour supérieure s’est penchée sur l’apparence de confusion, dans l’arrêt Multi-marques inc. c. Boulangerie Gadoua ltée, [2000] J.Q. no 263. Rappelons tout d’abord les faits. Multi-Marques est une entreprise de boulangerie commercialisant ses produits sous diverses marques. Depuis 1997, elle met en marché des pains, des muffins anglais, des tortillas et des bagels sous la marque de commerce "NEW YORK NEW YORK". Le 16 février 1998, elle dépose à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, une demande d'enregistrement de la marque de commerce "NEW YORK NEW YORK" en relation avec lesdits produits. Sa demande est acceptée et un certificat d'enregistrement lui est émis le 15 octobre 1999 conformément aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce. Sa concurrente, la Boulangerie Gadoua ltée produit du pain et divers produits, dont des bagels novembre 1996 qu'elle commercialise sous la marque Gadoua. Les sacs contenant ces bagels portent, bien en évidence, un logo rond avec un centre plus clair, qui donne l'apparence générale d'un bagel. En grosses lettres au centre, on lit le mot BAGELS, accompagné en plus petit au-dessus des mots "À LA NEW-YORKAISE" et, en dessous, des mots "NEW YORK STYLE".Considérant que ce nouvel emballage contrevient à ses droits exclusifs à la marque de commerce, "NEW YORK NEW YORK", Multi-Marques entreprend le 19 octobre 1999 des procédures en injonction contre Boulangerie Gadoua. Le 20 octobre, elle obtient une ordonnance d'injonction provisoire, laquelle fera par la suite l'objet d'un renouvellement et d'une ordonnance de sauvegarde, tant et si bien qu'il est interdit depuis cette date à Boulangerie Gadoua de commercialiser ses bagels dans l'emballage qu'elle se proposait d'utiliser avec les mots "NEW YORK NEW YORK". Début novembre, Boulangerie Gadoua opte pour un emballage identique à celui annoncé précédemment, sauf que le mot "NEW YORK" au-dessus du globe terrestre est remplacé par le mot "NEW-YORKAIS".

Les avocats de Multi-Marques ont soutenu que la Loi conférait à leur cliente l'usage exclusif au Canada de la marque verbale "NEW YORK NEW YORK" en relation avec des produits de boulangerie, dont les bagels, et que l'art. 20 de la Loi la protège contre toute marque portant à la confusion, ce qui serait le cas pour la marque verbale "NEW-YORKAIS NEW YORK". Ils ont fait valoir que les deux parties sont en compétition directe dans le même territoire et pour la même gamme de produits et que les efforts de leur cliente afin de commercialiser les bagels en association avec les mots "NEW YORK NEW YORK" sont menacés par les gestes que désire poser Boulangerie Gadoua. Pour eux l'apparence de droit est claire, de même que le préjudice irréparable qui pourrait être causé à Multi-Marques et à sa marque de commerce "NEW YORK NEW YORK". L’apparence de droit est une obligation imposée à la partie demanderesse de démontrer, qu’à la seule vue des éléments de preuve qu’elle présente et des faits qu’elle allègue, elle a droit au remède recherché.

Les mots "créant de la confusion" sont définis à l'art. 2 de la Loi par renvoi à l'art. 6 de celle-ci. En vertu du par. 5 de l'art. 6, pour évaluer s'il y a confusion, le tribunal a tenu compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux impliqués, le type de marchandise à laquelle ils sont associés et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux impliqués.

En ce qui a trait à la balance des inconvénients, ils soutiennent que celle-ci favorise Multi-Marques qui souffrirait d'une atteinte à l'association qu'elle tente de faire dans le public entre les bagels et sa marque de commerce, alors que Boulangerie Gadoua est en mesure de continuer de commercialiser ses bagels sous l'emballage actuel ou un autre emballage qui ne porte pas atteinte à ses droits. Ils ajoutent que les interrogatoires et pièces déposés au dossier font voir que les ventes de Boulangerie Gadoua sont en hausse depuis plusieurs années, phénomène qui s'est continué cet automne malgré la non-utilisation du nouvel emballage proposé.

La balance des inconvénients est une appréciation que doit faire le tribunal saisi d’une demande d’injonction interlocutoire lorsqu’il est appelé à déterminer qui, du requérant ou de l’intimé, subira les inconvénients les plus sérieux s’il accorde ou rejette la demande. Dans ce cas ci, le tribunal a déterminé qu’elle favorisait clairement la requérante, Multi-Marques, qui est la seule qui commercialise actuellement ses produits sous la marque "NEW YORK NEW YORK" et qui pourrait perdre des ventes advenant confusion dans l'esprit des acheteurs potentiels exposés à la fois aux bagels de Multi-Marques et de Boulangerie Gadoua. Quant à Boulangerie Gadoua, elle est en mesure de continuer la progression de ses ventes sans avoir à utiliser la combinaison "NEW-YORKAIS NEW YORK", comme la preuve l'a démontré jusqu'à maintenant.

Par conséquent, la Cour a ordonné la Boulangerie Gadoua de cesser tout usage de la combinaison des mots "NEW YORK NEW YORK" ou de la combinaison des mots "NEW-YORKAIS NEW YORK" comme marque de commerce ou autrement, ou de toute autre combinaison de mots pouvant porter à confusion avec la marque de commerce "NEW YORK NEW YORK". De plus, elle a ordonné de ne pas mettre sur le marché ses produits de boulangerie dans un emballage comportant une combinaison de mots pouvant porter à confusion avec la marque de commerce "NEW YORK NEW YORK", incluant la combinaison "NEW-YORKAIS NEW YORK" et de ne pas offrir en vente, vendre ou livrer tout produit ou marchandise arborant ou portant la combinaison "NEW YORK NEW YORK" ou la combinaison "NEW YORKAIS NEW YORK". Et finalement, elle a ordonné d'enlever la combinaison "NEW YORK NEW YORK" et "NEW YORKAIS NEW YORK" sur l'étiquette de tous les produits "GADOUA" présentement en sa possession ou sous son contrôle.

Cette décision démontre que la fonction essentielle d’une marque de commerce étant de distinguer sur le marché les produits ou services d’une entreprise de ceux des autres, il est de l’intérêt des parties au litige d’éviter toute forme de confusion.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

juin 01, 2007

Le conflit d’intérêt

L’actualité nous parle abondamment du concept de conflit d’intérêt. Comment est-il réglementé, quelles sont les obligations des dirigeants?

Tout d’abord, le premier devoir des dirigeants est de respecter les limites des pouvoirs qui leur ont été conférés. Le Code civil du Québec (ci-après C.c.Q) précise que les administrateurs doivent agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la personne morale (art. 322, 2138 C.c.Q). Cette dernière est une entité légalement constituée, dotée d’une personnalité juridique indépendante de celle de ses membres et à qui la loi reconnaît des droits et des obligations. La Loi sur les Sociétés par actions (ci-après LSA) leur impose des obligations similaires. Ils doivent agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt de la compagnie et avec le soin, la diligence, et la compétence dont ferait preuve une personne diligente, en pareilles circonstances (art. 122(1) (a) et (b)). Plus concrètement, quatre devoirs généraux leur sont imposés , soit :

1. Agir dans les limites de leurs pouvoirs
2. Agir avec habilité et compétence
3. Agir avec prudence et diligence dans l’intérêt de la personne morale
4. Agir avec honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la personne morale.

Les administrateurs sont tenus d’agir avec honnêteté et loyauté. Cette obligation découle de deux sources, soit leurs devoirs de fiduciaires (art. 122(1) (a) LSA, 1309 et ss. et 322 C.c.Q et ss.) et leurs obligations de mandataire (2138 C.c.Q.) En vertu des devoirs d’honnêteté et de loyauté, les administrateurs doivent donc éviter de se placer en conflits d’intérêts.

Les administrateurs doivent donc éviter de se placer dans une situation où leurs intérêts personnels entrent en conflits avec ceux de la compagnie. Si des conflits potentiels ou présents existent, ils sont tenus de les divulguer (art. 120 (1) à (7) LSA et 324 C.c.Q.).

Cette obligation prévue à l’article 324 C.c.Q. est complétée par d’autres dispositions prévoyant des prohibitions spécifiques, notamment celle interdisant à l’administrateur de contracter avec la personne morale relativement aux biens de la compagnie ou de se porter partie à tout acte qu’il doit conclure pour la compagnie (2147 C.c.Q.). Notons que ces interdictions peuvent être levées sous certaines conditions, notamment, si l’administrateur ou le dirigeant a communiqué son intérêt, et les administrateurs de la société ont approuvé le contrat ou l’opération et qu’au moment de son approbation, le contrat ou l’opération était équitable pour la société (120(7) LSA). Aussi, tout administrateur peut, même dans l'exercice de ses fonctions, acquérir, directement ou indirectement, des droits dans les biens qu'il administre ou contracter avec la personne morale. Il doit signaler aussitôt le fait à la personne morale, en indiquant la nature et la valeur des droits qu'il acquiert, et demander que le fait soit consigné au procès-verbal des délibérations du conseil d'administration ou à ce qui en tient lieu. Il doit, sauf nécessité, s'abstenir de délibérer et de voter sur la question. (325 C.c.Q.)

Pour que le contrat soit valable entre la compagnie et l’administrateur, ce dernier doit préalablement divulguer son intérêt au conseil d’administration. Le conseil d’administration ou les actionnaires doivent également approuver le contrat.

En conclusion, comme le souligne Me Jean-Claude Hébert dans son ouvrage intitulé Droit pénal des affaires, dans le milieu des affaires, les occasions de conflits d’intérêts sont fréquentes. Notamment, le système financier canadien évolue vers une plus grande diversification des services et une concentration marquées des institutions financières. Un contexte de décloisonnement favorise donc l’émergence de conflits d’intérêts.
Ce n’est pas l’existence de conflits d’intérêts qui est répréhensible que les abus qui pourraient en découler.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

mai 01, 2007

Les entreprises à l’heure de la fraude économique

Dans la foulée des scandales économiques récents, nous parlons de plus en plus de fraude économique. Or, ce concept reste un peu flou, qu’en est-il réellement?

D’emblée, mentionnons que le droit canadien ne réprime véritablement la fraude que depuis 1948, avant les modifications apportées à cette date au Code criminel, seul le complot en vue de frauder attirait sur son auteur les foudres du droit criminel.

Pour dresser un portrait de la fraude économique, il importe d’évaluer les réponses apportées par la Cour suprême, particulièrement dans les affaires Olan, Zlatic et Théroux en tentant d'apporter une définition juste de la fraude criminelle.

Comme le mentionne Me Anne-Marie Boisvert, dans son ouvrage intitulé « La fraude économique : Sommes-nous allés trop loin », la définition traditionnelle de la fraude était le fait d'amener une personne, au moyen d'une supercherie ou d'un mensonge, à se départir d'un bien. Or, l'affaire Olan a permis d’élargir la définition de la fraude.

Cette affaire consistait à un stratagème mis en place par les dirigeants d'une corporation et destiné à financer la prise de contrôle d'une compagnie cible à l'aide de ses propres actifs. Un procédé complexe, caractérisé par un système de financement fondé essentiellement sur l'endettement, avait permis de dépouiller la compagnie cible de ses meilleurs actifs et de se servir de ces mêmes actifs pour financer l'achat de la compagnie cible par une autre compagnie contrôlée par les accusés. Plus précisément, les accusés avaient décidé d'acquérir une compagnie prospère (Langley la compagnie cible) possédant un portefeuille de valeurs sûres qui s'élevait à environ 1,5 millions de dollars. Ceux-ci étaient donc entrés en contact avec l'actionnaire majoritaire de cette compagnie et avaient négocié l'achat de toutes ses actions. Afin de se procurer la somme d'environ 1,025 millions de dollars nécessaire à cet achat, ils eurent recours aux services d'une banque. Cette dernière accepta d'émettre un chèque certifié au montant de 1,025 millions, tiré sur le compte d'une compagnie possédée par les accusés (Beauport Holdings la compagnie de transit). Toutefois, comme la compagnie de transit ne disposait d'actifs que pour une valeur équivalente à la moitié du montant du chèque, la banque refusa de se départir du chèque tant que les actifs de la compagnie de transit n'atteindraient pas 1,025 millions. Le jour de la conclusion de l'achat de la compagnie cible, les accusés offrirent en paiement le chèque certifié, bien que ce dernier soit demeuré en possession de la banque. Une fois la transaction complétée, les accusés, devenus actionnaires majoritaires de la compagnie cible, procédèrent à la liquidation de ses meilleures valeurs en lui faisant entre autres acheter des actions d'une compagnie d'investissement dont ils détenaient le contrôle (Beauport Financial la compagnie de finance). Cette dernière disposait dorénavant de liquidités lui permettant de consentir un prêt important à la compagnie de transit. La compagnie de transit disposant alors d'actifs suffisants, la banque remit le chèque certifié au vendeur des actions de la compagnie cible. En définitive, c'est donc la liquidation des meilleurs actifs de la compagnie cible qui servit à financer plus de la moitié de sa prise de contrôle par les accusés. Une autre partie du produit de la liquidation a par ailleurs permis aux accusés de consolider leur position au sein d'autres compagnies.

Poursuivis pour fraude envers la compagnie cible, les accusés ont plaidé qu'en aucun moment cette dernière n'avait été victime de supercherie ou de tromperie. Ils soutenaient de plus qu'aucun préjudice n'avait été causé à la compagnie cible dans la mesure où rien n'indiquait que les nouveaux placements effectués par cette dernière n'étaient pas de nature à assurer sa stabilité financière. Ils plaidaient enfin que rien ne pouvait permettre de conclure qu'ils n'avaient pas l'intention de faire rembourser par la compagnie de transit les prêts consentis par la compagnie de finance, et donc, en définitive, d'assurer un peu mieux la santé financière de la compagnie cible.

Dans son jugement, le juge Dickson, au nom d'une cour unanime, reconnaît la possibilité de l'existence d'un préjudice même en l'absence d'une perte financière réelle et affirme qu'un risque de préjudice, c'est-à-dire une mise en péril, même temporaire, des intérêts économiques de la victime suffit à établir l'élément de privation :

« On établit la privation si l'on prouve que les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard. Il n'est pas essentiel que la fraude mène à une perte pécuniaire réelle »

En l'espèce, la Cour suprême fut d'avis que le fait, pour la compagnie victime, de détenir à la fin de l'opération des valeurs hautement spéculatives en lieu et place des valeurs sûres composant auparavant son portefeuille, peut constituer une privation :

« Si Langley avait eu à faire face à des difficultés financières, elle aurait dû être en mesure d'exiger le remboursement immédiat du prêt afin d'augmenter son fonds de roulement. Avant que les accusés n'entrent en scène, alors que son portefeuille était encore intact, Langley disposait d'importantes liquidités. Beauport Holdings ne pouvait effectuer l'emprunt que si Langley mettait en péril ses propres biens ou se payait à elle-même des montants qu'elle n'aurait plus, advenant des difficultés financières. En somme, je suis d'avis que le jury pouvait conclure qu'il y avait une nette disproportion dans l'échange du portefeuille contre le prêt »

La malhonnêteté est donc devenue le fondement de la fraude, cette dernière pouvant se manifester par le mensonge, la supercherie ou tout autre moyen malhonnête. Dans les récentes affaires Zlatic et Théroux, la Cour suprême s'est vue offrir l'occasion de fournir des précisions sur les éléments matériels et sur la mens rea du crime de fraude. Pour les fins de l’article, mentionnons que la mens rea consiste à désigner la conscience qu’a un individu de commettre un acte prohibépar la loi ou son insouciance à l’égard des conséquences des actes qu’il a posé.

Zoran Zlatic fut accusé de fraude dans les circonstances suivantes. Exploitant une entreprise de vente en gros de "tee-shirts" et de "sweat-shirts", il a, à une certaine époque, acheté pour environ 375 000 dollars de marchandise auprès de trois fournisseurs. Il a reçu ces marchandises à crédit ou en contrepartie de chèques postdatés. Pendant la même période, il a perdu au jeu tout l'actif de son entreprise. Cet actif comprenait entre autres le produit de la vente des marchandises livrées par ses fournisseurs. Peu de temps après, monsieur Zlatic fit faillite, laissant impayées les créances de ses fournisseurs.
Par une mince majorité, la Cour suprême du Canada a confirmé la déclaration de culpabilité prononcée en première instance et maintenue par la Cour d'appel du Québec pour des motifs divers.

Abordant la question de savoir si le moyen utilisé par un accusé peut être qualifié de "manoeuvre dolosive" au sens de l'article 380 du Code criminel, le juge McLachlin fournit les explications suivantes sur cet élément de la fraude :

« Pour déterminer cela, on applique la norme de la personne raisonnable. La personne raisonnable qualifierait-elle l'acte de malhonnête? Évidemment, il n'est pas facile de définir avec précision la malhonnêteté. Elle implique cependant un dessein caché ayant pour effet de priver ou de risquer de priver d'autres personnes de ce qui leur appartient. Dans Criminal Fraud, J.D. Ewart définit la conduite malhonnête comme étant celle [TRADUCTION] "qu'une personne honnête ordinaire jugerait indigne parce qu'elle est nettement incompatible avec les activités honnêtes ou honorables". La négligence ne suffit pas, pas plus que le fait de profiter d'une chance au détriment d'autrui sans avoir adopté une conduite dénuée de scrupules, peu importe que cette conduite soit volontaire ou irréfléchie. La malhonnêteté de l'"autre moyen dolosif" tient essentiellement à l'emploi illégitime d'une chose sur laquelle une personne a un droit, de telle sorte que ce droit d'autrui se trouve éteint ou compromis. L'emploi est "illégitime" dans ce contexte s'il constitue une conduite qu'une personne honnête et raisonnable considérerait malhonnête et dénuée de scrupules »

De plus, dans l’arrêt Théroux, le juge Proulx de la Cour d'appel du Québec, après avoir souligné que la conduite de l'accusé doit être délibérément malhonnête, affirme :

« Si l'intention de tromper et de transférer à des fins frauduleuses est pertinente, ou encore si la conduite doit être délibérément malhonnête, c'est donc qu'il s'agit là d'une intention spécifique, ou "l'intention [...] ne se limite pas à l'accomplissement de l'acte en question". [...] Si la fraude était une infraction d'intention générale, l'acte serait prohibé du seul fait de la volonté de causer la privation malhonnête »

Selon le juge Proulx, la connaissance par l'accusé du fait que ses actes sont malhonnêtes est un élément essentiel de l'infraction et se traduit par le concept d'intention spécifique.

Tous les gestes qui tendent à maquiller, d'une manière ou d'une autre, la vérité peuvent donc, selon l’avis de Me Boisvert, se qualifier d'actes dolosifs au sens de l'article 380 du Code. L'utilisation du véhicule corporatif pour masquer un stratagème destiné à s'approprier des fonds sous apparence de la légitimité des transactions commerciales normales constitue un écran de fumée destiné à détourner l'attention et peut être qualifié de moyen dolosif au sens de l'article 380. Selon Me Boisvert, seuls les actes posés sans droit, en violation d'un devoir ou sans autorisation quand cette dernière est requise, peuvent constituer des moyens dolosifs.

Depuis l'affaire Olan, la fraude est définie comme une privation malhonnête.
Le caractère insaisissable de l'actus reus de la fraude, soit l’acte ou le comportement conscient et volontaire d’une personne qu’une loi pénale prohibe et sanctionne, contribue en outre à la difficulté de cerner les éléments de faute devant s'y rapporter. Malgré tout, le crime de fraude reste un concept flou, mal délimité, malgré les efforts de la Cour.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

avril 01, 2007

L’embauche d’un musicien comme valeur ajoutée et son statut juridique

Vous désirez offrir les services d’un musicien au service offert par votre entreprise ? Quel est son statut, un employé? Un musicien, un artiste au sens de la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma? L’arrêt 9009-0531 Québec inc. (Cabane à sucre Chez Dany) c. Commission de reconnaissance des associations d'artistes et des associations de producteurs, [2006] J.Q. no 2762 est venu préciser les faits.

Dans cet arrêt, La Cabane à sucre chez Dany est une entreprise faisant affaire à Trois-Rivières. Cet établissement est exploité environ huit mois par année et on y sert à boire et à manger, particulièrement pour des groupes locaux et étrangers et emploie une quinzaine d'employés réguliers dont un accordéoniste qui crée une musique d'ambiance.

La Cour supérieure a renversé une décision de la Commission de reconnaissance des associations d’artistes et des associations de producteurs (« CRAAAP ») qui avait déclaré que la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagements des artistes de la scène, du disque et du cinéma, L.R.Q., c. S-32.1 (« Loi ») s’applique non seulement aux artistes pigistes, mais également aux artistes salariés lorsqu’ils ne sont pas syndiqués ou visés par un décret.

La Cour a conclu que la décision de la Commission considéraient que, dès qu'une personne s'accompagne d'un instrument pour en amuser quelques autres ou créer une espèce d'ambiance, dans un lieu donné à vocation restreinte, elle devenait automatiquement un artiste assujetti à la Loi qu'on connaît puisque son employeur devenait un producteur au sens de la même Loi.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour s’est basée sur l’arrêt Club de Hockey Canadien où, en août 2001, la Guilde déposait une requête amendée visant à faire déclarer que le Centre Molson, ou à défaut, le Club de Hockey Les Canadiens Inc., est un producteur au sens de la Loi. La représentation en public qu'effectuait l’organiste du Centre Bell ne faisait appel à aucune recherche artistique ou esthétique particulière malgré le fait qu’elle soit musicienne travaillant contre rémunération. Mais ce n’étaient pas les services de l'artiste qui sont retenus, mais ceux d'une technicienne de son aux fins de l'animation du public amateur de hockey.

Par conséquent, l’accordéoniste qui fait ce travail dans une cabane à se trouvait dans la même position que l'organiste qui fait à peu près la même chose au Centre Bell à l'occasion d'une partie de hockey. Selon la Cour, « il faut tout de même garder à l’esprit que les gens qui vont à la cabane à sucre s’y rendent pour le boire et la nourriture et pas nécessairement pour entendre de la musique. Comme au Centre Bell où on s’y rend principalement pour l’événement principal, soit la partie de hockey.

La situation s’envisage de façon tout à fait différente lorsque le public se déplace pour aller écouter une représentation artistique soit au Centre Bell, à la Place des Arts ou encore aux deux Casinos du Québec (…)

Il est vrai qu’on a tenté au Québec de faire de l’artiste un professionnel en vue de favoriser ses intérêts socio-économiques. Mais, est-ce à dire que toute personne au Québec qui joue de la musique, en quelque endroit et dans quelque contexte que ce soit devienne automatiquement une personne captive d’associations d’artistes ou autres ?
»

En conclusion, la Cour souligne également le danger de conclure que toute personne au Québec qui joue de la musique, en quelque endroit et dans quelque contexte que ce soit devienne automatiquement une personne captive d'associations d'artistes, contrevenant à liberté d’association protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.

Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique

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